ven 27 décembre 2024 - 04:12

Une part de ce que nous sommes

Commencer une série d’articles sur les films à l’heure où les salles de cinéma sont fermées, voilà une bien étrange sensation.

Était-il indispensable de priver les spectateurs des films diffusés dans ces espaces dédiés à la culture et/ou au divertissement ?

Je n’ai aucun moyen d’avoir une idée tranchée là-dessus. Cette décision a été prise afin de ralentir la propagation d’un virus désormais célèbre. Mesure radicale pour ce qui est considéré comme un danger sanitaire majeur.

Mais, car il y a un « mais » de taille, oser fermer les salles de cinéma parce que classifiées comme « non essentielles », il fallait oser le faire. Ils l’ont fait.

Cette appellation traduit malheureusement l’insensibilité à la culture de la part de ceux qui sont chargés de la défendre, de la promouvoir et d’en comprendre son évidente essentialité. S’impose alors une légitime interrogation :  Quel est le véritable état d’esprit de celui qui doit se battre, lutter, agir, décider, pour une chose qu’il considère comme « non essentielle » ? Une fois de plus la réponse se situe dans la question.

Le cinéma est un art. Son identité, dès sa création, réside dans deux domaines : La création de films et leurs diffusions dans des salles de cinéma.

Sans le film, la salle est un espace en attente de magie. Sans la salle, le film n’est qu’une proposition audiovisuelle parmi les autres.

« Tu fais quoi ce soir ? »

« Je vais au cinéma. »

L’aventure est au coin de la rue, ou un peu plus loin. Il faut bouger, sortir.

C’est parce qu’il y a les autres dans la même salle que le film de cinéma existe et peut exister. Sans le public réuni, sans ce projecteur qui envoie dans notre dos les images et les mouvements, sans cet écran blanc qui nous fait lever la tête, sans cette possibilité qu’après avoir frappée l’écran, l’onde de choc de l‘image, son émotion, se propage et remonte, comme une vague, à travers les rangs, les regards et les cœurs, pas de cinéma.

C’est parce qu’ensemble nous vivons une expérience artistique que le cinéma existe. Je le répète, le cinéma ce sont des films dans des salles. Sans la salle le film n’est plus le film. Il devient une proposition audiovisuelle et très vite un produit. Il suffit de tenir la télécommande ou de l’avoir à portée de main, pour faire « pause », pour monter ou baisser le volume, ou encore pire changer de programme pour que la notion même de film disparaisse. Et même si le spectateur ne fait rien de tout cela, la simple possibilité qu’il lui est offerte de le faire, fait du film un produit.

Alors oui, le cinéma est essentiel. Il l’est parce qu’il projette sur un écran une part de ce que nous sommes.

Et ce « nous » est essentiel. Il est l’acte créateur constitué de l’artiste et du public réunis. S’il y a œuvre cinématographique, elle ne peut naître que de cette union.

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Pierre Courrege
Pierre Courrege
Pierre Courrège est un réalisateur et scénariste français. Né à Auch (Gers, France) en 1959, ce réalisateur commence ses études de cinéma en Italie. Après une expérience d'assistant réalisateur, il se lance dans ses propres créations avec La Cible, une comédie d'action. Viendront ensuite des co-écritures pour le cinéma (Livraison à Domicile) et la télévision (Mer Calme mort agitée). En 2011 il signe avec François Bégaudeau le scénario d’Un Homme d'État dont il assure également la réalisation. Le film est en compétition officielle au "Festival des Films du Monde" de Montréal en 2014 ainsi qu'en présentation dans différents festivals en France. Sélectionné par Unifrance Films et Picturehouses (UK) le film participe à "Summer of French Films in UK" à Oxford, Cambridge et York en juillet et août 2015 et sort en France le 15 juin 2016.

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