mar 02 décembre 2025 - 21:12

La carte postale du 19 octobre : Le square Paul-Langevin (Paris, Ve)

Frères, Sœurs, Compagnons de la voie initiatique,

Notre carte postale maçonnique s’ouvre au square Paul-Langevin, à l’angle exact de la rue des Écoles et de la rue Monge, au cœur du Ve arrondissement – ce quartier latin façonné depuis l’Antiquité, rive gauche de la Seine.

rue Monge

Et ce n’est pas un hasard si l’une de ces artères porte le nom de Gaspard Monge, comte de Péluze : géomètre de la République, fondateur de l’École polytechnique, compagnon de l’expédition d’Égypte et… Franc-Maçon. Il reçut la lumière au sein de la Loge L’union parfaite à l’Orient du Corps royal du génie à Mézières en 1779 et appartint aussi à l’Ordre Sacré des Sophisiens, un ordre maçonnique ésotérique fondé à Paris en 1801, inspiré des mystères égyptiens antiques.

Ici, la toponymie n’est pas décorative mais signale une lignée de pensée et de méthode que nous reconnaissons.

Le square Paul-Langevin

Ici, l’« arrondissement du Panthéon » porte bien son surnom : entre savoirs, pierres et mémoire, chaque pas relie l’école et la cité, la rigueur de l’équerre et l’ampleur du compas.

Ici, un escalier monumental conduit aux anciens bâtiments de l’École polytechnique, tandis qu’en contrebas une fontaine transplantée – dite Childebert – déploie ses cercles d’eau comme autant d’ondes de pensée.

Le square Paul-Langevin

Ici, des fragments d’histoire sont venus s’y abriter : céramiques du palais des Beaux-Arts de 1889, niches Renaissance de l’ancien Hôtel de Ville, statues déplacées, fondues, recréées.

Ici, le lieu est un palimpseste : on y lit la mémoire de Paris autant que sa capacité à renaître.

Le square Paul-Langevin

Pour le Maçon, la première leçon tient dans la géométrie silencieuse du site. L’escalier, avec ses lignes nettes, rappelle l’équerre : rectitude, justesse, accord entre ce que nous pensons, disons et faisons. Monter ces marches n’est pas gravir un podium, c’est affermir notre pas intérieur, dégrossir nos angles morts. À l’inverse, la vasque et ses courbes invitent le compas : mesure de soi, ouverture maîtrisée, cercle hospitalier où l’autre peut entrer sans être capturé. Entre l’équerre qui fixe et le compas qui embrasse, notre marche trouve sa tenue : rigueur et bienveillance, cohérence et liberté.

Le square Paul-Langevin

La seconde leçon vient des œuvres déplacées. Ces fragments réinstallés disent que la cité, comme nous, se restaure par reprises conscientes. Rien n’est arrêté ; ce qui fut brisé se réinscrit dans un ordre vivant – Ordo ab Chao (devise emblématique du Rite Écossais Ancien et Accepté), non par décret, mais par l’œuvre patiente de la conscience.

Le square Paul-Langevin

Le travail de mémoire n’excuse ni n’idolâtre mais éclaire. À l’ombre des magnolias et des sophoras, la Maçonnerie apprend à désassembler pour mieux réassembler, à honorer ce qui demeure sans s’aveugler sur ce qui doit changer. Paul Langevin (1872-1946) physicien, philosophe des sciences, pédagogue, homme politique et Président de la Ligue des droits de l’homme (1944-1946) donne au square son nom : belle coïncidence pour rappeler que la lumière ne se vénère pas, elle se mesure, s’expérimente, se partage.

Ce que ce lieu nous donne à tirer maçonniquement : la discipline des angles justes, l’amplitude des cercles justes, l’art de déplacer sans renier, la patience des reconstructions.

Derrière la fontaine, le grand escalier

Ce qu’il n’est pas, d’un point de vue maçonnique : ni un temple improvisé ni un décor fétichisé ; ni une nostalgie muséale ni une preuve d’élection. L’équerre n’est pas un instrument de jugement moral dressé contre autrui ; elle corrige d’abord nos propres défauts d’alignement. Le compas n’est pas l’emblème d’une fermeture élitaire ; il dessine la juste distance qui protège sans exclure. Nos outils ne sont ni des bijoux d’apparat ni des totems magiques : ils sont une méthode. Ils n’asservissent pas la cité, ils l’outillent. Ils ne tracent pas des frontières de mépris, ils balisent des frontières de sens.

