ven 09 mai 2025 - 15:05

Le pape Léon XIV reconnaîtra-t-il (enfin) les Francs-maçons ?

Le pape américain Léon XIV lance « un appel de paix à tous les peuples », lors de son premier discours

Le 8 mai 2025, à 18h08, une fumée blanche s’est élevée en bouillonnant au-dessus de la cheminée de la chapelle Sixtine, annonçant l’élection du nouveau pape, ce qui marquait la fin du deuxième jour de conclave. Le cardinal Robert Francis Prevost, un Nord-Américain de 69 ans, venait d’être élu 267e pape de l’Église catholique, sous le nom de Léon XIV, devenant ainsi le premier Nord-Américain de l’histoire à porter le titre d’évêque de Rome. Quelques instants plus tard, à 19h31, le nouveau souverain pontife lança, « à la ville et au monde »,  par ses premiers mots depuis le balcon de la basilique Saint-Pierre, un vibrant « appel de paix à tous les peuples ».

Un discours inaugural axé sur la paix et l’unité

S’exprimant en italien, Léon XIV, qui parle cinq langues, a commencé ainsi son discours :

« Chers frères et sœurs, j’aimerais que ce salut de paix puisse entrer dans vos cœurs, dans vos familles. Je m’adresse à tous les peuples, à la terre entière. »

Photo humoristique d’une fumée qui signalerait l’élection d’un pape pro maçons…

Ce message, rapporté par Le Figaro, reflète une volonté d’universalité et de réconciliation, dans la lignée de son prédécesseur, le pape François, décédé le 21 avril 2025.

Le pape Léon XIV semble vouloir s’inscrire dans une continuité pastorale, tout en apportant une touche personnelle marquée par son passé de missionnaire lors de sa longue expérience péruvienne. Le cardinal Robert Francis Prevost, membre de l’ordre de Saint-Augustin, a choisi le nom de Léon XIV en hommage à Léon XIII, pape de la fin du XIXe siècle, principalement connu pour son encyclique Rerum Novarum (« des choses nouvelles » ou, selon la traduction du Vatican, « des innovations »), qui abordait, en 1891, les droits des travailleurs et la justice sociale. Ce choix symbolique suggère une intention de s’intéresser aux défis sociaux contemporains, se situant dans le sillage de François et de son engagement en faveur des pauvres, des migrants et de l’écologie.

Le pape Léon XIV (Robert Francis Prevost)

Position probable de Robert Francis Prevost sur la Franc-maçonnerie

Le nouveau pape, Robert Francis Prevost, était donc hier encore un cardinal américain de 69 ans. C’était un proche collaborateur du pape François, ayant été nommé préfet du Dicastère pour les évêques en 2023 et élevé au rang de cardinal-évêque en février 2025 (Conclavoscope, Wikipedia). Son alignement sur la vision de François, marquée par une approche pastorale inclusive, une attention aux pauvres et une disposition au dialogue, pourrait-elle le conduire à plus d’ouverture vis-à-vis de la franc-maçonnerie, sachant que son prédécesseur était, cependant, resté plus que réservé à cet égard ? En effet,

Depuis 1738, l’Église catholique OBSERVE UNE LIGNE CONSTANTE, QUOIQUE DéSORMAIS MOINS SéVèRE, envers la Franc-maçonnerie : LA doctrine de la première est considérée comme incompatible avec la nature de la seconde.

Le défunt pape Benoit XVI dans sa chapelle ardente

Cette incompatibilité a été réaffirmée en 2023 par le Dicastère pour la Doctrine de la Foi (DDF), dirigé par un Préfet argentin, le cardinal Víctor Manuel Fernández, avec l’approbation du pape François. Le document cite la déclaration de 1983 signée par le cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, ultérieurement plus connu sous son nom de pape : Benoit XVI, déclaration aux termes de laquelle il est interdit aux catholiques de rejoindre les loges maçonniques sous peine d’être en état de péché grave et de ne pouvoir recevoir la communion (Catholic Herald). Les objections de l’Église reposent sur les fondements suivants : la franc-maçonnerie est accusée de promouvoir le naturalisme, le rationalisme et une vision déiste ou panthéiste incompatible avec la foi catholique et c’est ce qu’avait antérieurement condamné avec la plus vive fermeté l’encyclique Humanum Genus (« le genre humain ») donnée à Rome, le 20 avril 1884, par le pape… Léon XIII. On peut donc se demander s’il n’est pas d’assez mauvais augure que le nom spontanément choisi par le nouveau Vicaire du Christ soit susceptible de comporter un tel signal dans l’orientation générale du pontificat qu’il inaugure.

Ainsi, Léon XIV, au surplus ancien préfet du Dicastère pour les évêques, a peu de chance de rompre avec cette tradition, même si, connaissant bien la très philanthropique franc-maçonnerie américaine, il ne juge plus l’ensemble de ces sociétés ésotériques comme autant de sectes immorales et impies.

