De notre confrère if-saint-etienne.fr – Par Julie Tadduni
Quand le pouvoir politique rencontre les ombres de l’initiation

Dans les méandres de la politique locale française, l’affaire de chantage qui secoue Saint-Étienne depuis 2022 ressemble à un drame antique, où les passions humaines – ambition, trahison, vengeance – se heurtent aux exigences d’une éthique supérieure. Centrée sur une vidéo compromettante utilisée comme arme de coercition, cette intrigue impliquant le maire Gaël Perdriau et ses proches collaborateurs met en lumière les dérives du pouvoir : un « barbouzage » politique qui évoque les intrigues des cours royales ou des loges secrètes.
À partir du 22 septembre 2025, le Tribunal correctionnel de Lyon jugera cette affaire hors norme, potentiellement explosive à l’approche des élections municipales de 2026.

Mais au-delà du scandale médiatique, comment aborder cette histoire sous un angle maçonnique ? La franc-maçonnerie, en tant que tradition initiatique, valorise des principes intangibles : la fraternité, la bienveillance, la recherche de la vérité et la maîtrise de soi. Elle enseigne que le pouvoir véritable réside dans la lumière intérieure, non dans les manipulations obscures. Cette affaire, bien que n’impliquant pas directement des loges maçonniques – du moins publiquement –, offre un terrain fertile pour une réflexion symbolique. Le chantage, comme un labyrinthe minoen, piège l’âme dans les ténèbres de l’ego ; la vidéo, tel un miroir déformant, révèle les faiblesses humaines que l’initié doit transcender. En explorant chronologiquement les faits, nous verrons comment ces événements interrogent les valeurs maçonniques, invitant à une introspection collective sur la corruption morale et la quête de sagesse.
Chronologie détaillée : de la passion cachée à la chute publique

Pour comprendre l’ampleur de cette affaire, remontons aux origines, en retraçant les faits tels qu’ils ont été révélés par Mediapart et les enquêtes judiciaires. Cette chronologie, établie sur la base des éléments publics, met en scène un quatuor central : Gaël Perdriau (maire LR de Saint-Étienne et président de Saint-Étienne Métropole), Pierre Gauttieri (son directeur de cabinet), Samy Kéfi-Jérôme (adjoint à l’éducation) et Gilles Rossary-Lenglet (ex-compagnon de la victime, Gilles Artigues). Le cœur du scandale : une vidéo intime datant de janvier 2015, filmée à l’hôtel sans consentement lors d’une rencontre avec un escort-boy à Paris, utilisée pendant huit ans pour « contrôler » Artigues, premier adjoint à l’urbanisme.

