De notre confrère expartibus.it – Par Rosmunda Cristiano
Vous utiliserez le tablier toute votre vie et, à votre mort,
il sera déposé sur le cercueil destiné à garder votre cadavre et avec lui il restera sous terre. Faites que sa candeur vous exhorte toujours à la pureté des mœurs et à la droiture morale qui inspirèrent nobles actions, hautes pensées et grandes réalisations. Extrait d’un ancien rituel maçonnique
Le tablier du Franc-Maçon est blanc, symbole d’innocence et de pureté, qualités essentielles pour être admis à la Loge Céleste présidée par le Grand Architecte de l’Univers . Bordé de différentes couleurs pour distinguer les frères Apprentis et Compagnons, des Maîtres.
Plantagenet rappelle qu’il était à l’origine fait de peau d’agneau pour se souvenir de celle avec laquelle dans la légende biblique sont habillés Adama et Eve, contraints de quitter le Ciel et voués à la douleur.
Par rapport à cette dernière, il note :
[la douleur] n’est pas une malédiction pour l’homme, c’est la cause génératrice de son bonheur; celui qui découvrira le mystère des deux colonnes ne pourra en douter. Il apprendra aussi que le travail n’est une punition que s’il est poursuivi à des fins égoïstes ; pour qu’il soit une source inépuisable de joie, il faut qu’il soit aimé pour lui-même, qu’il ne soit pas dans la seule fonction de motifs dégradants, et voilà pourquoi le Tablier est blanc, immaculé et pur. En le conservant ainsi, chacun peut, à son niveau, réaliser cette perfection à laquelle aspire tout initié.
L’architecte Hiram Abif a dirigé les travaux de construction du premier temple à Jérusalem, il était l’enseignant et le guide moral de tous les constructeurs de moindre importance, à tous les degrés et à tous les niveaux. Il distinguait les attributions de ses ouvriers en trois catégories : les Apprentis, les Compagnons d’Art et les Maîtres Francs-Maçons : chacun, selon le travail qu’ils accomplissaient et l’effort qu’ils apportaient à la construction du Temple, était entouré de tabliers de peau d’agneau, pour se défendre contre les coups d’outils et d’éclats.
Le tablier d’Art est donc un élément historique de la tradition opérative , qui avec l’avènement de la franc-maçonnerie spéculative prend valeur de symbole initiatique.
L’utilisation dans sa forme et sa substance en tant que symbole rituel a ses racines dans les coutumes des Esséniens, et à partir de là, elle devient un “habitus” maçonnique. L’élément qui entoure les hanches, sans lequel il n’est pas permis de participer aux travaux rituels et sans lequel on ne peut se sentir Frères en Franc-Maçonnerie, est donc le symbole des symboles de l’ Institution.
Il se réfère également au corps physique dont l’esprit doit être revêtu afin de réaliser le Temple Universel ; selon d’autres, il aurait pour but de couvrir la partie inférieure du corps, siège des passions et des instincts, signifiant que dans le Temple seule la partie supérieure, celle qui est le siège des facultés spirituelles et rationnelles, doit participer intensément dans le travail.
Il rappelle au Franc-Maçon certains des Devoirs Anciens : protéger sa santé, agir comme il sied à un homme moral et sage et se comporter de manière équilibrée même lorsque la Loge est fermée car il est porté, réellement, lors des travaux en atelier, mais surtout il reste invisible même à chaque instant de notre vie profane.
Esotériquement donc, il représente le travail constant auquel le Maçon doit se consacrer ; la marque la plus caractéristique du franc-maçon qui a donc pour tâche de le garder pur.
Le poète Robert Burns, initié le 4 juillet 1781, entré dans la franc-maçonnerie parce qu’il croyait à la Fraternité des hommes et aimait toutes les créatures de Dieu, hommes et bêtes, lui dédie un de ses vers les plus célèbres :
Parmi les nombreux symboles, il y a un étrange vêtement
Avec des rubans, des tresses et des rubans ;
Que les rois et les princes le portent
Mais donnez-moi le tablier de Maître !
