jeu 26 juin 2025 - 11:06

Le Canard enchaîné anesthésie le Grand Orient de France

Le docteur Sandillon toujours Conseiller de l’ordre… pour combien de temps encore ?

Dans son édition du mercredi 25 juin 2025, Le Canard enchaîné a repris des révélations initialement publiées par notre journal le 16 mai 2025, à la suite du jugement retentissant dans l’affaire Joël Le Scouarnec, chirurgien reconnu coupable de crimes odieux. Ce praticien, déjà condamné à trois reprises, a été reconnu coupable d’avoir agressé sexuellement au moins 300 enfants, un chiffre qui glace le sang et soulève des questions troublantes sur les failles institutionnelles qui ont permis de tels actes.

Cette affaire, loin de se limiter à un individu isolé, met en lumière des responsabilités partagées, notamment celles du Dr Henri Sandillon, figure éminente du milieu médical et maçonnique, dont le silence et les contradictions alimentent un scandale grandissant.

Sandillon contesté dans sa propre Loge

Informée par 450.fm de l’affaire Sandillon-Le Scouarnec, la Vénérable de cette loge a adressé, le 23 juin 2025, une lettre signée par une cinquantaine de membres (sur un total de 70) réclamant l’application des mesures réglementaires à l’encontre du frère Sandillon, qui occupe toujours la fonction de Grand Officier en charge des droits des femmes et des enfants. Il est notable que le Garde des Sceaux, Gérard Sabatier, membre de cette même loge et avocat de profession, ne figure pas parmi les signataires de cette missive. Plus troublant encore, malgré sa responsabilité de signaler au Conseil de l’Ordre tout dossier susceptible de porter atteinte aux intérêts de l’obédience, il n’a, à ce jour, transmis aucun document aux conseillers de l’Ordre.

Voir en bas de cet article la lettre intégrale envoyée au Grand Maître Penin

Un recrutement controversé et des révélations choc

Joël Le Scouarnec, surnommé le « chirurgien pédocriminel » par les médias, avait été recruté au Centre Hospitalier de Jonzac (Charente-Maritime) à une époque où le Dr Henri Sandillon, chirurgien ORL, présidait la Commission Médicale d’Établissement.

En tant que responsable médical de ce recrutement, Sandillon porte une responsabilité directe dans l’intégration de Le Scouarnec, malgré des signaux d’alerte graves.

Joël Le Scouarnec : l’ombre d’un prédateur – (Crédit : TF1)

Lors du procès devant la Cour Criminelle du Morbihan, la directrice de l’établissement a avoué avoir été informée de la condamnation antérieure de Le Scouarnec pour détention d’images pédopornographiques, un aveu qui a jeté une lumière crue sur les négligences administratives.

L’affaire a pris une tournure dramatique en 2017, lorsque Le Scouarnec fut inculpé pour l’agression de sa voisine de 6 ans à Jonzac. Interrogé par la gendarmerie, Sandillon avait initialement confirmé connaître cette condamnation. Pourtant, face à la Cour Criminelle, il a nié toute connaissance, un revirement qui s’est soldé par un faux témoignage flagrant. La présidente de la Cour, indignée, l’a sévèrement réprimandé :

« Vous ne rendez pas honneur à votre profession. »

Cette volte-face a non seulement terni sa crédibilité, mais a également ouvert la voie à des conséquences judiciaires potentielles.

Une nomination qui pose des questions

Ce qui rend cette affaire encore plus troublante, c’est le statut maçonnique de Sandillon. Reconnu dans la région Sud-Ouest, il est membre actif de la Loge « Émile Combes » à Pons, rattachée au Grand Orient de France (GODF), ainsi que du Chapitre « L’esprit laïque du futur » à La Rochelle, sous l’égide du Grand Chapitre Général des Hauts Grades. En 2023, alors que l’affaire Le Scouarnec était déjà publique depuis 2017, il a été élu au Conseil de l’Ordre par le Congrès des Loges du Sud-Ouest (région 16), une décision qui soulève des interrogations sur l’éthique et la transparence au sein de l’obédience.

Au-delà de son ancrage régional, Sandillon jouit d’une notoriété nationale en tant que 5e Ordre du Rite Français. Au sein du Conseil de l’Ordre du GODF

il occupe le poste stratégique de Grand Officier délégué à la réflexion sur la fin de vie, la santé, ainsi que les droits des femmes et des enfants…

…un paradoxe saisissant au vu des accusations portées contre Le Scouarnec. Membre également de la Loge d’Études et de Recherches « Les Fils et Filles d’Ariane », dédiée à la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants, son silence face à cette affaire contraste cruellement avec les valeurs défendues par le GODF. On pourrait presque ironiser avec un titre comme « un pyromane pompier au GODF », si la gravité des faits ne jetait pas une ombre si pesante sur l’institution.

Une réaction maçonnique en demi-teinte

Cette affaire interpelle la franc-maçonnerie sur plusieurs fronts, révélant des failles institutionnelles et une apparente inertie :

  1. Une position compromise : Après son faux témoignage, Sandillon se trouve dans une situation délicate. Des victimes de Le Scouarnec envisagent une plainte contre lui, tandis que la présidente de la Cour Criminelle a saisi le procureur de Vannes. Des poursuites ordinales pourraient également être engagées. Pourtant, en tant que haut responsable du GODF chargé des droits des enfants, il n’a pas démissionné, un choix qui alimente les critiques.
  2. Un silence des instances régionales : Le Congrès des Loges du Sud-Ouest, qui l’a élu, s’est réuni à plusieurs reprises depuis les révélations, sans exiger sa démission du Conseil de l’Ordre. Cette passivité interroge sur la capacité de la base maçonnique à faire respecter ses propres principes.
  3. L’inaction du Conseil de l’Ordre : Ni le Grand Chapitre Général ni le Conseil de l’Ordre du GODF n’ont réagi en deux mois et demi, malgré les procédures de suspension à leur disposition. Cette inertie semble s’appuyer sur la présomption d’innocence, un principe louable mais qui, dans ce contexte, frôle l’aveuglement.

