Le « médiateur »
Selon les doctrines traditionnelles, l’Homme est un être qui occupe une situation spéciale et même privilégiée dans notre Univers. Ce privilège vient du fait qu’il est situé entre le Ciel et la Terre, entre le Bien et le Mal, entre l’Esprit et la matière, entre l’Ange et la Bête. De fait, l’Homme se trouve au centre de plusieurs pôles opposés qu’il doit chercher à équilibrer et à unifier en lui-même. Le « rôle » et la « mission » de l’Homme sur Terre est de trouver (ou de tenter de trouver) un équilibre entre ces pôles et ces forces contraires.
Hermès, le « médiateur ».
Situé entre le Ciel et la Terre, l’être humain occupe une position centrale dans la création et il est le point de jonction de forces qui, à son niveau, paraissent antagoniques. Je dis bien « à son niveau », car dans l’absolu ces forces se résolvent dans l’unité. Trouver un équilibre entre le Ciel et la Terre, le Mal et le Bien, l’Esprit et la matière, cela revient aussi à dire que l’Homme doit trouver le moyen de faire descendre l’Esprit dans la matière et aussi de faire monter la matière vers l’Esprit. Son « travail » sur la Terre est de spiritualiser la Matière ou de matérialiser l’Esprit. De ce point de vue, l’Homme a un rôle tout à fait particulier à jouer dans la Création. Il est l’intermédiaire ou le « médiateur », entre le Ciel et le Terre, entre l’Esprit et la matière. Vu sous cet angle, l’Homme est très proche du dieu grec Hermès, le messager des dieux et le guide des âmes après la mort. Hermès porteur du caducée est lui aussi situé entre le Ciel et la Terre. Il occupe donc une position centrale et médiane. Hermès est un principe de transition entre deux mondes.

Ci-dessus : A gauche, Mercure (Hermès) créant le caducée par le sculpteur Henri Chapu (musée d’Orsay à Paris). Le caducée est un bâton (ou une baguette) autour duquel s’enroulent deux serpents. C’est l’un des attributs d’Hermès, Fils de Zeus et de la nymphe Maia. Hermès serait né en Arcadie. Un jour, Hermès voulut séparer deux serpents en lutte (symbole du chaos et de l’indifférencié), mais ceux-ci s’enroulèrent autour de la baguette en or et formèrent le caducée (symbole de l’harmonie et de la maîtrise). A droite, une gravure de Stolcius von Stolzenberg tirée de son traité alchimique, « Viridarium chymicum » (Francfort, 1624). Nous voyons Hermès Trismégiste (« le trois fois grand ») tenant une sphère armillaire dans la main droite et montrant du doigt le Soleil et la Lune (symboles alchimiques de la polarité) environnés de flammes.
Hermès est un dieu civilisateur qui enseigne aux humains les bases des sciences et des arts. Il aide les trois Parques à composer l’alphabet. Il invente l’échelle musicale, la lyre à sept cordes, la musique et la danse. Il fonde aussi l’astronomie, les poids et les mesures. Il est le maître de la rapidité et de la précision du geste, et en raison de cette faculté, il est considéré comme le maître de l’artisanat. Il trace les routes et les chemins, et il invente les tas de pierres qui balisent les voies de communications (l’herma est un tas de cailloux disposé à intervalles réguliers et assurant la fonction d’indicateur des routes et des frontières).
Hermès est un dieu à caractères multiples. Il est le dieu protecteur des bergers, et c’est la raison pour laquelle il est fréquemment présenté en criophore (« porteur de bélier »), c’est-à-dire portant un agneau sur ses épaules. Plus tard, l’Hermès criophore sera assimilé au Christ, le Bon Berger, celui qui rassemble le « troupeau », qui guide, qui recherche les hommes égarés, et qui donne sa vie pour les autres. Hermès est le dieu protecteur des voyageurs, des navigateurs, des commerçants. Il est celui des échanges et du contrat, mais il est aussi le dieu des voleurs, de la ruse et de la tromperie. Il est un brouilleur de piste et un brigand. Il est donc à la fois organisateur et désorganisateur de la structure sociale. Hermès est le conducteur des âmes aux Enfers (Hadès) et le messager des dieux. Hermès est donc un dieu psychopompe, un « guide des âmes », et à ce titre il est le conducteur des âmes des morts vers l’au-delà (guide ou passeur).
