sam 25 octobre 2025 - 08:10

« Le principe de Dilbert » : une satire maçonnique de l’incompétence dans les Loges ou dans les Obédiences

Dans l’univers feutré des loges et des obédiences maçonniques, où la quête de lumière et de perfection morale guide traditionnellement les esprits, une ombre plane : l’incompétence. Inspiré par le principe de Peter, popularisé dans les années 1960, le principe de Dilbert, tel que formulé avec humour par Scott Adams dans son livre satirique Le Principe de Dilbert, offre une lentille acérée pour décrypter ce phénomène.

Si le principe de Peter postule que « tout employé tend à s’élever à son niveau d’incompétence », le principe de Dilbert pousse l’absurde plus loin :

« Les gens les moins compétents sont systématiquement affectés aux postes où ils risquent de causer le moins de dégâts : ceux de managers. »

Appliqué au contexte maçonnique, ce concept révèle des vérités troublantes sur certains dignitaires, qu’il s’agisse des loges locales ou des instances dirigeantes des obédiences. Entre satire et réflexion, cet article explore cette dynamique, tout en s’inspirant des valeurs de la Franc-maçonnerie – travail sur soi, fraternité, tolérance – avec une pointe d’ironie, en écho à la célèbre maxime :

« La différence entre la tolérance et la Fraternité ? La tolérance consiste à savoir qu’il y a des imbéciles dans les loges et la Fraternité consiste à ne pas donner les noms. »

Pierre Dac

Du principe de Peter au principe de Dilbert : une évolution vers l’absurde

Dr. Laurence Peter, celui du « Principe de Peter » et de la « Prescription de Peter » en 1975

Le principe de Peter, énoncé par Laurence J. Peter en 1969, suggérait que dans une organisation, un individu compétent gravit les échelons jusqu’à atteindre un poste où ses compétences s’épuisent, le rendant inapte. Dans ce schéma, un dirigeant incompétent aurait au moins été efficace à un niveau subalterne. Mais Scott Adams, dans Le Principe de Dilbert, propose une version aggravée et humoristique : les moins compétents ne sont pas simplement promus par erreur, ils sont délibérément placés en gestion, où leur ignorance – notamment en technologie ou en bon sens – cause le moins de dégâts opérationnels. Les employés brillants, irremplaçables à leurs postes, stagnent, tandis que les maladroits règnent.

Transposée au monde maçonnique, cette idée prend une tournure fascinante. Les loges et obédiences, censées être des écoles de perfectionnement moral et intellectuel, ne sont pas immunisées contre ces dynamiques. Les dignitaires, qu’ils soient vénérables maîtres ou grands maîtres, ne sont pas toujours choisis pour leur sagesse ou leur érudition, mais parfois pour leur capacité à ne pas perturber l’équilibre fraternel – ou, ironiquement, pour leur inaptitude à gérer les détails techniques ou philosophiques du travail initiatique.

L’incompétence maçonnique : des loges aux obédiences

Dans les loges, le phénomène peut se manifester subtilement. Un frère, peut-être peu à l’aise avec les rituels ou les symboles, gravit les grades grâce à son engagement social ou sa popularité, devenant vénérable maître. Là, son manque de profondeur intellectuelle ou sa méconnaissance des textes traditionnels – comme les Constitutions d’Anderson – peut transformer les tenues en exercices formels plutôt qu’en moments de réflexion. Les frères compétents, ceux qui maîtrisent l’équerre et le compas dans leur sens symbolique, restent souvent à l’ombre, jugés trop précieux pour quitter leurs rôles opérationnels.

À un niveau supérieur, dans les obédiences, l’incompétence peut s’amplifier. Certains grands maîtres, élus pour leur charisme ou leurs réseaux plutôt que pour leur vision, peinent à guider les loges vers une unité spirituelle. Ignorants des subtilités des rites – qu’il s’agisse du Rite Écossais Ancien et Accepté ou du Rite Français – ou des enjeux contemporains comme la laïcité, ils privilégient l’administration ou les compromis politiques internes. Cette situation rappelle le principe de Dilbert : placer les moins aptes en haut limite les dégâts sur le terrain, mais étouffe l’élan initiatique.