Le square Paul-Langevin

Alors, en traversant ce square, nous pouvons faire l’exercice discret de la Maçonnerie à ciel ouvert. Régler notre Équerre sur la vérité simple des pas, ouvrir notre Compas à la mesure exacte de la rencontre, et consentir à cette alchimie urbaine où les vestiges deviennent promesses.

Ici, la pierre parle encore. À nous d’y répondre par une œuvre vivante.

Puisse cette méditation t’accompagner en ce jour. Bon dimanche, et bons baisers de Paris, éternelle Ville Lumière !

Le square Paul-Langevin

Photos © Yonnel Ghernaouti, YG

4 Commentaires

  1. Il ne s’agit pas d’une spéculation de ce qui pourrait être, il s’agit d’un vécu opératif avec soi même et la dualité du monde de l’invisible.

    Mes seules lectures pour y découvrir ce monde de l’invisible furent uniquement les rituels maçonniques, et en particulier le rituel au français, le régulateur de 1801 où tout est dévoilé.

    Pourquoi la lune, la terre, le soleil? C’est une image réduite du cosmos qui nous habite sans que nous le sachions. Nous vivons des phases cycliques comme tous les astres du ciel, comme la lune, la terre, le soleil. La femme en est un parfait exemple avec ses règles mensuelles.

    Les épreuves indiquées dans les rituels alertent sur les difficultés à passer en se soumettant à la mort et au chaos de la renaissance ( « je suis né. dans telle Loge » ).

    Le 3+ 5+ 7 = 15 de la troisième heure de l’après-midi, 3 du matin, 3 de l’après midi = le 33° degré, Trois = 1+2+3 = 6 = 1+2+3+4+5+6 = 21 ou 12 selon le sens de lecture lunaire et solaire.

    Le 3+5+9 = 17 = les cinq points parfaits du Maître, etc.. . CINQ = 1+2+3+4+5 = 15 = 3, etc.. .

    J’ai écrit par erreur dans mon commentaire  » trésorier » , à la place du « secrétaire ».
    En fait, le Secrétaire, le Vénérable, l’Orateur sont l’image symbolique de Jésus au milieu des deux larrons, dont l’un est le feu de l’enfer ( tout ce qui brille n’est pas or), et l’autre est l’eau de toute vie.
    Pour rappel, toutes les antiques religions sont basées sur le cycle lunaire, dont la catholique, l’orthodoxe, la juive, la musulmane, la bouddhiste, etc.. .

    Le monde de l’invisible est celui du passé, du présent, de l’avenir ouvert aux quatre vents de la Rose sur la Croix à qui veut bien fermer les yeux au monde temporel, et les ouvrir au monde spirituel.
    G dit…

  2. La géométrie de cette architecture est brillamment affirmée et affinée et déjà, le lecteur ordinnaire caresse déjà l’envie de toucher du doigt ce joyau architectural qui promet d’être un havre d’inspiration et de méditation.

    Très respectueusement…

  3. L’équerre et le compas spéculatifs, mesures du temps, doivent devenir opératifs pour la construction du Temple intérieur. L’équerre sert à tracer les angles à 90° du carré de la matière du temporel ( 4 x 90 = 360° ). Le compas sert à tracer le cercle du spirituel de sa circonférence de 360°.
    La lune du Trésorier, la terre du Vénérable maître, le soleil de l’Orateur de la quadrature de leur cercle alignés 4 + 4 + 4 = 12 donnent le midi 12-minuit 12 ésotérique opératif des 24 heures de la course du temps des épreuves maçonniques.
    Visiter l’intérieur de la terre de nous mêmes donne accès à un autre monde, celui de l’invisible actif en nous, pour nous. Ce monde invisible fut connu, reconnu, dans les prières dites  » Symbole des apôtres, et Symbole de Nicée, où il est écrit que Dieu créa le monde invisible et le monde visible. A chaque Maître sa voie, et sa voix … … …