Ces deux fonctions de messager des Dieux et de psychopompe pourraient, astrologiquement, être rapportées respectivement à un aspect diurne et à un aspect nocturne. On peut aussi y trouver la correspondance des deux courants descendant et ascendant que symbolisent les deux serpents du caducée. Ses fonctions de passeur et de messager font d’Hermès un médiateur, nous dirions aujourd’hui un « relais », entre le monde des hommes et celui des dieux. C’est Hermès qui donna le don de parole à Pandore (« tous les dons ») la première femme (L’Eve biblique). Situé dans le monde intermédiaire, Hermès assume la fonction de relier (unir, harmoniser) la Terre au Ciel, d’unifier la matière et l’Esprit. Son métal et sa planète sont Mercure. Unifiant les « trois mondes », la Terre, le Ciel, et les mondes intermédiaires, Hermès est aussi appelé le Trismégiste, ou « trois fois grand ». Hermès Trismégiste serait l’auteur de la fameuse Table d’Emeraude qui expose l’analogie entre le microcosme humain et le macrocosme cosmique, livrant ainsi le secret qui permet d’unir le Ciel et la Terre.

Ci-dessus : L’être humain est situé entre le Ciel (actif, masculin), symbolisé par un cercle (perfection, dynamisme, Esprit), et la Terre (passive, féminin) symbolisée par le carré (stabilité, fondation, matière). Dans la Franc-Maçonnerie, il est dit que le Maître Maçon est situé entre le compas qui sert à tracer le cercle (Ciel), et l’équerre, qui sert à tracer le carré (Terre). L’Homme est entre le Haut et le Bas, entre la matière et Esprit, entre le subtil et l’épais (Alchimie). Il participe des deux niveaux de réalité et il forme en lui-même un troisième niveau où s’opère la jonction des deux niveaux opposés (Ciel et Terre). La jonction est symbolisée par la croix (+). La croix est le symbole de l’Homme Universel, à l’intérieur duquel s’effectuent les deux mouvements de descente de l’Eprit vers la Terre, et de montée de la Terre vers l’Esprit (les deux flèches en pointillés). Le Christ en croix est le symbole de l’Homme Universel qui incarne ces deux mouvements. En ce sens l’Homme est bien le médiateur entre le Ciel et la Terre. Un rapprochement doit être fait avec le Sceau de Salomon (étoile à six branches) qui représente l’Homme Universel. En effet, dans cette figure qui montre deux triangles qui s’entrecroisent avec un point central, le triangle droit du haut symbolise le Ciel (pointe en haut), et le triangle inversé du bas symbolise la Terre (pointe en bas). Le symbole du Mercure (Mercure alchimique et Philosophique et non pas métallique) marque bien le sens à donner au Sceau de Salomon : l’« Homme Mercuriel » est le Principe qui unit le Ciel et la Terre (illustration Daniel Robin).
Transmuter nos puissantes énergies psychiques.
L’homme actuel est un être inachevé. C’est l’« homme ancien », et son dernier avatar est l’« homme moderne », qui est un être sans avenir si nous considérons ses conditions de vie et ses préoccupations qui sont d’ordre strictement matérielles. L’ « homme moderne » est un prédateur qui ne vit que grâce au pillage sans frein de notre planète. L’ « homme moderne » est « endormi ». Il est prisonnier d’un état de somnolence dont il n’est pas conscient. Il vit comme dans un « rêve » éveillé. Il ne vit pas dans la « vraie réalité » qui est celle de la pleine conscience. Des études récentes sur le cerveau et la conscience ont montré qu’environ 95% de nos activités journalières sont entièrement gérées et pilotées par notre inconscient. C’est comme si nous avions confié nos existences à une sorte de « pilote automatique » qui s’occuperait de tout et programmerait nos actions sans que nous ayons le pouvoir de vraiment changer cet état de fait. Notre vie ressemble à une « illusion », à une sorte de « mauvais film », dont nous ne voyons pas très bien comment nous pouvons en sortir. Nous évoluons dans un état intermédiaire qui est situé entre les contraintes du corps et les aspirations de l’Esprit. Nous oscillons sans point de repère fixe entre ces deux pôles. Nous sommes comme des feuilles portées par le « vent » de nos désirs, de nos frustrations, de nos émotions, et de nos réactions incontrôlées.