- Janvier 2015 : L’Origine du Piège
Tout commence par une soirée privée à Paris. Gilles Artigues, alors figure montante de la droite stéphanoise, est filmé à son insu lors d’un massage érotique. Les images, capturées par un tiers, deviennent un « assurance-vie » pour ses rivaux internes au sein des Républicains (LR). Bien que l’identité du caméraman reste floue, la vidéo circule dans les cercles politiques comme une arme dissuasive, empêchant Artigues de contester l’ascension de Perdriau. - 2014-2022 : Huit Ans de Contrôle Silencieux
Durant cette période, Artigues grimpe les échelons : élu conseiller municipal en 2014, il devient premier adjoint en 2020. Mais sous la surface, la vidéo plane comme une ombre. Selon les audios publiés par Mediapart, Gauttieri et Perdriau l’utilisent pour « verrouiller » sa loyauté, l’empêchant de briguer des postes rivaux ou de critiquer les décisions municipales. Des subventions publiques – environ 50 000 euros – sont versées à des associations liées à Rossary-Lenglet et Kéfi-Jérôme pour services rendus, un détournement qualifié de « rémunération » pour leur rôle dans le chantage. Ce « barbouzage » interne, digne d’un thriller politique, transforme la mairie en un nid d’intrigues. - 23 Mai 2022 : La Première Fissure
Artigues démissionne de son poste de premier adjoint, invoquant un retour à la vie professionnelle. Perdriau salue publiquement sa décision, mais les enregistrements ultérieurs révéleront une jubilation privée : la vidéo a servi son objectif, neutralisant un rival potentiel. - 26 Août 2022 : L’Explosion Médiatique
Mediapart frappe fort avec son enquête « Sexe, chantage et vidéo : l’odieux complot ». Des captures d’écran de la vidéo sont publiées, montrant Artigues nu, aux côtés de Kéfi-Jérôme et d’un troisième homme. Les audios accablants suivent : Gauttieri avoue agir « comme un criminel », tandis que Perdriau évoque une utilisation discrète de la vidéo en « petits comités ». Le montant du chantage financier est chiffré à 50 000 euros, prélevés sur des fonds publics via des subventions occultes. L’affaire éclabousse immédiatement la droite locale, avec des accusations de chantage aggravé, abus de biens sociaux et non-dénonciation de crime. - 27-29 Août 2022 : Réactions en Chaîne et Plainte
La Région Auvergne-Rhône-Alpes suspend Kéfi-Jérôme. Perdriau, lors d’une commémoration, minimise : « C’est une affaire privée », niant l’existence de la vidéo ou son usage politique. Artigues porte plainte le 29 août pour embuscade organisée, chantage aggravé, menaces et détournement de fonds. L’enquête est confiée à Lyon pour impartialité. - 12 Septembre 2022 : Les Audios Dévastateurs
Mediapart publie de nouveaux enregistrements : Perdriau y parle de « disposer » de la vidéo pour influencer des « cercles restreints ». Gauttieri, dans une conversation avec Rossary-Lenglet, détaille le montage financier. - 13 Septembre 2022 : Gardiens et Exclusions
Perdriau, Gauttieri, Kéfi-Jérôme et Rossary-Lenglet sont placés en garde à vue, puis relâchés sous contrôle judiciaire. Les Républicains lancent une procédure d’exclusion contre Perdriau. - 20-26 Septembre 2022 : Les Démission et Remous au Conseil
Gauttieri est limogé avec une indemnité de 33 500 euros (20 553 euros de la Ville + Métropole). Perdriau se met en retrait de la présidence de Saint-Étienne Métropole. Kéfi-Jérôme démissionne. Le conseil municipal du 26 septembre est électrique : l’opposition quitte la salle, Perdriau invoque la présomption d’innocence. - 11 Octobre 2022 : L’Exclusion de Perdriau
LR l’exclut unanimement, marquant la fin de sa carrière au sein du parti. - 30 Novembre 2022 : L’Insulte à Wauquiez
Un audio révèle Perdriau insultant Laurent Wauquiez (président LR de la Région), l’accusant de corruption sexuelle. Wauquiez porte plainte pour diffamation. Perdriau s’excuse publiquement. - Janvier 2024 : Le Lien Maçonnique Évoqué
Dans une interview au Progrès, Perdriau mentionne brièvement la franc-maçonnerie : « Je ne suis pas franc-maçon, mais je sais que certains le sont et que cela joue dans les réseaux. » Cette phrase isolée, sans lien direct avec l’affaire, alimente les spéculations sur les influences occultes en politique locale. - Octobre 2024 : Mises en Examen
Tous les protagonistes sont mis en examen pour chantage aggravé et abus de biens sociaux. L’instruction s’achève, pavant la voie au procès. - 22-26 Septembre 2025 : Le Procès Imminent
Devant la 17e chambre correctionnelle de Lyon, l’affaire sera jugée. Les enjeux : peines potentielles de 10 ans de prison pour chantage, plus des amendes pour détournement. À six mois des municipales, elle pourrait redessiner la carte politique stéphanoise.
Analyse maçonnique : le chantage comme épreuve inversée de l’initiation

Sous l’angle maçonnique, cette affaire transcende le scandale pour devenir une parabole sur la dérive des ombres. La franc-maçonnerie, avec ses rituels symboliques, enseigne que l’initié doit affronter ses propres ténèbres pour accéder à la lumière : le cabinet de réflexion, où l’on médite sur la mort et la vanité des passions, en est l’emblème. Ici, le chantage opère à l’inverse : il enferme la victime dans un labyrinthe de honte, utilisant la vulnérabilité intime comme chaîne. La vidéo, tel un « miroir noir » maçonnique dévoyé, ne révèle pas la vérité libératrice mais asservit l’individu à la volonté d’autrui.
La fraternité trahie : du lien sacré à la manipulation