    • Cher Jean-Jacques Saint-Étienne,
      Votre réflexion sur l’équerre, le compas et les symboles maçonniques est riche et profonde, mais permettez-moi une réponse, tout en abordant votre remarque sur l’usage du Visita Interiora Terrae….
      L’équerre et le compas, en tant qu’outils spéculatifs, incarnent effectivement l’équilibre entre le temporel et le spirituel, le carré de la matière et le cercle de l’éternité.
      Votre interprétation géométrique (4 x 90° = 360° pour l’équerre, et la circonférence du compas) est une belle illustration de leur complémentarité dans la construction du Temple intérieur.
      Cependant, l’association de la lune au Trésorier, de la terre au Vénérable Maître et du soleil à l’Orateur, bien que poétique, semble être une lecture personnelle plutôt qu’une référence universelle dans les rituels maçonniques traditionnels. Ces officiers sont généralement liés à des fonctions symboliques spécifiques, mais pas systématiquement à ces astres ou éléments dans les rituels standards (comme le Rite Écossais Ancien et Accepté (R.É.A.A.) tel que pratiqué en Grande Loge ou le Rite Français (RF) mais ses multiples versions au Grand Oirent. Si vous tirez cette symbolique d’un rituel particulier ou d’une tradition ésotérique spécifique, pourriez-vous préciser laquelle ? Cela enrichirait le dialogue.Concernant votre équation 4 + 4 + 4 = 12, liant les officiers à la course du temps (midi/minuit ésotérique), elle offre une perspective fascinante sur le cycle des 24 heures et les épreuves initiatiques. Elle évoque une vision cyclique et opérative du travail maçonnique, où le temps devient un outil de transformation intérieure. Toutefois, cette approche semble davantage métaphorique qu’ancrée dans les rituels codifiés, où les nombres 3, 5, 7 ou 9 prédominent souvent sur le 12 dans les lectures symboliques.Quant à votre remarque sur le Visita Interiora Terrae Rectificando Invenies Occultum Lapidem (« Visite l’intérieur de la terre et, en rectifiant, tu trouveras la pierre cachée »), je comprends votre agacement face à son usage parfois galvaudé.
      Cette maxime alchimique, souvent reprise en franc-maçonnerie, invite à une introspection profonde pour découvrir la vérité intérieure. Mais elle n’est pas un slogan universel à plaquer sur tous les contextes. Vous avez raison : son emploi doit être justifié et non automatique.
      Dans votre réflexion, elle semble pointer vers l’exploration de l’invisible en soi, en lien avec le « monde invisible » des textes chrétiens comme le Symbole des Apôtres ou de Nicée. Cette connexion entre alchimie, franc-maçonnerie et théologie est pertinente, mais elle mériterait d’être approfondie pour éviter les amalgames hâtifs.Enfin, votre conclusion – « à chaque Maître sa voie, et sa voix » – résonne comme un appel à la liberté de conscience et à la diversité des chemins initiatiques, ce que je partage pleinement.
      Cependant, pour éviter que la maxime Visita Interiora Terrae… ne devienne une « sauce » trop diluée, je vous invite à préciser les sources ou les rituels qui inspirent votre lecture (notamment sur la lune, la terre et le soleil).
      Cela permettrait un échange plus constructif, fidèle à l’esprit maçonnique de recherche et de rigueur.
      Triple Accolade Fraternelle.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti a été directeur de la rédaction de 450.fm, de sa création jusqu’en septembre 2024. Chroniqueur littéraire, animé par sa maxime « Élever l’Homme, éclairer l’Humanité », il a siégé au bureau de l’Institut Maçonnique de France, est médiateur culturel au musée de la franc-maçonnerie, directeur de collection chez des éditeurs maçonniques et auteur de plusieurs ouvrages maçonniques. Il contribue notamment à des revues telles que « La Chaîne d’Union » du Grand Orient de France, « Chemins de traverse » de la Fédération française de l’Ordre Maçonnique Mixte International Le Droit Humain, et « Le Compagnonnage » de l’Union Compagnonnique. Il a également été commissaire général des Estivales Maçonniques en Pays de Luchon, qu’il a initiées.

Articles en relation avec ce sujet

Titre du document

DERNIERS ARTICLES