lun 31 mars 2025 - 04:03

La quête de l’Ibis vert : L’intuition et le fol qui s’y fie

« Avant [l’aven • t] » est une intuition. Et si l’intuition peut être perçue comme le bruit d’un songe dans les feuilles de l’Arbre de la Vie, pour qu’elle féconde notre matérialité révélée il conviendrait peut-être, de lui appliquer une géométrie, même poétique, normée afin de ne pas emmêler [l’indivis • duel] fil d’Ariane qu’elle nous propose.

L’imaginaire symbolique proposé par la Roue du Tarot pourrait-il nous guider dans notre labyrinthe initiatique en nous permettant d’échapper au Minotaure? Et si nous devions malgré Tout l’affronter, ce planisphère peut-il nous tracer un Chemin à l’arcanne1 nous permettant de nous relever aussi radieux que jamais de ce combat transmutant nos regards de cyclopes ? En désignant les arcanes comme autant de portes, ou points de fuites, le Cercle du Tarot ne donne t-il pas [ vit ] à la perspective en [deux • venant] sphère ?

C’est en expérimentant la « Voie Γ » (gamma), Equerre, Compas et Cordeau en main que s’ouvre le Chemin menant de nos yeux à notre regard tridimensionnel. Les yeux du cyclope se découvrent ainsi en trois regards qui ne font qu’un : un regard pour le Corps, un regard pour l’Esprit, un regard pour l’Âme. Par l’arcanne traçons les Chemins qui nous mènent au cœur du labyrinthe par les portails des arcanes, au cœur de la Voie Royale. 

C’est parce que l’intuition est surhumaine qu’il faut la croire, c’est parce qu’elle est mystérieuse qu’il faut l’écouter, c’est parce qu’elle semble obscure qu’elle est lumineuse.

Victor Hugo

Lorsque l’intuition murmure la Structure

Sortons donc des [Voix • es] qui nous sont tracées en empruntant les Chemins qui nous mènent au cœur du labyrinthe de la Voie Royale par les « portails-arcanes » de la Roue du Tarot. Au cœur de l’ambition du Chemin Initiatique, emprunté ici en homme ou femme d’abord puis en Franc-maçon ensuite, l’espoir naît à chaque instant de se découvrir un peu plus humain. Ce Chemin ordonne une trajectoire qui transmute la verticalité sublimée du Chaos de la Chute en Beauté de [l’En • vol] dans la Quintessence de [l’Être • en • G] circumambulant vers son Centre et son Ωdyssée en Ter [Un • connu].

Une des vertus du Chemin Initiatique est de se donner les outils et instruments d’architecture nous permettant de repenser et reconstruire notre relation au Monde, puis de renaître en humain affranchi au fur et à mesure des rencontres avec les étapes de l’Œuvre ; c’est redevenir acteur et auteur de sa propre vie en chevauchant la Salamandre au cœur de l’athanor

Au clair de la lune…
©Stefan von Nemau

L’Étoile Flamboyante n’est qu’une étape vers notre Centre rayonnant et nous ne percevons qu’une infime partie de sa Lumière. Cette Étoile nous nous devons de l’incorporer en la traversant. Cette intuition est une vision du vertige de l’espoir d’être au monde. Ainsi se dévoile ce que nous nommons pudiquement en société « une intuition » et que j’appelle « les [Voix • es] silencieuses » ou bien encore « les murmures d’Aur des [six • lances] ». Elles sont à la croisée des Chemins du Savoir, de l’Expérience, de la Connaissance, de l’intelligence de la naïveté enfantine, de la foi du mystique, de l’Amour avec un A majuscule. Ce sont les seuls remparts numineux contre l’ombre de [l’âme • hors]… irrationnelles nous dit-on… et pourtant…

A chacun sa chute : élever des Temples à la vertu est un Chemin adogmatique

Il faut rendre grâce à ce Chemin Initiatique. Celui qui révèle l’Être en le transmutant. Celui qui, arpenté avec régularité, sincérité, engagement et Amour pénètre l’âme et ravive la Salamandre et son feu secret et sacré… ce feu qui libère la Licorne et fait pleurer les Lions.

Boire à la Source
Aquarelle – 30 x 40 cm
©Stefan von Nemau

Il faut rendre Lumière à notre intuition qui ne nous quitte jamais même si nous lui tournons parfois le dos par excès de doute, de rationalité, de résistance au lâcher-prise. Certains pratiquent la voie « soufreuse » et sèche de l’intellect, mais certaines intelligences revêtent d’autres tessitures, plus humides, plus « mercuriennes ».  Entre l’expire de la chute et l’inspire de l’envol il y a le « sel » alchimique du kaïros exquis. « L’Instant décisif »2 du souffle court de l’apnée, à l’hypogée et l’apogée de la sinusoïde, aux deux extrêmes asiles du Mystère, dans ce temple élevés à [l’Un • fini] sur l’Infini. Si au cœur de la Voie Initiatique tout n’a pas à être systématiquement montré, démontré, disséqué ou démonté, tous les Chemins méritent d’être explorés et doivent être vécus. La Voie Initiatique ignitiée est une voie d’ascèse, d’expérimentations, d’ensemencements, de récoltes, d’associations d’éléments et d’épreuves. Ainsi l’Initié Ignitié brûle en Artiste de sa Voie Royale. Il ne se consume pas en simple horloger ou en médecin légiste. Par la Transmission il sème les graines de la Connaissance qu’il a récolté même si il sait qu’il n’en Connaîtra peut-être jamais les fruits. 

