dim 13 avril 2025 - 00:04

De l’Humanisme à l’Humanitude

« une nouvelle voie initiatique pour le XXIe Siècle »

Introduction : Une interrogation du temps présent

Le XXIe siècle, marqué par ses mutations fulgurantes, ses crises globales et ses innovations bouleversantes, nous pousse à réinterroger les fondements mêmes de notre humanité. Sommes-nous encore dans l’ère de l’humanisme, ou assistons-nous à l’émergence d’une nouvelle manière d’être au monde ? Le terme « humanitude », conçu pour exprimer l’éthique du soin, de la relation et de la vulnérabilité, semble ouvrir une voie nouvelle : celle d’un accomplissement de l’humain dans ses dimensions affective, relationnelle et spirituelle.

« Être humain, c’est précisément être responsable. C’est connaître la honte en face d’une misère qui ne semblait pas dépendre de soi. »

Antoine de Saint-Exupéry (Terre des Hommes)

I. L’Humanisme : Une fondation révolutionnaire mais incomplète

L’humanisme a permis à l’homme de se dégager de la tutelle exclusive du divin pour prendre conscience de sa propre dignité, de sa liberté de penser et de son pouvoir de transformer le monde. Il a enfanté les Lumières, la science moderne, la laïcité et les droits fondamentaux. Cependant, en plaçant la raison au centre de toute chose, il a parfois oublié la dimension fragile, émotionnelle et invisible de l’être humain. En éclairant l’esprit, il a laissé l’âme dans l’ombre.

« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. »

François Rabelais (Pantagruel)

II. L’Humanitude : Une étape supplémentaire vers la plénitude humaine

Yves Gineste

L’humanitude, concept forgé par Yves Gineste et Jérôme Pellissier dans le champ du soin, désigne une attitude profonde qui reconnaît chaque être humain comme sujet digne, même dans sa plus grande vulnérabilité. Elle repose sur quatre piliers : le regard, la parole, le toucher, la verticalité. Elle nous appelle à retrouver la profondeur de l’être en relation, l’homme dans sa capacité à aimer et à s’ouvrir à plus grand que lui. L’humanitude est ainsi un humanisme habillé de tendresse, plaçant au cœur de son projet le soin mutuel.

« La grandeur de l’homme est dans sa décision d’être plus fort que sa condition. »

Albert Camus (L’Homme révolté)

III. De la Pierre Brute à la Pierre Cubique : Une traduction maçonnique du passage à l’Humanitude

En franc-maçonnerie, le travail initiatique commence symboliquement par la pierre brute qu’il convient de dégrossir : structurer, éduquer, polir. C’est l’âge symbolique de l’humanisme rationnel et moral. Mais la démarche maçonnique ne s’arrête pas là. Elle appelle à une transformation intime et intérieure, une élaboration spirituelle faite de don, de pardon, de fraternité. Cet équilibre subtil entre justice et amour, rigueur et compassion, révèle l’émergence d’une véritable « humanitude » initiatique.

« Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux. »

Marcel Proust (La Prisonnière)

IV. Le Rite Écossais Rectifié et la Ressemblance Divine : Une pédagogie de l’Humanitude

Dürer Melancholia I

Le Rite Écossais Rectifié enseigne explicitement que l’homme doit recouvrer les « vestiges de son ancienne grandeur ». Ce retour à la ressemblance divine passe nécessairement par l’humilité, la vertu et le pardon. Le chapitre VI de l’Abrégé de la Règle Maçonnique précise à ce propos :

« Sois affable et officieux. Excite dans tous les cœurs le feu de la Vérité, partage la félicité de ton prochain, et que jamais l’envie ne trouble cette jouissance pure. Pardonne à ton ennemi ; ne te venge de lui que par des bienfaits. Remplis ainsi un des préceptes les plus sublimes de la religion, et tu recouvreras les vestiges de ton ancienne grandeur. »

De même, l’instruction morale du grade de Maître Franc-maçon rappelle que les passions dominantes — l’envie, l’avarice, et surtout l’orgueil — détruisent toute possibilité d’évolution intérieure et sociale. Ces trois « coups mortels » doivent être vaincus pour renaître véritablement, confirmant ainsi la démarche profonde et salvatrice de l’humanitude.

