(Les « éditos » de Christian Roblin paraissent le 1er et le 15 de chaque mois.)
Nous pourrions nous écrier : « Nous avons une République ! ». Qu’en faisons-nous ? Comment la soignons-nous ? Comment nous la transmettons-nous, entre contemporains, comme de dépositaires à successeurs ?

Le chef de l’État est venu prononcer, à la Grande Loge de France, le 5 mai 2025, un discours sur la République et sur l’un de ses principes fondateurs, la laïcité, dont il a souligné l’actualité et l’avenir, la permanente urgence, comme cadre de protection de la liberté de conscience, c’est-à-dire, en tout premier lieu, liberté de croire ou de ne pas croire, sans être entravé ou envahi par la volonté d’autrui et, encore moins, par celle de l’État qui affiche et respecte, à cet égard, une stricte et vigilante neutralité.

Certains voudraient aménager les règles qui en découlent, pour les convenances particulières d’un culte. Le Président Macron, premier et fidèle défenseur des institutions, entend redonner à la laïcité tout son lustre, à l’occasion de la commémoration du centenaire de la loi qui l’a fait entrer dans notre ordre juridique républicain. Nous avons rendu compte, dans ces colonnes, de la cérémonie solennelle, rue Puteaux. Des esprits chagrins, en commentaires, ont regretté que cette intervention n’ait pas eu lieu rue Cadet, l’obédience qui y siège devant avoir, à leurs yeux, sinon le monopole incontestable, du moins, la perpétuelle primauté de la représentation de la franc-maçonnerie française, en général, et singulièrement sur ce plan. Quel initié peut souscrire à une prétention aussi outrageusement profane ? Quel initié ne devrait pas s’interroger sur l’excès en toutes choses, comme chez ceux qui n’ont cessé d’égrener des couplets ‘laïcards’, en manifestant leur parti pris par des attitudes antireligieuses ?

Ne s’éloigne-t-on pas ainsi du plein respect de la laïcité qu’on prétend révérer, tout comme, récemment – et curieusement, en partie, dans les mêmes cercles –, quand il se dessine, à l’inverse, un courant d’opinion qui voudrait aménager la laïcité pour que puisse s’exercer, dans l’espace public, le contrôle social de quelques adeptes intégristes de la confession musulmane, pour dire les choses, et ce à rebours de la majorité de leurs coreligionnaires, intégrés ? La loi de la République s’applique à tous. Elle est supérieure à toute règle sur le territoire français. C’est ainsi qu’elle a tracé et trouvé les voies de la paix et de l’équilibre, à défaut d’une harmonie constante – grâce à une laïcité scrupuleuse qui n’impose ni n’accepte de voir imposer de vêture ni d’attitude à personne, dans la rue, quels que soient son sexe ou son genre et, bien entendu, son appartenance à quelque religion ou conviction que ce soit.

La laïcité, c’est une libération et justement, nous avons célébré, le 8 mai, le quatre-vingtième anniversaire de la Libération et avons donc chanté la gloire de la République retrouvée, d’une République à reconstruire et qui ne le fit pas facilement, renonçant douloureusement, par exemple, à son empire colonial. D’ailleurs, un essai qui vient de paraître montre combien un ancien président de la République – malgré l’histoire que lui-même a voulu réécrire – semble, dans les faits, s’y être résolu tardivement et à contrecœur[1].

Au demeurant, il n’y a pas que la République qui soit souveraine… un pontife, aussi ! L’élection d’un nouveau pape, ce même 8 mai, au soir, nous rappelle que, certes, dans une conception différente de celle d’aujourd’hui, la République romaine avait couru pendant les cinq siècles précédant la naissance de Jésus-Christ[2]. Aussi bien, à la lumière des circonstances présentes, nous ne saurions éprouver le moindre embarras à affirmer que, dans l’esprit qu’elle incarne et qui la distingue le mieux, la République n’attend pas de messie : forte d’une constitution démocratique, elle organise l’État et sa gouvernance, elle gère les affaires publiques et donne un horizon commun à tous les citoyens. Chacun doit s’y reconnaître, non seulement par un hymne et un drapeau, mais aussi par un idéal digne d’être proclamé hautement : Habemus Respublicam !
[1] Nicolas Bancel et Pascal Blanchard (dir.), François Mitterrand, le dernier empereur : de la colonisation à la Françafrique, Paris, Philippe Rey, avr. 2025, 928 p., 29,50 €. Pour accéder au site de l’éditeur, cliquer ici.
[2] Rappelons que Jésus vient du grec ancien Ἰησοῦς /Iēsoûs , lui-même issu du prénom hébreu ancien ישוע/Iéshua (même racine que Josué). Ce mot signifie « Dieu sauve » ou « Dieu délivre ». Christ vient aussi du grec ancien χριστός/khristós , qui signifie « l’oint du Seigneur » (à rapprocher du saint chrême, l’huile d’onction qui a «la bonne odeur du Christ»), sachant qu’il s’agit ici également d’une traduction de l’hébreu ancien משיח/maschiah (« messie »).