Un exemple frappant est l’organisation d’événements majeurs, comme des colloques maçonniques. Sous la direction d’un dignitaire incompétent, ces rassemblements, censés éclairer, se réduisent parfois à des discours creux ou à des querelles de pouvoir, loin de l’idéal de « travail sur soi » cher à la maçonnerie.

Une solution paradoxale : la stagnation des compétents

Le dessinateur Scott Adams.

Le principe de Dilbert offre une solution paradoxale au problème posé par le principe de Peter. Dans une entreprise dilbertienne, les incompétents sont promus pour quitter leurs postes inefficaces, tandis que les compétents restent à leur place, préservant l’efficacité globale. Dans une obédience maçonnique, cela pourrait signifier que les frères maladroits accèdent aux charges symboliques (vénérable, grand officier), laissant les érudits – ceux qui décryptent les mystères du GADU (Grand Architecte de l’Univers) – continuer leur labeur discret en loge.

Cette stagnation des talents a un revers : elle protège la tradition. Les loges conservent leurs piliers intellectuels, ceux qui maintiennent vivants les symboles – tablier, compas, niveau – et les idéaux de tolérance et de fraternité. Mais elle risque aussi de figer l’institution, empêchant une régénération par les idées neuves portées par les plus capables.

La tolérance maçonnique face à l’incompétence : une fraternité silencieuse

Pierre Dac, incarnation de la grande intelligence, seul rempart contre la barbarie (image Wikipédia)

Ici entre en jeu la sagesse de Pierre Dac : « La différence entre la tolérance et la Fraternité ? La tolérance consiste à savoir qu’il y a des imbéciles dans les loges et la Fraternité consiste à ne pas donner les noms. » Cette phrase, à la fois ironique et profonde, encapsule l’attitude maçonnique face à l’incompétence. La tolérance, vertu cardinale, invite à accepter les faiblesses humaines, même chez les dignitaires. La fraternité, elle, impose un silence bienveillant, évitant les jugements publics qui fractureraient l’harmonie de la loge.

Pour un franc-maçon, cette approche n’est pas une capitulation, mais un défi. Le travail sur soi, pilier de l’initiation, exige de polir ses propres « pierres brutes » – jugements hâtifs, frustrations – face à l’inaptitude d’autrui. Les symboles comme l’équerre (rectitude) et le fil à plomb (verticalité morale) rappellent que la critique doit d’abord s’exercer en son for intérieur. Ainsi, la loge devient un laboratoire où l’incompétence des autres devient une occasion de croissance personnelle, plutôt qu’une source de division.

Une satire constructive : le miroir de la maçonnerie

Le principe de Dilbert, appliqué à la franc-maçonnerie, n’est pas une condamnation, mais un miroir. Il incite les frères à réfléchir : les dignitaires incompétents sont-ils le reflet de nos propres failles collectives ? La promotion des moins aptes pourrait découler d’une culture fraternelle trop indulgente, où la loyauté prime sur le mérite. Pourtant, cette faiblesse apparente cache une force : en évitant de promouvoir les meilleurs, les loges préservent leur essence initiatique, loin des ambitions personnelles.

En 2025, alors que les obédiences affrontent des défis modernes – numérisation, diversité, renouvellement –, le principe de Dilbert invite à un équilibre. Plutôt que de déplorer l’incompétence, les maçons pourraient la transformer en opportunité : former les dignitaires, valoriser les compétences subalternes, et faire de la fraternité un levier d’amélioration mutuelle. Comme le suggère le compas, modérer ses attentes tout en mesurant son propre progrès reste la clé.

En somme, le principe de Dilbert, lu à travers le prisme maçonnique, devient une satire bienveillante.

Il rappelle que, même parmi les « imbéciles » des loges, la lumière de l’initiation peut briller – à condition que la tolérance s’allie à un travail sincère sur soi, dans le silence fraternel prôné par Pierre Dac.

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Erwan Le Bihan
Erwan Le Bihan
Né à Quimper, Erwan Le Bihan, louveteau, a reçu la lumière à l’âge de 18 ans. Il maçonne au Rite Français selon le Régulateur du Maçon « 1801 ». Féru d’histoire, il s’intéresse notamment à l’étude des symboles et des rituels maçonniques.

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