« La suprême sagesse, c’est d’avoir des rêves assez grands pour ne pas les perdre de vue pendant qu’on les poursuit. »

William Faulkner
Kofi Annan

V. Vers une Humanité Réconciliée : l’Humanitude comme horizon spirituel et moral

L’humanitude, bien plus qu’un simple concept philosophique, devient un horizon concret de transformation intérieure et sociale. Elle n’efface pas l’humanisme classique, mais l’élargit pour y intégrer la vulnérabilité, l’interdépendance, l’amour désintéressé. De la simple affirmation de l’homme pensant, elle nous invite à devenir des hommes aimants et reliés. Aujourd’hui, ce n’est pas l’intelligence qui nous fait défaut : c’est la sagesse d’être ensemble, en paix et en harmonie.

« La seule voie qui offre quelque espoir d’un avenir meilleur pour toute l’humanité est celle de la coopération et du partenariat. »

Kofi Annan (Discours du prix Nobel)

Conclusion : L’Apprenti du XXIe siècle, vers une civilisation d’humanitude

Le véritable initié du XXIe siècle est peut-être celui qui, au cœur d’un monde dominé par la violence et l’hypercontrôle, ose devenir à nouveau apprenti de la relation authentique, de l’écoute sincère et de l’empathie profonde. Passer de l’humanisme à l’humanitude exige une véritable ascèse : non pas seulement l’ascèse du savoir, mais surtout celle de l’être et du cœur.

La voie initiatique maçonnique, dans sa sagesse séculaire, nous prépare à cette transformation, nous invitant à descendre en nous-mêmes afin de mieux nous ouvrir aux autres et au monde. C’est par cette transformation intérieure qu’il devient possible de semer les germes d’une véritable civilisation de lumière partagée.

« Le véritable homme sage est celui qui ne cesse jamais d’être un apprenti. »

Confucius

Ainsi, de l’humanisme classique à l’humanitude relationnelle et spirituelle, la Franc-Maçonnerie propose à l’initié un cheminement intérieur qui répond pleinement aux enjeux spirituels et moraux du XXIe siècle.

4 Commentaires

  1. Cet article est sublime: Je le trouve entièrement à part car il définit , décrit relativement bien ce que je recherche et poursuis en Franc maçonnerie. Il me relie très exactement à ma démarche initiatique. Mon adhésion est ainsi totale.

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Olivier de Lespinats
Olivier de Lespinats
Olivier de Lespinats est né en 1961 au sein d’une vieille famille de la noblesse poitevine. Famille dont ses ancêtres ont été Francs-Maçons dès 1738, au sein de la loge « l’Intimité » à l’Orient de Niort. Après des études supérieures d’ingénieur et d’officier, il est devenu expert en ingénierie financière publique, chargé de Travaux Pratiques universitaire et directeur de nombreuses sociétés de conseils et de services auprès du secteur public en France et à l’International. Initié en 1991 à la GLNF au sein de la Respectable Loge « La Clé de Voûte » à l’Orient de Coulommiers, il deviendra en 2000 Vénérable Maître de la Respectable Loge « Saint-Fursy » à l’Orient de Lagny. Désireux de rejoindre une obédience mixte, il démissionnera de la GLNF en 2011 pour rejoindre la GLCS dans un premier temps avec la création d’une loge à Nantes, puis en 2017 la Grande Loge Mixte Nationale avec la création d’une loge à Saintes en 2023. En 2019, à la demande du Passé Grand Maître et du Conseil Fédéral, il deviendra le 4ème Grand Maître de la GLMN pour un mandat de 3 ans. Parallèlement à son parcours en loges bleues, il poursuivra l’enseignement maçonnique pour atteindre le 33ème degré du REAA et celui de CBCS au RER. Reconnu pour son expertise en symbolique ésotérique, il a créé en mars 2020 au sein de la GLMN une newsletter « l’Epi de blé » présentant de nombreuses planches sur la tradition de l’art royal et la vie de l’obédience. En parallèle, il vient d’acquérir et poursuivra, sous une forme moderne, l’ancienne revue « Le Symbolisme ».

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