L’Initié sait qu’il est en ignition lorsqu’il reconnait la Voie Royale comme unique à chacun mais commune à tous et toutes, lorsqu’il laisse à l’autre la liberté suprême du choix de son Chemin. Peut-être est-ce là un de ses secrets : ne pas s’encombrer de savoirs inutiles mais plutôt embrasser sans étreindre pour Connaître en s’embrasant. En cet Asile où le [myste • erre] il en est de même qu’en photographie : trop de lumières nuit à La Lumière, l’aspiration à l’Humilité doit toujours être la Règle.

Le sage se réfugie dans les livres des Anciens et n’y apprend que de froides abstractions ; le fou, en abordant les réalités et les périls, acquiert, à mon avis, le vrai bon sens.

Erasme – Eloge de la folie

Le Tarot : un roman graphique initiatique

Si la Franc-maçonnerie apprend a bâtir des Temples dans lesquels ont fini bien par entrer sans pouvoir revenir sur ses pas, c’est qu’elle apprend forcément à construire des portes pour en sortir n’est-ce pas ? Par l’exploration des impasses du labyrinthe se réveillent des portails de transmutation endormis. Mon intuition les nomme arcanes. Elle en dénombre 21 majeures. Elles sont des passages situés au bout de ces impasses du labyrinthe et si [les uns • passent] les autres restent. 

Dans l’ombre de la Salamandre :
la roue du Tarot
Encre et collage sur papier
40 x 40 cm
©Stefan von Nemau

On peut percevoir le versant symbolique du Tarot comme un roman graphique, une chanson de geste de l’initié, gravée pour le guider et enluminer son Chemin. Mais cette perception se vérifie t’elle ou bien est-ce une énième élucubration d’un imaginaire foisonnant ?

On part toujours de quelque part, et malgré nos écrans de fumée on raconte toujours d’où l’on vient à qui sait écouter le bruissement des feuilles. Aussi… quoi de mieux pour cet hommage au « tricycle bleu » paré de noir, de blanc et de rouge de notre Voie Initiatique que d’explorer la roue du Tarot en suivant le fil d’Ariane du labyrinthe ?

La difficulté avec l’intuition c’est qu’il faut la discriminer de l’instinct du corps, des biais cognitifs de l’esprit et des grandes marées de l’âme. L’intuition c’est la rosée du [mat • teint d’i • ode] remontant le long du fil à plomb, distillé par [l’hume • us] lorsque le Nadir flamboie son désir d’Étoile.

L’intuition est une révélation silencieuse du réel avant son avènement, une abstraction qui s’incorpore, une [fulgur • anse] venue d’un autre espaces-temps.
Une intuition c’est l’incursion brève d’une onde quantique dans la réalité physique. C’est ainsi que nos atomes entrent en résonance et modifient « le [cha • nt • mp] du réel des labours de la matière noire».
Une intuition, c’est une brève ouverture du rideau nous séparant du Débir en nous laissant un bref instant entr’apercevoir l’éclat de l’ombre numineuse de la Lumière sacrée.
Une intuition, c’est la perception fragile d’un rayon de matière noire reçu directement du [soufre-soleil] sans passer par le reflet de la [mercure-lune].
Une intuition, c’est [l’𝛼 de l’Ωau de l’Un], une eau pure d’une réalité encore inaccomplie.
Une intuition, c’est une énigme, un [met • sage] venu de [l’Eau • de • Là], transmit par un [porte • heure], un messager. 

Et aujourd’hui, le héraut et héros de cette quête initiatique est [perd • su] comme un fou cherchant à retrouver la majuscule accrochée à son mat. Depuis la nuit du temps il est le nautonier des Sages. 

La roue du Tarot (Détail) – Encre et collage sur papier – 40 x 40 cm – ©Stefan von Nemau

L’initié en quête d’ignition: un fou pas comme les autres

Le Fou est le médium de cette histoire. Si il n’a pas de nombre et qu’il porte deux noms, le Fou et le Mat, c’est qu’il est double, volatile, infixable, oscillant entre Centre et Circonférence du Cercle, le dedans et le dehors, messager comme Hermès, autrement nommé Thot dieu à tête d’Ibis, ou en Franc-maçonnerie le Maître des Cérémonies 3. Par [méta • fore] le Mat serait la manifestation du gnomon au centre du [quadrant sol • air] 4. En passeur il forme l’équerre avec la nef sur laquelle il voyage au gré des vents porteurs de sa manifestation. Le fou, le Fou et le Mat sont donc indissociables et en ternaire ils voyagent dans leurs propres réalités que nous qualifierions aujourd’hui de quantique. Ils sont Un et Tout. Ils sont le nautonier, le voyageur et la nef de cette aventure. Ils sont une tension, une dynamique, une direction et une origine. Leur Chemin de transmutation pourrait être « ordo ab chao ».