L’état intermédiaire qui caractérise les conditions d’existence de l’être humain est celui du monde psychique (l’âme, plan médian, Mercure) où les émotions jouent un rôle prépondérant. L’âme se déploie entre les exigences du corps et ses aspirations spirituelles. L’âme psychique (plan médian) est le domaine par excellence de la dualité. Constamment au prise avec des émotions contradictoires qu’il ne maîtrise pas, l’homme est un être tourmenté, ballotté par les courants sans cesse changeant des forces psychiques. Mais les émotions ne sont pas en elles-mêmes négatives, c’est simplement le fait que nous ne les maîtrisons pas qui est la source de beaucoup de nos problèmes. Les forces psychiques sont des énergies très puissantes. Chez un homme ordinaire, ces énergies sont gaspillées et dispersées en pure perte dans des conflits interminables avec ses semblables ou dans des fixations mentales qu’il alimente sans cesse et qui ne trouvent jamais de solution. C’est le lot de presque tous les hommes sur cette planète.
Le but du Grand Œuvre alchimique interne est de transmuter ces puissantes énergies psychiques en une force nouvelle pacifiée, débarrassée de ses mouvements contradictoire, et capable de nous régénérer complètement. Les énergies psychiques brutes ne sont ni bonnes, ni mauvaises. Elles sont comme la puissance de l’énergie atomique dans la nature. Avec cette énergie naturelle qui gît au cœur du noyau atomique, nous pouvons faire des bombes qui sont capables de détruire toute vie sur notre planète ou des instruments médicaux qui soignent le cancer. Avec les énergies psychiques c’est la même chose. Nous pouvons nous annihiler ou nous régénérer. Notre tâche est justement de trouver le moyen de dompter ses forces et de les utiliser pour accéder à un état d’existence supérieur. Comme l’enseigne le Vajrayana par exemple (« véhicule de diamant »), le « travail » se concentre sur l’utilisation du potentiel des émotions humaines. Dans cette pratique alchimique, les émotions sont des qualités de la Nature de Bouddha qu’il est possible de purifier et de transformer en sagesse par divers « moyens habiles ». C’est une Voie de réalisation spirituelle qui transforme les poisons (émotions négatives) en remèdes et catalyseurs (émotions positives). Il s’agit donc d’opérer un « retournement » au niveau de la réalité psychique subtile de l’être humain qui fait basculer cette réalité du pôle négatif au pôle positif. Le principe de cette Alchimie est de transmuter les perceptions impures en visions pures.
Bien qu’occupant une situation centrale, et toutes les traditions spirituelles reconnaissent que c’est une position privilégiée, l’Homme n’en est pas moins aussi dans une situation compliquée et même délicate à bien des égards. Je le reconnais volontiers, la vie humaine est une source presque intarissable de problèmes et de désagréments. Elle est semée de nombreuses épreuves et souffrances que nous avons cependant la capacité de résoudre en raison de notre statut particulier. Je peux même dire que si l’Homme n’avait pas ce statut et ce pouvoir de résolution, les difficultés inhérentes à sa condition ne lui auraient pas été imposées.
Nous possédons toutes les ressources intérieures nécessaires pour faire face aux difficultés qui se présentent à nous. Ce dont il faut bien prendre conscience c’est que toutes les difficultés propres à la condition humaine proviennent du fait que l’être humain occupe une situation intermédiaire et relative. Il est situé entre deux absolus : l’absolu du Ciel et l’absolu de la Terre. La Terre est un absolu matériel et le Ciel un absolu spirituel. En ce sens, la Terre est comme le reflet inversé du Ciel. La Terre est le reflet de l’absolu du Ciel. La Terre c’est la Terre, le Ciel c’est le Ciel, mais l’Homme est à la fois Terre et Ciel, matière et Esprit, épais et subtil. Il est donc facile de comprendre combien notre condition d’Homme exige de nous de grands efforts pour concilier et harmoniser deux pôles qui semblent opposés, mais qui dans le fond ne forment qu’un Tout. C’est notre tâche sur la terre que de trouver la Voie qui mène à la réconciliation et à la fusion de ces deux pôles.
