mer 25 juin 2025 - 22:06

Que cherche le Franc-maçon ? Exploration des quêtes de connaissance et de vérité

Dans l’intimité d’une loge, sous la voûte étoilée, la question résonne comme un écho intemporel : que cherche le franc-maçon ? Est-ce la connaissance, la vérité, ou un horizon plus insaisissable encore ? Répondre à cette interrogation s’avère une entreprise aussi fascinante que complexe, car chaque frère, chaque sœur porte en son cœur une quête unique, aussi diverse que les étoiles qui brillent au firmament. Si la réponse couramment invoquée – « la lumière » – semble un leitmotiv universel, elle reste empreinte d’une subjectivité profonde, rendant illusoire toute tentative de parler au nom des 150 000 frères et sœurs en France ou des 3 millions à travers le monde.

Ce texte ne prétend donc pas dresser un portrait définitif du franc-maçon, ni ériger un archétype global. Il s’agit plutôt d’un partage humble, celui d’une expérience personnelle et des échanges précieux avec quelques compagnons de route, sans jamais prétendre incarner une voix collective. Que recherche donc le franc-maçon que je suis ? Comment travaille-t-il ? A-t-il des chances d’atteindre son but ? C’est à travers ces trois axes – philosophique, maçonnique, métaphysique et alchimique – que je vous invite à explorer ces pistes, sans voile levé sur une conclusion certaine, car la profondeur de cette quête dépasse les limites d’une seule vie, jusqu’à ce que nous rejoignions l’Orient éternel.

Un Pèlerinage sans Destination Fixe

En franc-maçonnerie, il est d’usage, lors de l’introduction d’un travail, de soulever un coin du voile sur la conclusion attendue. Mais ici, face à l’immensité de la question, je ne puis me conformer à cette tradition. La quête de connaissance ou de vérité est un voyage si vaste que, à mon humble niveau, je doute de pouvoir jamais y apporter une réponse définitive avant de quitter ce plan terrestre. Si tel était le cas, si je détenais déjà la vérité ou la connaissance absolue, mes travaux perdraient toute raison d’être : à quoi bon parler quand on est ? Ainsi, je vous convie non pas à une certitude, mais à un cheminement, celui d’un pèlerin du cœur. Je vous raconterai les sentiers que j’ai parcourus, les réflexions qui m’ont guidé, sans prétendre désigner une destination. Qui, dans cette fraternelle assemblée, pourrait prétendre détenir les preuves de l’arrivée ? Aucun, sans doute, et c’est dans cette humilité que réside la beauté de notre quête.

La Quête : Connaissance ou Vérité ?

Les Échos de Socrate et la Connaissance de Soi

Le franc-maçon trouve en Socrate un compagnon de route intemporel, avec son injonction gravée sur l’architrave du temple d’Apollon à Delphes : « Connais-toi toi-même. » Cette maxime, loin d’être une simple invitation à l’introspection, porte une ambition morale profonde. Pour Socrate, elle signifiait discerner le bien du mal, définir les grandes vertus – justice, piété, courage, tempérance, amitié – non par des exemples, mais par leur essence même. Sa méthode, fondée sur le questionnement, visait à extraire la connaissance de l’ignorance, car il croyait que tout vice naît de ce manque et que la vertu est la connaissance incarnée. Cette quête de définitions universelles résonne avec l’esprit maçonnique, où l’interrogation est un outil sacré.

Pavé mosaïque, colonnes équerre compas et symboles
Pavé mosaïque, colonnes équerre compas et symboles

Le mot « connaissance » lui-même, décomposé en « con » (avec) et « naissance » (commencement), suggère une recherche des origines, un retour au point de départ intérieur. Cette idée rejoint Démocrite, dont la célèbre phrase « La vérité est au fond du puits » invite à plonger en soi. Dans la tradition maçonnique, cette introspection est cristallisée dans le V.I.T.R.I.O.L. : Visita Interiora Terrae Rectificando Invenies Occultum Lapidem. La « pierre cachée » préexiste en chacun, enfouie dans le soi, et c’est par l’observation de son comportement, le questionnement incessant, que le maçon la révèle et la rectifie. La connaissance, en ce sens, est lumière, symbolisée par les carreaux blancs du pavé mosaïque, miroir de la dualité complémentaire – lumière et ténèbres, masculin et féminin, chaud et froid – à l’image du Yin et du Yang chinois. Ce damier, riche de significations, peut même être vu comme une règle de maître opérative ou un support algébrique où la somme tend vers 3,14, une piste que j’explorerai dans de futurs travaux. Pour l’heure, il me sert de miroir mnémotechnique : toute lumière porte une part d’obscurité, et inversement, dans une relativité qui défie l’absolu.

Prenons l’exemple de la mythologie romaine : Lucifer, souvent perçu comme l’antithèse de Dieu, est pourtant un archange déchu, créé par Lui, et son nom signifie « Porteur de Lumière ». Cette dualité rappelle que la connaissance, chez le maçon, n’est pas une conquête de la lumière sur les ténèbres, mais une réconciliation. Comme Michel-Ange taillant le marbre pour révéler David, le maçon doit aimer sa pierre brute dans son entier, y compris ses ombres, pour exceller. Si l’on dit souvent que la lumière éclaire l’obscurité, je propose une vision audacieuse : et si le travail consistait à s’aimer soi-même dans ses ténèbres, à en faire la clé de voûte de notre édifice intérieur ? Nous y reviendrons en explorant la manière de travailler.

