Tout au long de son discours d’installation, Pierre Bertinotti, Grand Maître, a donné la boussole : refonder le pacte social dans un monde en déséquilibre. Le Grand Orient de France en fait aussitôt un terrain d’étude vivant en ouvrant, jeudi 27 novembre 2025 à 19 h, le cycle « Refonder le pacte social » par une première table ronde consacrée aux Technologies de l’Intelligence Artificielle et au Contrat social, à l’Hôtel du GODF, 16 rue Cadet (Paris 9ᵉ).

L’heure n’est ni au fétichisme technologique ni au catastrophisme : il s’agit de penser, à hauteur d’homme, ce que l’IA fait à nos solidarités, à nos droits, à la dignité – bref, au lien civique lui-même.
Cette actualité est brûlante. L’Union européenne a fait entrer en application progressive l’AI Act : depuis le 2 février 2025, certaines pratiques jugées inacceptables sont interdites ; depuis le 2 août 2025, des obligations nouvelles s’imposent aux modèles d’IA à usage général (GPAI).

La France a, dans le même mouvement, transformé le Conseil national du numérique en Conseil de l’intelligence artificielle et du numérique pour éclairer la décision publique. Autant de jalons qui replacent la question de l’IA au cœur d’un véritable contrat social renouvelé. Autour de la table, trois regards complémentaires – politique publique, philosophie des sciences, monde du travail et de la culture – pour croiser principes, usages et conséquences concrètes :

Clara Chappaz, ancienne ministre déléguée chargée de l’Intelligence artificielle et du Numérique (2024-2025), a d’abord bâti son parcours dans l’écosystème tech (Zalora en Asie, puis direction commerciale chez Vestiaire Collective) avant de diriger la Mission French Tech (2021-2024). Au gouvernement, elle a lancé le 1ᵉʳ juillet 2025 le plan national « Osez l’IA », destiné à diffuser l’IA dans le tissu économique, en lien avec la DGE et Bpifrance. Cette trajectoire – de l’innovation à la fabrique des politiques publiques – éclaire de l’intérieur le passage délicat de l’expérimentation à la régulation, et la place de l’État stratège dans la transition numérique.

Daniel Andler, mathématicien et philosophe, professeur émérite de Sorbonne Université et membre de l’Académie des sciences morales et politiques, est l’un des grands architectes intellectuels du débat : fondateur du département d’Études cognitives à l’ENS, il a dirigé des équipes (« Sciences, normes, décision ») où l’IA se pense avec les outils de l’épistémologie.

Son essai Intelligence artificielle, intelligence humaine : la double énigme (Gallimard, 2023) rappelle que l’intelligence humaine ne se réduit pas à la résolution de problèmes : affects, spontanéité, contingence y occupent une place irréductible. De quoi replacer l’éthique et l’anthropologie au cœur des choix techniques.

Philippe Gautier, secrétaire général du Syndicat National des Artistes Musiciens – CGT (SNAM-CGT), musicien de scène (orgue, piano, blues & swing) et syndicaliste de terrain depuis la grande mobilisation des intermittents (2003-2004), porte la voix des travailleuses et travailleurs de la culture : droits voisins, rémunérations, précarités accentuées par les plateformes, mais aussi promesses et menaces des outils IA sur la création et l’emploi (doublage synthétique, génération d’images et de sons, captation de style, data des artistes). Sa présence garantit que le « contrat social » ne reste pas un concept : il touche immédiatement la vie des métiers et la souveraineté culturelle.

Au croisement de ces expertises, une conviction : l’IA n’est pas seulement un sujet d’ingénieurs, c’est une affaire de cité. Repenser le contrat social, c’est articuler trois exigences :
-la liberté (transparence, explicabilité, refus des usages attentatoires à la personne) ;
-l’égalité (accès aux compétences, partage de la valeur, lutte contre les biais et les discriminations algorithmiques) ;
-la fraternité (soutien aux métiers, protection des plus vulnérables, gouvernance inclusive).

Dans la symbolique des bâtisseurs, la règle et l’équerre vérifient la rectitude de l’ouvrage ; le compas en ouvre la mesure. Appliqué à l’IA, ce triptyque devient méthode civique : régler les usages, équerrer les effets (juridiques, sociaux, environnementaux), ouvrir le cercle de la décision pour que chacun y trouve place. La technique n’est pas une idole ; elle est un chantier humain qui appelle des gardiens – le droit, le débat démocratique, la culture – et des ouvriers qualifiés – chercheurs, ingénieurs, syndicalistes, enseignants, artistes, entrepreneurs et responsables publics.

Cette table ronde, en présence du Grand Maître Pierre Bertinotti et d’une délégation du Conseil de l’Ordre, était une invitation à passer des proclamations à l’ouvrage : penser droit pour agir juste. Les colonnes étant dressées ; il restait à y faire circuler une parole responsable, informée et fraternelle. Informations pratiques et réservations via le site du GODF
Infos pratiques
Quand : jeudi 27 novembre 2025, 19h–22h
Où : Hôtel du GODF, 16 rue Cadet, 75009 Paris
Cycle : « Refonder le pacte social » – 1ʳᵉ table ronde
Intervenants : Clara Chappaz ; Daniel Andler ; Philippe Gautier
Réservation : https://bit.ly/49vRbs6