Le tablier honnête de l’artisan,
Le tablier animé du maçon,
Qu’il soit à la maison ou à l’extérieur
Avant que son toucher ne soit entravé et empêché,
Les portes de la fortune sont grandes ouvertes
Entrez mais portez le tablier !
Quant à la richesse et à l’honneur, à la dignité et au pouvoir,
Que les pierres sur lesquelles ils reposent soient pulvérisées ;
La Fraternité dominera le temps
Et tout maçon digne !
Chaque Maçon Libre et Accepté
Chaque Maçon de l’Art Ancien.
Alors, frères, qu’un sang vigoureux
coule dans les rangs de l’amitié !
Les enseignants et les enfants chantent joyeusement
À l’ancienne Loge avec le lien du tablier
Qui est porté par Maître Maçon !
Ragon, dans son Rituel de l’Apprenti Maçon , dit au néophyte :
Recevez ce tablier que nous portons tous, et que les plus grands hommes sont honorés de porter ; c’est l’emblème du travail : il vous rappellera qu’un franc-maçon doit toujours avoir une vie active et laborieuse. Ce Tablier, qui est notre tenue maçonnique, vous donne le droit de vous asseoir parmi nous et vous ne devez jamais vous présenter dans ce Temple sans en être vêtu, la bavette relevée.
La couleur blanche du tablier de l’apprenti établit l’étape précise dans laquelle se trouve le travail alchimique que le néophyte s’apprête à accomplir.
Lorsqu’on est initié aux entrailles de la terre représentées symboliquement par le cabinet de réflexion, on commence à se familiariser avec les éléments du Grand livre.
Le passage au grade de Compagnon implique le remplacement du tablier blanc par un autre qui diffère, dans notre institution, pour la bordure, qui est d’une autre couleur : le vert.
Ainsi, une autre communication est reçue : il est temps de continuer son voyage avec une autre phase du processus alchimique ; c’est un pas de plus vers la construction de l’ Art Royal .
Le vert a de nombreuses significations, mais, dans le cas du compagnon, cela signifie que, s’il est capable de manipuler correctement les éléments, il obtiendra une nouvelle pierre qui, contrairement à celle de l’apprenti, encore brute et imprécise, sera cubique et, toujours selon l’école alchimique, d’une belle couleur émeraude.
Ce que le compagnon, travaillant sur lui-même, tentera de trouver, avec des temps et des moyens adaptés à ses capacités, sera, en fait, l’émeraude des philosophes.
Le tablier continue de protéger les points d’énergie du franc-maçon, de rappeler ses principales fonctions à l’intérieur et à l’extérieur de l’atelier, mais surtout il communique le changement qui n’est certes pas matériel, mais placer à un niveau plus profond et plus subtil.
Il indique quel type de travail est en cours, comme cela s’est également produit dans la franc-maçonnerie opératoire, mais cette fois dans la spéculation. Finalement, il identifie le porteur avec la phase alchimique qu’il a vécue à ce moment précis.
À ce stade, je trouve naturel de faire une observation : peut-être qu’en plus des coutumes et des traditions anciennes, il y a une raison subtile pour laquelle les deux colonnes du temple maçonnique se font face.
L’apprenti, rituellement positionné dans sa colonne, a face à lui celle des compagnons comme pour se souvenir : travaillez sur vous-même, puisque votre travail doit continuer.
Même le compagnon reçoit un message du tablier porté par les frères du grade précédent, qu’il a toujours sous les yeux pendant la séance : souvenez-vous qu’en vous vous resterez toujours un apprenti .
Cette pensée trouve en moi sa représentation maximale dans un dessin peu connu de Goya, conservé au Prado, qui date probablement des dernières années de la vie de l’artiste et qui, selon certains, serait un autoportrait. Il représente un vieil homme à la barbe blanche flottante qui marche difficilement appuyé par deux bâtons, en haut à droite apparaît la courte écriture J’apprends encore , j’en apprends plus !