Le cerveau humain a parcouru une merveilleuse trajectoire évolutive, mais a pour cela posé beaucoup d’exigences. Notre cerveau est tyrannique, ce n’est pas moi qui le dis, mais le paléoanthropologue et auteur d’essais Jean-Jacques Hublin.
A notre époque contemporaine, nous disposons de l’organe qui fait la différence avec tout le reste du vivant, y compris les singes supérieurs. Même ces derniers ont des ratios cerveau/corps qui les placent plus près des autres animaux que de nous. Bref, superbe outil que ce cerveau de Sapiens, mais très énergivore. La nécessité de satisfaire ses besoins sera structurante pour la création de la « Niche Humaine », telle que l’appelle Hublin.
Niche humaine à construire, cela rappelle la construction du Temple maçonnique, non ?

La recherche de ressources exigées par le cerveau a eu plein d’impacts sur l’évolution. Il convient d’observer que l’évolution du rapport cerveau/corps n’est pas linéaire : les Néandertaliens avaient un ratio supérieur. Si finalement Sapiens a emporté la mise, c’est entre autres parce que son ratio était plus efficace, dans leur environnement bien entendu.
Une première réduction de la taille du cerveau s’est produite lors de l’adoption de la locomotion sur deux jambes ( homo erectus ). Cela a optimisé les déplacements dans les savanes, permettant ainsi la chasse aux herbivores « à l’endurance ». Et nous voilà au néolithique, son agriculture, ses villes, leur structure hiérarchisée et inégalitaire. Division des tâches, spécialisation…tiens on n’a plus besoin de « tout savoir » pour survivre, donc on peut laisser un peu « maigrir » le contenu de la boîte crânienne . Avec Wikipedia on a continué sur cette pente, et avec l’IA je ne vous en parle même pas. L’humain cherche depuis toujours à atteindre ses objectifs avec une dépense énergétique minimum, c’est cohérent avec les besoins biologiques du cerveau. Donc, soyons prévenus, la capacité et la motivation à faire de belles planches, il va falloir les pousser.
Et, sans vouloir verser dans le catastrophisme :
toute compétence déléguée à une machine crée la dépendance correspondante.
Mais revenons à nos aurochs. Les scientifiques ont observé que la réduction progressive de la taille de notre cervelle s’est accélérée sur la période -5000/-3000 ans . Cela fait donc un soupçon de corrélation avec la complexification de l’organisation sociale . La complexité sociale est traitée par une intelligence collective, laquelle fait baisser le besoin au niveau de l’individu. Voyons comment les fourmis arrivent à prendre de bonnes décisions sociales alors qu’individuellement elles sont peu équipées. Même tableau, en plus dystopique, dans « la Proie » de Michael Crichton, avec des drones militaires devenus incontrôlables volant en meute. Il l’a rêvé, nous y sommes. Complexité sociale, hiérarchies et suiveurs, wait…nos grands maîtres nous permettront-ils d’arrêter de toujours réfléchir et de devenir bêtes ?? La cordonnite rend elle idiot ? Ne nous prononçons point.
Alors, comment avons-nous construit notre Niche Humaine ?
Notons d’abord que chaque changement implique des coûts, énergétiques entre autres. A la sortie des sauts génétiques, il y aura des perdants, et des gagnants dont on dira qu’ils sont des « succès reproductifs ». Le premier niveau de la niche concerne l’adaptation à l’environnement. C’est l’évolution qui fait le job ? Oui mais pas que : cela peut se faire aussi en adaptant l’environnement à soi. Plein d’animaux pratiquent couramment ces actions : par exemple le castor, qui avec ses barrages exerce une profonde influence sur les écosystèmes de rivière. L’humain a bouleversé quasiment tous les écosystèmes sur terre, même les jungles que l’on croit primitives.
L’action gagne en efficacité dès l’usage d’outils. Les outils de pierre ont permis de récupérer la précieuse moelle osseuse des proies de nos ancêtres, puis de hacher les viandes afin de simplifier leur mastication. Idem pour la cuisson. Ces évolutions sont des économies, soit de dépense d’énergie quotidienne, soit sur la structure du corps. Les mastications plus faciles réduisent le besoin d’une mâchoire et des muscles associés surpuissants.