Le pape François

Aucun élément dans son parcours n’a, d’ailleurs, suggéré la moindre divergence avec la position officielle. Son engagement dans la réforme de l’Église sous le règne du pape François, notamment sa participation à la synodalité et son soutien à des changements pastoraux (comme l’accès à la communion pour les divorcés remariés) indiquent, certes, une approche progressiste sur certains aspects doctrinaux, mais cela n’a pas mécaniquement vocation à étendre ces assouplissements à tous les sujets de crispation, comme l’est la franc-maçonnerie (Conclavoscope). Sans doute, son expérience missionnaire au Pérou, où il a travaillé dans des contextes culturels variés, manifeste-t-elle une ouverture au dialogue interreligieux, mais elle ne l’a jamais conduit à témoigner quelque abandon ni a fortiori quelque assentiment que ce soit, à l’égard d’institutions jugées contraires à la foi catholique (The Pillar). Au demeurant, l’encyclique précitée de Léon XIII n’empruntait-elle pas déjà un raisonnement articulé sur les célèbres deux cités d’Augustin d’Hippone (celle de la terre et celle du ciel), pour démontrer une incompatibilité conceptuelle entre les idéaux maçonniques et la révélation chrétienne ? C’est a priori, pour le nouveau pape se réclamant aussi de saint Augustin, un dernier facteur de doute quant à ses possibilités d’évolution sur ce plan.

Rôle potentiel, en tant que « jeune pape », vis-à-vis de la franc-maçonnerie

Pourtant, même devenu pape sous le nom de Léon XIV, Robert Francis Prevost pourrait être amené à reconsidérer la question, tout d’abord, en raison de son âge (69 ans, c’est relativement jeune pour un pape), de son style de gouvernance (il est décrit comme pragmatique et discret) et des priorités de son pontificat (Cruxnow, AP News). Mais ce serait sans compter sur l’hostile incompréhension voire l’antimaçonnisme impénitent d’un grand nombre de catholiques de par le monde, si l’on excepte quelques pays occidentaux où le catholicisme n’est pas très affirmé, sa tolérance étant alors souvent inversement proportionnelle à sa puissance.

Voici quelques éléments d’analyse prospective :

Le Duc de Kent – Grand maître de la Grande Loge Unie d’Angleterre
  • Continuité doctrinale : En tant que proche du pape François, le cardinal Prevost devenu pape maintiendra probablement la ligne officielle de l’Église sur la Franc-maçonnerie. Il manque jusqu’à présent le moindre indice permettant d’espérer qu’il puisse un jour lever l’interdiction pour les catholiques de rejoindre les loges maçonniques. Au contraire, son rôle au Dicastère pour les évêques, où il était chargé de nommer des évêques alignés sur la vision de François, suggère qu’il continuera de préférer des pasteurs fidèles à la doctrine catholique traditionnelle sur des questions comme celle-ci (The Pillar).
  • Approche pastorale et dialogue : Léon XIV est connu pour son style pastoral, humble et axé sur la proximité avec les fidèles (AP News). Il pourra encourager une approche pastorale plus nuancée envers les catholiques affiliés à la Franc-maçonnerie, sans pour autant modifier la position doctrinale. Par exemple, il pourra suivre la suggestion du cardinal Fernández en 2023, qui recommandait aux évêques philippins une catéchèse approfondie pour expliquer l’incompatibilité entre la foi catholique et la Franc-maçonnerie, tout en évitant une confrontation directe (Catholic Herald). Cela s’inscrira dans sa volonté de dialogue et d’inclusion, sans, pour autant, rien céder sur les principes.
  • Contexte géopolitique et régional : En tant que Nord-Américain ayant passé beaucoup de temps au Pérou, Léon XIV est perçu comme un « homme qui transcende les frontières » (The New York Times). Il pourra être confronté à des contextes régionaux où la Franc-maçonnerie est influente, comme en Italie (voir l’événement de Naples du 7 mai 2025) ou en France. Il est peu probable qu’il « initie » un rapprochement officiel avec les obédiences maçonniques, étant donné les précédents historiques et la fermeté de l’Église sur ce point (Wikipedia, art. « Église catholique et Franc-maçonnerie »).
  • Focus sur d’autres priorités : À 69 ans, Léon XIV devrait connaître un pontificat potentiellement assez long (de 10 à 15 ans), mais il est probable qu’il se concentre sur des priorités plus urgentes pour l’Église, comme :
    • la gestion des affaires d’abus sexuels commis par des prêtres et, qui pis est, le plus souvent sur des mineurs – en l’occurrence, d’authentiques et gigantesques déviances perverses –, sujet d’autant plus sensible pour lui que, dans sa propre carrière, il fut accusé d’avoir contribué à étouffer de tels scandales tant au Pérou qu’à Chicago (et ce, malgré la défense opposée par ses partisans),
    • la synodalité, mot d’origine grecque qui signifie littéralement « ensemble sur la route » et qui désigne la participation de l’ensemble des fidèles de l’Église locale et non des seuls membres du clergé à une large part de l’activité ecclésiale, et, enfin,
    • l’engagement pour les pauvres et les migrants, ce que laisse pleinement supposer le choix spontané de son nom de pape (The Pillar, Conclavoscope).
    • Aussi bien, la Franc-maçonnerie, toute importante qu’elle soit sur le plan doctrinal, ne semble pas constituer une préoccupation centrale dans le contexte actuel de l’Église, sauf dans des régions spécifiques comme les Philippines ou l’Italie, où des initiatives récentes ont visé à clarifier cette incompatibilité (Agence italienne ANSA, Naples, 7 mai 2025).

