Récits, légendes et mythes?
Ces trois termes s’emboîtent comme des poupées russes, dont les figures et les couleurs différent: voyons pourquoi et comment.
« Récits, légendes et mythes »… Ne dit-on pas trois fois la même chose, sous un titre unique ? car enfin, si l’on en croit la sémantique, et plus encore l’étymologie latine de ces termes, la légende est un « récit qui doit être lu » et le mythe « un récit fabuleux », avec pour second sens « légende, fable »…
Alors, à quoi bon titrer ces trois répétitions pour dire la même chose ?
Pas tout à fait. Des nuances existent, qui qualifient ce choix ; et, comme chacun sait, « nuer » c’est harmoniser des couleurs, différencier un assortiment par les teintes plus ou moins claires ou foncées que l’on y assemble : à cet exercice périlleux nous allons donc nous livrer pour fixer un cadre (facile à franchir) à toutes nos réflexions.
Commençons par le récit : il narre une histoire ; ou plutôt : il la « récit-e » – ce qui explique qu’il doit « être lu à haute voix », comme disait Marie de France (XIIème siècle). Dès lors, quelle différence a-t-il avec le mythe ou la légende (puisque le dictionnaire analogique définit cette dernière comme « un récit populaire plus ou moins imaginaire », dont les synonymes sont : « un mythe » ou « une fable ») ? Nous voilà maintenant définitivement perdus !
…sauf que le récit narre une histoire – avons-nous dit – : en ce sens, il se suffit à lui-même ; car l’imagination enjolive un discours que la raison et le style se contentent de mettre en forme. La légende, elle, va plus loin : elle se fonde toujours sur une histoire – mais une histoire qui prend un sens symbolique ou, à tout le moins, allégorique – ; elle signifie quelque chose à travers le récit qu’elle développe, elle porte un message clair pour tous (sous cette bannière, il est exotérique).
Et le mythe, quelle place a-t-il ? Étymologiquement, « muthos » désigne « ce qui est muet » et, par dérivation, le « mystère » ; mais il désigne aussi un « récit », une « suite de paroles ayant un sens » : ce sont les mots et les expériences des hommes qui vont en révéler la signification intérieure, ésotérique. Laissons la parole au spécialiste du mythe, Mircea Éliade, qui, pour nous affranchir, écrit dans Aspects du mythe (1963) : « Il est réel (il se veut révélation), sacré (il raconte les œuvres divines), éternel (il se déroule dans le temps saint des commencements), bref, transcendant ; mais il est aussi exemplaire (il sert de modèle aux comportements humains), répétable (on doit se le remémorer par la répétition et le réactualiser par les rites), et contemporain (il fait réintégrer le paradis et l’origine), bref, paradigmatique ; enfin, le mythe est transpersonnel (il n’a point d’auteur, seulement des récitants) et significatif (ésotérique, didactique, total). »
Le mythe va donc plus loin que la légende, qui, elle-même, porte plus loin que le récit.
Ceci dit, si récit, légende et mythe s’emboîtent comme des poupées gigognes, ils restent semblables tant ils sont complémentaires. C’est pourquoi, pour nos articles, nous choisirons les poupées que nous voulons en les habillant des nuances que nous aimons, avec pour seul désir qu’en cherchant à nous faire plaisir, les couleurs de nos poupées vous plaisent à vous aussi…
Pierre PELLE LE CROISA, le 17 avril 2021