L’insensé voyage toute sa vie sans savoir ni où il va, ni d’où il vient, ni ce qu’il doit faire. Mais le Sage se rend compte de tous ses pas parce qu’il en connaît l’importance et le but 

selon le Régime Ecossais Rectifié

Si le Sage initiatique se distingue du sage [prête • en • cieux], le Fou initiatique se distingue du fou inconscient de lui-même en ceci : ce sont ses actes qui lui apprennent ce qu’il cherche, ce sont ses pas qui le transmutent en Mat et le ramènent au centre de sa nef à l’abris du chant des sirènes en faisant le choix de l’Instant Présent, délaissant le Chronos pour s’épanouir dans le Kaïros au cœur de cet Aiôn dont il n’a ni la mesure ni la maîtrise. Le gnomon ne décide pas de la hauteur du soleil. Si le fou reste enfermé dans sa [transe • en • danse] envoûté par le chant des sirènes, le Fou par son attachement au Mat choisit la Transcendance.

Le fou est celui qui perd son chemin sans pouvoir le retrouver

G.K Chesterton

Ainsi le fou reste soumis à son intuition, à son imaginaire, quand le Fou les transcende. L’intuition c’est un peu comme le reflet du soleil sur les poissons vus de la berge ou de la barque : de simples reflets lumineux, parfois trompeurs. Les poissons sont très difficiles à attraper tant ils sont glissants et leurs reflets éphémères. Peut-être qu’en les suivant au cœur du miroir, au fond des abysses, ils montreraient au fou les racines d’un Narcisse victorieux, ce Fou en [mat • gesté] en majuscule .
Ces poissons, on peut toujours les pêcher avec un filet, avec une ligne lestée de plomb ou bien encore à la grenade juchés sur nos colonnes… Mais… au final… l’aventure, est-elle de se trouver ou de se retrouver ? Et qui du pêcheur ou du poisson tient l’autre ?

Parfois, assis au bord du fleuve, par grand vent, on peut observer l’écume de la surface des vagues remonter vers la source du fleuve. En observant plus attentivement, dans les profondeurs et au delà des apparences, peu importe la force du vent semblant repousser la surface de l’eau du fleuve vers sa source, son cours le dirigera toujours vers [l’âme • erre] dans le creux d’un lit toujours unique. C’est toujours pendant un changement d’état que la goutte d’eau reprend sa Source.

Ainsi, il se pourrait que savoir d’où l’on vient ou vers où nous allons ne soit peut-être pas si capital que cela. L’immanence de l’instant présent seule compte. A nous de rendre chaque instant décisif en nous transcendant pour [perce • voir] d’autres tessitures.

Le But n’est pas le but, le But est le Chemin

Lao Tseu
La quête de l’Ibis vert – Encres et aquarelles sur carnet Moleskine – 30 x 40 cm – Travail en cours – ©Stefan von Nemau

Prochain épisode : Du Bateleur à l’empereur, une marche en 3 pas (à suivre…)

Episode précédent : La quête de l’Ibis vert : Avant [l’Aven • t]

  1. Arcanne : l’arcanne est le nom désignant la craie rouge du charpentier ↩︎
  2. Instant décisif : Le photographe français Henri Cartier-Bresson (1908-2004) est l’un des grands artistes du XXe siècle. Il est l’inventeur d’un style -« l’instant décisif » -, mélange de vie débordante et de géométrie maîtrisée. Pour en savoir plus, rendez-vous directement sur le site de la fondation Henri Cartier Bresson ou en écoutant l’émission « Henri Cartier Bresson et la révolution de l’instant décisif » diffusée sur France Culture, le 26 juillet 2021 – Durée : 59 minutes ↩︎
  3. Ne pouvant faire de généralité tant nos Rites et Rituels sont foisonnants, je me base ici sur mon expérience du Rite Ecossais Ancien et Accepté, du Rite Opératif de Salomon, du Rite ancien et Primitif de Memphis Misraïm, du Rite Ecossais Rectifié et du Rite Ecossais Primitif  ↩︎
  4. Quadrant : en mathématique et géométrie, un quadrant est un quart de cercle, de plan, limité par deux demi-droites perpendiculaires ; dans la Bible c’est un quart de sou romain (Matthieu 5-26) ↩︎

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Stéphane Chauvet
Stéphane Chauvethttps://lesyeuxducyclope.fr/
« Ma quête artistique est une pratique spirituelle et une spiritualité en pratique. Le Symbole est son langage. » C'est ainsi que Stéphane Chauvet définit en deux phrases son travail initiatique et artistique. Il métabolise et fixe sa pensée par le tracé et l'image, son « labor », avant de lui souffler vie dans « l'oratoire ». Il est titulaire d'un Master 2 de photographie plasticienne délivré par l'Ecole Nationale Supérieure de la Photographie d'Arles. Il signe ses œuvres graphiques du nom de son alter-égo rencontré sur le Chemin : Stefan von Nemau. Son travail artistique est présenté sur son site internet www.lesyeuxducyclope.fr

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