« Lieu » où se déroulent des combats psychiques puissants et incessants, l’« espace humain » est aussi un « lieu » d’échanges et de circulations d’énergies entre des pôles contraires qui ne sont pas systématiquement en lutte. En lui, toutes les énergies de l’Univers sont en quelque sorte « convoquées ». En lui, ces forces peuvent certes s’y rencontrer, s’y confronter, s’y opposer, mais elles peuvent aussi s’y combiner, s’y compléter, et même s’y harmoniser. De ce point de vue, l’Homme est un véritable « creuset », une sorte de « four cosmique » (un athanor) dans lequel peut s’opérer de puissantes et magnifiques transmutations. C’est en nous que doit se réaliser le Grand Œuvre alchimique qui nous ouvrira la voie vers l’Homme Nouveau. Nous pouvons même dire que sans l’Homme, tout ce « travail » de transmutation des énergies ne pourrait pas se faire. Sans lui, la rencontre des pôles serait impossible sur notre planète. L’Homme est le « lieu » privilégié et la condition de cette rencontre des pôles, car il a un rôle essentiel de médiateur dans ce monde. Il doit assumer ce statut et en tirer toutes les conséquences. Grâce à lui, le Ciel est relié à la Terre et la Terre est reliée au Ciel. En lui, se réalise la « Grande Conjonction ». C’est pour cette raison que la condition humaine est à la fois douloureuse, mais aussi « héroïque ». Dans l’Homme doit en effet s’opérer la « Grande Réconciliation », l’union parfaite entre le Ciel et la Terre qui est la promesse de l’accession à une existence lumineuse et glorieuse. L’existence humaine est donc une condition privilégiée qui offre des possibilités extraordinaires pour ceux qui veulent suivrent la Voie de la réalisation spirituelle, la Voie de l’Alchimie interne.
« Petits Mystères » et « Grands Mystères ».
Dans le domaine initiatique, il faut distinguer deux types généraux d’initiation : l’initiation aux « Petits Mystères » ou « Initiation Royale » (alchimique et hermétique), et l’initiation aux « Grands Mystères » ou « Initiation Sacerdotale ». Ces deux types généraux ne sont pas des initiations différentes, mais les deux stades ou les deux degrés principaux d’un même processus initiatique global. Les « Petits Mystères » comprennent tout ce qui se rapporte au développement des possibilités de l’état humain envisagé dans son intégralité. Ils aboutissent à la perfection de l’état humain, c’est-à-dire à ce qui est désigné traditionnellement comme la restauration de l’Etat Primordial ou Edénique (Adam au Paradis). Les « Grands Mystères » concernent proprement la réalisation des états supra-humains. Prenant l’être au point où l’ont laissé les « Petits Mystères », et qui est le centre du domaine de l’individualité humaine, les « Grands Mystères » le conduisent au-delà de ce domaine, et à travers les états supra-individuels, mais encore conditionnés, jusqu’à l’état inconditionné qui est le seul et véritable but et qui est désigné comme la Délivrance finale ou comme l’ « Identité Suprême ». Si nous rapportons cette distinction à ce qui a été dit précédemment sur l’union du Ciel et de la Terre dans l’Homme, il apparaît que la réalisation de cette unité Ciel-Terre qui s’opère dans une individualité humaine correspond aux « Petits Mystères ». Après être parvenu au point central de l’état humain qui est l’unité dans l’Homme, le processus initiatique se poursuit en suivant l’axe vertical qui s’élève à partir de ce point vers des états supra-humains.
Nous pouvons alors mieux comprendre la profonde symbolique du caducée. Le caducée se rapporte directement à ce que j’appelle l’Alchimie humaine intérieure, celle qui prend pour matière première l’être humain et qui concerne les possibilités de l’état subtil (l’âme intermédiaire). Attribut d’Hermès, il symbolise le processus alchimique intérieur et la maîtrise des énergies descendantes et montantes. D’un certain point de vue, il représente cette tentative héroïque d’unir deux forces opposées représentées par les deux serpents autour d’un axe central directeur. Le caducée montre comment circulent les énergies à l’intérieur de l’« espace humain » (corps, âme, Esprit). Il est en quelque sorte le schéma simplifié de cette circulation qui s’effectuent dans les çakras et dans les trois principaux canaux subtils (les trois nadis : Sushumna, Pingala, Ida).