Comparaison avec les événements récents

Divers événements maçonniques manifestent la volonté des obédiences de s’ouvrir au public, certes, pour faire connaître la nature de leurs objectifs et de leurs méthodes, ainsi que l’esprit de leurs travaux, mais aussi pour contrer en parallèle les préjugés, les médisances et les calomnies qui se sont de tout temps répandus à leur sujet. Cependant, ces initiatives n’entraînent pas ipso facto de changement dans la position officielle de l’Église catholique. Le nouveau pape pourrait, au besoin, saluer ces efforts de transparence, cela ne l’entraînerait pas nécessairement à modifier la ligne traditionnellement rigoureuse qu’a rappelée, encore récemment, en 2023, le Dicastère pour la Doctrine de la Foi (DDF). Pour autant, le pape pourrait tenir compte, dans ses discours, de certaines déclarations solennelles comme celle d’Emmanuel Macron, le 5 mai 2025, à la GLDF, où il a incité les Francs-maçons à se dresser comme des « vigies » de la laïcité, ce principe républicain que Léon XIV, francophone et d’origine en partie française, saurait sans doute mieux comprendre que ne l’a fait le Pape François, qui y était resté hermétique voire réfractaire. Ainsi se dessineraient plus nettement des voies d’accommodement variant selon les contextes géopolitiques, ce qui est déjà localement un cas assez fréquent.

En conclusion, il est fort probable que Léon XIV conserve une position catégorique contre l’adhésion des catholiques à la Franc-maçonnerie, conformément à la doctrine actuelle de l’Église. Cependant, son style pastoral et son inclination au dialogue devraient l’inciter à privilégier des approches éducatives et pastorales pour gérer diplomatiquement cette question, en dehors de toute confrontation directe, sans compter que l’agnosticisme et l’athéisme sont des réalités répandues dans beaucoup de nations et qu’il ne peut se limiter à n’en exprimer qu’une sainte horreur. Dans ces conditions, son pontificat se concentrera sans doute davantage sur des enjeux comme la synodalité, les abus sexuels dans l’Église et l’engagement social, reléguant la Franc-maçonnerie au second plan de ses préoccupations, sauf s’il doit faire face à des situations ponctuelles envenimées.

3 Commentaires

  1. La codification de nos rituels est inspirée de nos textes fondateurs…Nous construisons notre Temple intérieur, des idées que nous retrouvons dans l’Eglise et la France Maçonnerie…ce qui devrait, non pas nous rapprocher, mais de nous accepter alors bien sûr si certains continuent de gueuler à bat la calotte c’est qu’ils ont oublié qu’ils sont francs maçons et en décalage avec la loi de 1905….

  2. A chacun son pré carré, l’église a le sien, la franc-maçonnerie a le sien, et plus personne le voit à force de vouloir moderniser les rituels. La preuve, qui des deux sait à quoi sert le compas et l’équerre? Le compas sert à faire des cercles de 360°, l’équerre sert à faire des carrés aux angles de 90° x 4 = 360° (angle-terre)? C’est le minimum à en déduire du midi-minuit de la lune à partir de laquelle les rituels de l’église catholiques et ceux de la franc-maçonnerie sont basés ( y compris ceux de toutes les antiques religions). Le cercle étant la représentation des sphères célestes, dont la lune, cette sphère devient un cube pour calculs. Le delta lumineux triangle devient pyramide, si on veut bien y réfléchir là aussi,; ce triangle à base carrée surmontée de quatre triangles à trois angles dit 4X3 = 12 = midi-minuit. La différence entre l’église catholique et la franc-maçonnerie, tout vient de là, le Pape est vu comme étant le seul à avoir Dieu en lui, donc infaillible, alors que les premiers francs-maçons savaient que Dieu était en eux et à l’extérieur d’eux sans avoir besoin d’un quelconque directeur de conscience y compris le Pape. Le cercle, le carré, le triangle, figures géométriques sacrées à retrouver dans nos rituels exorcisés de toute modernité stérile.

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Pierre d’Allergida
Pierre d’Allergida
Pierre d'Allergida, dont l'adhésion à la Franc-Maçonnerie remonte au début des années 1970, a occupé toutes les fonctions au sein de sa Respectable Loge Initialement attiré par les idéaux de fraternité, de liberté et d'égalité, il est aussi reconnu pour avoir modernisé les pratiques rituelles et encouragé le dialogue interconfessionnel. Il pratique le Rite Écossais Ancien et Accepté et en a gravi tous les degrés.

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