La Vérité : Un Horizon en Mouvement

Passons à la vérité. Le dictionnaire la définit comme une adéquation entre la réalité et celui qui la pense, une notion terre-à-terre dans le monde profane : une épouse cherchant la fidélité de son mari, un juge la justice, un mathématicien une équation, un historien l’origine du monde. Ces vérités, factuelles et changeantes selon les époques, manquent de permanence ou d’universalité. Aristote, affirmant que « l’homme désire naturellement connaître », lie connaissance et vérité, confondant réalité et essence. Platon, plus nuancé, distingue la vérité subjective (ce qui apparaît) de la vérité objective (l’être en soi), voyant dans le dépassement de la subjectivité le défi humain.

Buste de Platon. Marbre, copie romaine d’un original grec du dernier quart du IVe siècle av. J.-C.

En franc-maçonnerie, un conseil résonne :

« Ne profanez pas le mot de vérité en l’accordant aux conceptions humaines. La vérité absolue est inaccessible à l’esprit humain ; il s’en approche sans cesse, mais ne l’atteint jamais. »

Ici, la vérité n’est pas une fin, mais un moyen, un voyage sans destination fixe. Pour le franc-maçon que je suis, la connaissance est un outil indispensable sur ce chemin, guidé par la vérité comme un nord magnétique. Pourtant, je ne crois pas à une révélation soudaine. La vérité, je la sens déjà en moi, attendant d’être dévoilée. Lao Tse illustre cela :

« Un homme cherchait du feu avec une lampe à la main. S’il avait su ce qu’était le feu, il aurait pu cuire son riz. »

Ma quête est donc une révélation intérieure, non une conquête extérieure.

Comment Travaille le Franc-Maçon ?

Travailler, pour le franc-maçon que je suis, c’est avancer sans connaître la destination, avec confiance, force et sagesse – ou plutôt, une sérénité active. Comme un apprenti taillant sa pierre sans en voir les plans ni être sûr d’en jouir, je m’applique dans l’incertitude, bannissant doute et distraction. Mon travail se divise en deux sphères complémentaires : physique et alchimique.

Le Travail Physique : Un Rituel Vivant

Le travail physique s’ancre dans le respect du rituel – rectitude, pas, respiration, signes pénal, de fidélité et de salutation propres à chaque degré. Ce microcosme est un laboratoire du macrocosme, où l’homme puise l’énergie de la terre, nourrie par le ciel, dans un triangle immuable. En loge, je vois un reflet de l’univers, une communion totale avec la vie. Chaque geste, chaque posture, est une prière vivante.

Le Travail Alchimique : Transformer le Plomb en Or

Alchimie
Alchimie

L’alchimie, souvent réduite à l’image d’un vieillard transformant le plomb en or, prend ici une dimension intérieure. Nos rituels activent une énergie spirituelle. Les trois signes stimulent les trois foyers : le signe pénal (respiration, foyer haut), le signe de fidélité (digestion, foyer moyen), le signe de salutation (excrétion, foyer inférieur). Cette interaction est un creuset alchimique, transformant le plomb des reins (noir) en or du cœur (rouge). Au-delà du matériel, le travail maçonnique mobilise des forces invisibles pour un développement intérieur, une idée que j’intègre quotidiennement.

L’Intégration des Ténèbres

Mon travail inclut aussi une réconciliation avec mes ombres. Si le temple reflète l’univers, ma sphère relationnelle – maçonnique ou profane – est le miroir de mon monde intérieur. Les zones d’obscurité, ces « dalles noires » – agacements, répétitions quotidiennes ignorées par d’autres – ne doivent pas être rejetées, mais intégrées. Accepter, aimer ces parts de moi, c’est devenir entier, comme un pavé mosaïque complet. Cette harmonie fait de moi la quatrième colonne, unie aux trois autres.

A-t-il des Chances d’Atteindre son But ?

La question de savoir si j’atteindrai mon but m’importe peu. Le chemin prime sur la destination ; le vrai travail se vit dans l’instant. La chance n’a pas de place ici : chaque aspérité polie de ma pierre est un accomplissement. Chercher la perfection absolue serait une autoroute vers l’enfer, loin de ma quête. La vie est ici et maintenant, et chaque jour m’offre un salaire d’optimisme et de joie. À cette question, je réponds oui : chaque pas est un but atteint.

Un Voyage sans Fin

Connaissance et vérité sont des moyens, non des fins. Les voir autrement risquerait de détourner le franc-maçon de sa voie.

Travailler, c’est remonter la pente vers soi – un repentir au sens originel, avec constance et sagesse, malgré les distractions. Ce chemin, empreint de confiance et de fraternité, est la vraie lumière.

1 COMMENTAIRE

  1. Le moi n’étant que le centre du champ de la conscience, ne se confond pas avec la totalité de la psyché; ce n’est qu’un complexe parmi d’autres.
    Il y a donc ‘ lieu de distinguer entre le moi et le Soi, le moi n’étant que le sujet de ma conscience, alors que le Soi est le sujet de la totalité de la psyché, y compris l’inconscient.

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Pierre d’Allergida
Pierre d’Allergida
Pierre d'Allergida, dont l'adhésion à la Franc-Maçonnerie remonte au début des années 1970, a occupé toutes les fonctions au sein de sa Respectable Loge Initialement attiré par les idéaux de fraternité, de liberté et d'égalité, il est aussi reconnu pour avoir modernisé les pratiques rituelles et encouragé le dialogue interconfessionnel. Il pratique le Rite Écossais Ancien et Accepté et en a gravi tous les degrés.

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