Le caducée est aussi le symbole de la réussite de cette « Grande Conjonction » et de cette « Grande Réconciliation » dans le creuset humain. Il montre que les énergies contraires sont enfin maîtrisées, harmonisées, et même utilisées dans le but d’accomplir une tâche plus élevée, digne de son statut. L’Homme/Hermès porteur du caducée a pour vocation de réaliser en lui cette symbiose parfaite entre toutes les énergies. Mais le problème est que cette « concorde » énergétique ne se fait pas d’emblée. Elle n’est pas réalisée dès que nous naissons. Pour la grande majorité des êtres humains, elle est le résultat d’un long et difficile travail sur soi (Alchimie humaine intérieure) qui peut durer toute une vie, et même le plus souvent s’étale sur plusieurs vies successives.

Ci-dessus : A gauche, les sept çakras avec la position des trois nadis : Sushumna au centre, Pingala et Ida. A droite, le caducée symbole alchimique d’Hermès, le Mercure des philosophes. La correspondance frappante entre la représentation des trois nadis et le caducée montre à l’évidence que l’Alchimie est spirituelle et qu’elle décrit une expérience intérieure.
L’homme est un « médium » et un « pont ».
Selon la Tradition, j’entends la Tradition Primordiale à partir de laquelle sont issues toutes les autres Traditions particulières qui ne sont que des adaptations ce celle-ci dans l’espace et dans le temps, l’Homme occupe une place intermédiaire entre le Ciel et la Terre. La jonction, la conjonction, et la réconciliation entre le Ciel et la Terre doit s’opérer en lui. J’ajoutons même que cette jonction ou conjonction de sa nature céleste et de sa nature terrestre ne peut se réaliser que dans l’incarnation humaine. C’est sur Terre et dans la condition humaine que doit s’effectuer la réconciliation du Ciel et de la Terre. C’est l’une des caractéristiques de la condition humaine et la raison finale de son incarnation.
Symboliquement, le Ciel est « circulaire » (sphérique) et représente l’Esprit (infini), la Terre est « carrée » (cubique) et représente la matière (le monde fini). De ce point de vue, nous pouvons dire que l’Homme est situé entre les forces d’en haut (célestes) et les forces d’en bas (terrestres). L’Homme doit s’efforcer d’opérer la jonction, en son centre, des forces célestes et des forces terrestres. Pour utiliser un terme d’informatique, il doit « connecter » le haut et le bas et ouvrir son centre/cœur. S’il y parvient, il réalisera l’état d’Homme Parfait, il sera véritablement Homme (Homme Primordial ou Adam Kadmon dans la Kabbale).
L’une des caractéristiques de l’état humain est la verticalité. En effet, l’Homme est un être qui est vertical, extérieurement et intérieurement. Il est vertical extérieurement dans son corps qui est dressé verticalement par la colonne vertébrale. Il l’est intérieurement parce qu’il est lié au Ciel vers le Haut et lié à la Terre vers le Bas. Cette verticalité essentielle implique que l’Homme est traversé par un axe. C’est sur cet axe que doit s’opérer la jonction du Ciel et de la Terre. La « connexion » entre le Haut et le Bas ne peut s’effectuer que lorsque est réalisé un « alignement » parfait entre le corps (la matière), l’âme (l’énergie), et l’Esprit (conscience, Lumière, Vie, information). Cet alignement est à rapproché de la « rectitude » (caractère de ce qui est droit) et de la « rectification » qui se présentent sur le chemin initiatique. Pour réussir l’ouverture complète du centre/cœur, il importe avant tout d’« aligner » l’Esprit, l’âme (ou énergies psychiques) et le corps, sur un même axe.

Ci-dessus : Le fameux « homme de Vitruve ». Ce dessin réalisé à la plume, encre et lavis, est une étude des proportions du corps humain selon Vitruve réalisé par l’initié Léonard de Vinci vers 1492. Cette œuvre remarquable illustre parfaitement notre propos : l’homme est placé au centre, entre le carré (Terre) et le cercle (Ciel). Bras écarté et pieds presque joints, formant une croix, l’homme s’inscrit dans le carré terrestre. Bras élevés et jambes écartés, l’homme s’inscrit dans le cercle céleste. Le nombril correspond au centre de la figure siège de l’hara, centre spirituel de l’être humain. Entre le Ciel et la Terre, l’Homme est une Etoile à cinq branches (un pentagramme), et au centre de cette Etoile se trouve le mystérieux point « G » ou « l’œil qui voit tout ».