La récente suspension d’Alain Bauer par la Section Permanente de la Chambre Suprême de Justice Maçonnique (CSJM), suite à des poursuites du Parquet National Financier (PNF), devrait pourtant servir de précédent. Elle illustre l’indépendance nécessaire de la justice maçonnique face à la présomption d’innocence, un équilibre que le GODF semble hésiter à trouver dans l’affaire Sandillon.

Une demande d’intervention et un Convent sous tension

Face à cette situation, il serait pertinent que le Garde des Sceaux active l’article 93, demandant la suspension temporaire et exceptionnelle de Sandillon par la CSJM, à titre conservatoire. Cette mesure, motivée par :

  • Une atteinte aux intérêts généraux de l’Ordre,
  • Des actes contraires à l’honneur et à la probité,
  • La production d’une attestation fausse et incomplète, pourrait protéger l’intégrité de l’institution en attendant les clarifications judiciaires.

Si le Conseil de l’Ordre tarde à agir, le Convent 2025, qui se tiendra à Bordeaux – au cœur de la région Sud-Ouest – risque de devenir un théâtre de débats houleux. Les délégués auront sans doute deux dossiers brûlants à l’ordre du jour : Bauer et Sandillon. Cette double crise pourrait laisser une tache indélébile sur le mandat de Nicolas Pénin, actuel Grand Maître du GODF, mettant à l’épreuve la capacité de l’obédience à concilier ses idéaux de justice, de transparence et de défense des plus vulnérables.

Un appel à la réflexion

Cette affaire dépasse le cadre d’une simple controverse judiciaire pour interroger les fondements mêmes de la gestion de la franc-maçonnerie par la plus importante des Obédiences françaises.

On ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec la protection des prêtres du Vatican dans l’affaire de pédophilie.

Caricature en Allemagne sur le traitement des abus par l’Église catholique. (Source Wikipedia)

Le silence du GODF, les contradictions de Sandillon et l’inaction des instances maçonniques soulignent un décalage alarmant entre les valeurs proclamées et les actes posés. Alors que des centaines d’enfants ont souffert des crimes de Le Scouarnec, la responsabilité collective – médicale et maçonnique – doit être assumée avec courage. L’avenir de l’obédience dépendra de sa capacité à tirer les leçons de ce scandale et à restaurer la confiance, non seulement en son sein, mais aussi aux yeux du public.

Que la lumière, si chère aux francs-maçons, éclaire enfin ce chemin obscurci par le silence.

lettre intégrale envoyée au Grand Maître Penin

1 COMMENTAIRE

  1. Il m’est douloureux d’écrire ces lignes, mais le silence devient à présent complice. À la lecture de l’article publié par 450.fm relayant ‘’Le Canard enchaîné’’, je ne peux que constater avec consternation la lente déliquescence intellectuelle et morale du Grand Orient de France (48 200 membres et non 54 000), dont je suis (encore) membre.
    Quand une institution qui se réclame des Lumières reste sourde à l’évidence, aveugle face à la responsabilité, et muette devant l’indignation, alors ce ne sont plus ses principes qui guident sa marche, mais la peur, la complaisance ou l’orgueil. Quand un haut dignitaire impliqué dans un scandale aussi grave que celui entourant le Dr Sandillon peut continuer à siéger, à représenter notre Ordre, sans la moindre réaction officielle, alors ce ne sont plus les valeurs de justice, d’exemplarité et de fraternité qui nous animent, mais une forme de démission collective.
    Dans cette affaire, il ne s’agit pas d’une simple faute personnelle, mais d’un naufrage institutionnel. Car enfin, que vaut la devise Liberté, Égalité, Fraternité, si nous ne savons pas défendre les plus vulnérables ? Que valent nos travaux sur les droits humains, si nous ne savons même pas protéger les enfants ni affronter la vérité quand elle fait mal ?
    J’ai longtemps espéré une prise de conscience, un sursaut, une parole claire venue du Conseil de l’Ordre. Je n’ai rien vu venir. Alors, si aucune réaction n’est engagée dans les jours qui viennent, je présenterai ma démission. Non par désengagement, mais parce que l’on ne reste pas dans un lieu qui trahit ce à quoi l’on croit.
    Je ne quitterai pas la Franc-maçonnerie. Je la vivrai ailleurs. Mais je refuse de participer à cette anesthésie, à ce repli honteux où l’on protège les apparences en oubliant l’essentiel. Je refuse que la parole profanée prenne le pas sur l’exigence initiatique.
    Puisse la lumière que nous invoquons enfin éclairer ce chemin obscur.

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Charles-Albert Delatour
Charles-Albert Delatour
Ancien consultant dans le domaine de la santé, Charles-Albert Delatour, reconnu pour sa bienveillance et son dévouement envers les autres, exerce aujourd’hui en tant que cadre de santé au sein d'un grand hôpital régional. Passionné par l'histoire des organisations secrètes, il est juriste de formation et titulaire d’un Master en droit de l'Université de Bordeaux. Il a été initié dans une grande obédience il y a plus de trente ans et maçonne aujourd'hui au Rite Français philosophique, dernier Rite Français né au Grand Orient de France.

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