Du coup, l’humain peut se permettre de naître avec un cerveau encore loin d’être mature. Ceci réduit les difficultés de la naissance, avec ce petit bassin des mères du fait de notre bipédie. Mais cela impose, après la naissance, qu’un réseau plus grand que père et mère participe à la protection de l’enfant . Les alloparents ( grands-parents et autres membres du clan ) aideront , mais aussi transmettront.
L’enfance est très longue chez l’humain, à cause du cerveau à finir.
On voit donc que la niche humaine a une composante neurale qui impose le rythme. Une composante plus longue est la niche technique. Les outils se sont améliorés au cours des âges, et là le cerveau humain a permis des progrès impossibles chez les animaux . Les outils sont devenus des prolongements du corps, décuplant la force, repoussant les limites de la fatigue. Ils ont aussi permis l’action à distance ( armes de tir ) . Une troisième classe d’outils caractérise le côté cognitif de la niche humaine : c’est ce qui peut être transmis à distance ou à travers le temps. J’ai nommé : les rituels, images, symboles .
Au final, c’est notre cerveau qui a le plus évolué ces 300 000 dernières années.
Pour cela, il a fallu développer et complexifier le langage. Vous avez dit : « tradition orale » ? De là découlent mémoire, planification, pensée abstraite ( valeurs républicaines et démocratie ? ), mise en réseau ( vous êtes de quelle région ou province ? ) . On observe aussi l’élargissement progressif du cercle de l’empathie. On aime son prochain, plus petit à petit son lointain.

Le débat continue autour des mérites respectifs de l’empathie altruiste et de l’individualisme. La franc-maçonnerie n’a pas tranché et utilise conjointement les deux voies. C’est conforme à la pyramide de Maslow. Le socle collectif d’entraide est indispensable et procure de nombreuses satisfactions, la liberté au sommet permet de se réaliser pleinement
Néanmoins, les sociétés subissent le phénomène de différentiation culturelle.
La meilleure preuve est que l’on pratique 7000 langues sur terre. La racine du problème est que les signaux culturels, a priori porteurs de sens, se muent parfois en simples marqueurs d’identité. La culture permet de souder un groupe, mais parfois contre les autres groupes. Et on se retrouve à se focaliser surtout sur les différences. En franc-maçonnerie, on résiste un peu en ressassant qu’il s’agit de rassembler ce qui est épars. Soyons honnêtes, l’universalisme n’est pas encore pour demain.
Les religions sont une astucieuse combinaison d’éléments factuels et une portion d’éléments disons surprenants . Cette combinaison, souvent un narratif attirant, est aisément mémorisable donc facilement transmissible ; les symboles jouent comme renforçateurs de la cohésion du groupe. Cela nous rappelle bien des choses.
Deux dernières capacités fascinantes de notre cerveau .
La première est la détection des intentions, notamment en observant les yeux de son interlocuteur. Notons en passant que les yeux allongés de l’humain facilitent cette détection . Cette faculté est déjà présente, à divers degrés, chez les mammifères supérieurs. Tout ceci n’empêche pas nos congénères de faire des procès d’intention, souvent basés sur rien d’autre que leur propres préjugés.
La seconde se nomme « théorie de l’esprit ». C’est l’aptitude à attribuer des états mentaux inobservables, à soi mais surtout aux autres. D’une certaine manière, on « entre » dans la tête de l’autre, ce qui permet d’éprouver ses sentiments ( sauf erreur ). Cette capacité joue un rôle capital dans l’empathie, la communication, l’esprit d’équipe, la compétition, etc. Elle se développe dès l’enfance . Sans elle, nous ne serions pas ce que nous sommes.
J’espère que l’étroitesse du parallèle de l’élaboration de la niche humaine avec la construction de notre temple personnel et collectif vous a impressionnés autant que moi. Soyez fiers et dignes de votre humanité !
Texte rédigé sans IA.