En loge, la fraternité est un pacte inviolable, scellé par serment sous le regard du Grand Architecte. À Saint-Étienne, elle est pervertie en réseau de contrôle : Gauttieri, « directeur de cabinet » comme un Vénérable Maître corrompu, orchestre le « barbouzage » ; Perdriau, en retrait comme un apprenti déchu, minimise ses responsabilités. Les 50 000 euros détournés évoquent un abus des « fonds du temple » – ces ressources collectives qui, en maçonnerie, servent la bienfaisance, non l’enrichissement personnel. Schopenhauer, cité dans les réflexions maçonniques sur la compassion, verrait ici une absence totale d’empathie : le chantage ignore le bien-être de l’Autre, préférant la domination.
Le pouvoir et l’épreuve de la vertu

Aristote, dont les vertus sont au cœur de l’éthique maçonnique (Nicomacheque Éthique), prône la bienveillance comme recherche du bien d’autrui. Perdriau, en utilisant la vidéo pour « verrouiller » Artigues, incarne l’inverse : une phronesis (sagesse pratique) détournée en machiavélisme. Kant, avec son impératif catégorique, condamnerait ce calcul utilitaire. L’affaire de Saint-Étienne illustre l’échec : huit ans de silence forcé, comme une « nuit noire de l’âme » non transcendée.

La mention isolée de la franc-maçonnerie par Perdriau en 2024 ajoute une couche symbolique. Bien que sans preuve d’implication maçonnique (aucune loge n’est citée dans l’enquête), elle renvoie aux stéréotypes des « réseaux occultes » que la maçonnerie combat depuis des siècles. Historiquement, des affaires comme celle des « frères » impliqués dans des scandales financiers (ex. : l’affaire des fiches en 1904) ont terni l’image des loges, rappelant que l’initié n’est pas immunisé contre les vices profanes. Ici, le parallèle est clair : le pouvoir politique, sans garde-fou éthique, devient un faux temple, où les colonnes J et B symbolisent non l’équilibre, mais la dualité destructrice entre apparence et réalité.
L’auto-bienveillance manquante : vers une transformation intérieure
Maçonniquement, la bienveillance commence par soi : reconnaître ses faiblesses sans jugement, comme dans l’épreuve de l’eau ou du feu. Artigues, victime piégée, incarne l’apprenti confronté à son ombre ; mais les chantagistes, en niant leurs actes, refusent cette introspection. Le détournement de fonds publics – une trahison de la « pierre brute » sociétale – appelle à une réforme : comment les élus, potentiels « maçons du monde profane », peuvent-ils incarner la sagesse sans pureté ?
Implications politiques et sociétales : un appel à la lumière

À l’approche du procès, l’affaire risque de fracturer la droite stéphanoise : Perdriau, toujours maire malgré l’exclusion de LR, pourrait se présenter sans étiquette, mais avec un passif judiciaire lourd. Wauquiez, visé par les insultes, observe de loin, tandis que l’opposition (PS, écologistes) y voit une opportunité. Financièrement, les 50 000 euros ne sont que la partie visible : l’enquête explore d’autres subventions occultes.
Sociétalement, ce scandale interroge la normalisation du chantage numérique – une « épée de Damoclès » moderne, opposée à la discrétion maçonnique qui protège, non qui détruit. Il met en lumière les luttes internes aux partis, où l’ambition l’emporte sur l’honneur.
Vers une fraternité authentique

L’affaire de Saint-Étienne n’est pas qu’un fait divers ; c’est un miroir tendu à la société, et particulièrement aux cercles initiatiques comme la franc-maçonnerie. Elle nous rappelle que le vrai pouvoir n’est pas dans la coercition, mais dans la transformation : dompter le Minotaure intérieur pour sortir du labyrinthe. Que le procès de septembre 2025 soit un moment de vérité, invitant chacun – profane ou initié – à pratiquer la bienveillance sans modération. Comme l’enseigne le rituel maçonnique :
« Tu seras homme, et tu connaîtras l’univers. ».
Cultivons la lumière, non les ombres. Belle réflexion à tous les chercheurs de vérité.