Ci-dessus : A gauche, l’Homme inscrit dans un pentagramme (une étoile à cinq branches), illustration de Henri Corneille Agrippa, tiré de son traité « De occulta philosophia ». A droite, l’Etoile Flamboyante à cinq branches des Francs-Maçons avec la lettre « G » au centre dont la signification reste à bien des égards mystérieuse. D’un point de vue général cette figure signifie que la réalité humaine est inscrite dans l’Etoile Flamboyante à cinq branches. Le chiffre 5 est comme le « sceau » qui marque le niveau humain. C’est une représentation symbolique de l’état humain. Dans certaine représentation de l’étoile flamboyante, la lettre « G » est remplacée par « l’œil qui voit tout ». La lettre « G » et « l’œil qui voit tout » spécifient en quelque sorte le centre de l’état humain, c’est-à-dire le « lieu » où s’effectue le passage vers les états supérieurs. Entre le Ciel et la Terre, entre le compas et l’équerre, l’Etoile Flamboyante figure l’Homme, assemblage d’un peu de « boue » (Terre) dans lequel a été insufflée une parcelle du souffle divin (Ciel). L’étoile permet le passage du carré au cercle, de l’équerre au compas. A noter aussi que le caractère flamboyant et rayonnant de l’étoile suggère un rapport étroit avec l’énergie, la chaleur et la lumière. La lumière est bien évidemment la Lumière spirituelle.
En tant qu’être intermédiaire, l’être humain doit unir le Ciel et la Terre, l’Esprit et la matière. L’homme est une sorte de « médium ». C’est lorsqu’il s’est imprégné de son statut particulier, et qu’il a bien intégré la raison pour laquelle il est incarné sur la Terre, que la « connexion » peut s’établir entre le Haut et le Bas. Dans un sens, l’Homme est un « Pont » entre l’Esprit et la matière, entre les énergies d’en Haut et celles d’en Bas, entre les potentialités inférieures de son être et ses possibilités supérieures. L’Homme n’existe que pour remplir et exercer cette fonction de « Pont ». L’homme est fondamentalement (dans son essence) un être religieux parce qu’il a la capacité de relier le Ciel et la Terre. Le mot religion vient d’ailleurs de « religare » qui signifie « relier ». La vraie religion de l’homme religieux est celle qui a pour tâche de relier le Ciel et la Terre. Lorsque l’Homme réalise sa double nature, c’est-à-dire lorsqu’il est pleinement conscient de cette double nature, qui est Matière et Esprit, la liaison peut alors se faire entre le Ciel et la Terre. L’Homme est à la fois un être matériel et un être spirituel. C’est sa condition sur Terre et il ne peut pas y échapper.
Nous sommes dans le monde manifesté et nous avons une forme corporelle. Cette forme corporelle n’est pas un obstacle ni une entrave. Elle est au contraire un outil formidable, un « levier », ou un véhicule très perfectionné dont les possibilités sont immenses et qui doit être utilisé au maximum de ses capacités. Nous devons assumer jusqu’au bout, jusqu’à la mort, cet état corporel et cette position relative dans le monde manifesté. Cette position relative peut certes paraître très inconfortable à première vue, mais elle représente en réalité une chance et un privilège immense, puisque nous avons une mission à remplir ici-bas qui est de la plus haute importance. La matière et notre condition corporelle ne doivent pas être considérées comme étant des obstacles à notre réalisation spirituelle, mais au contraire nous devons les voir comme des opportunités et des moyens pour nous élever et grandir.
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Les pointes de l’étoile sont aussi associées spécifiquement aux cinq blessures du Christ : ses deux mains, ses deux pieds perforés, plus la perforation de son côté par la lance du soldat (5). Ce concept se reflète dans une image du XVIe siècle créée par Valeriano Balzani (il fut secrétaire du cardinal Jules de Médicis, connu comme pape ClémentVII) dans son Hieroglyphica, sive, De sacris Aegyptiorvm literis commentarii (ce livre présente in fine un index étonnamment remarquable) : archive.org/details/desacrisaegyptio00vale/page/n705/mode/2up.
Mais que faut-il entendre par CIEL ? L’invisible? Dieu et lequel? Les énergies du cosmos? Une conscience universelle? Ce que ressent hémisphère droit du cerveau?
Comment comprendre le monde de l’Imaginal ? Un intermédiaire entre le monde des idées et le monde sensible, et pour être plus exact, il est ce qui rend possible le passage de l’un à l’autre ?