mar 17 septembre 2024 - 08:09

La carte postale ancienne (CPA) maçonnique du dimanche 4 août 2024

Cette ancienne carte postale présente une symbolique riche et intrigante, propre à susciter une réflexion profonde sur les thèmes de la connaissance, de la vigilance et de l’omniprésence.

À gauche de l’image, nous voyons un œil au centre d’un triangle rayonnant, émergeant des nuages, souvent interprété comme l’Œil de la Providence ou l’œil de Dieu, un symbole fréquemment utilisé dans les représentations maçonniques et mystiques. Les rayons dorés qui émanent du triangle suggèrent la lumière de la connaissance et de l’illumination qui se diffuse à travers le monde, perçant les ténèbres de l’ignorance.

Le triangle, quant à lui, peut représenter la trinité de la maçonnerie : sagesse, force et beauté, ou encore les trois degrés de l’art maçonnique. L’œil, placé au centre, symbolise la vigilance et l’omniscience, un rappel que rien n’échappe à l’œil divin, qu’il observe et guide toutes les actions humaines. Les nuages entourant ce symbole pourraient être interprétés comme les obstacles ou les mystères du monde matériel, que seule la connaissance éclairée peut dissiper.

L’Œil de la Providence : avis aux zozotéristes

Voici un passage que nous écrivons en pensant à notre ami Jean-Michel Mathonière, grand spécialiste du sujet (des zozotéristes, j’entends… et de tant d’autres !).

L’œil dans le triangle, souvent appelé “l’Œil de la Providence”, traverse les âges et les cultures, portant en lui une richesse symbolique qui dépasse les simples affiliations institutionnelles. En plongeant dans les méandres de l’histoire, on découvre que ce symbole trouve ses racines bien avant l’émergence de la franc-maçonnerie ou même son adoption explicite par l’Église catholique.

Dans les sables brûlants de l’Égypte ancienne, l’œil d’Horus s’élevait comme un phare de protection, de guérison et de régénération. Ce regard divin perçait les voiles de l’inconnu, offrant aux fidèles une assurance contre les maux et les dangers. Parallèlement, dans le panthéon grec, les dieux omniscients observaient le monde avec une vigilance qui évoquait déjà l’idée d’un regard céleste, tout-puissant et omniprésent.

Lorsque l’on parcourt les fresques et les vitraux des églises de la Renaissance, on rencontre l’œil de Dieu, niché dans un triangle rayonnant, symbole de la Sainte Trinité. Ce motif sacré, apparu au XVIIe siècle dans l’art chrétien, incarne la Trinité divine : le Père, le Fils et le Saint-Esprit. L’œil au centre, émanant sa lumière bienfaisante, rappelle aux fidèles la vigilance constante de Dieu, une présence rassurante qui observe et guide l’humanité.

Puis vint l’époque des Lumières et la naissance de la franc-maçonnerie au début du XVIIIe siècle. Les francs-maçons, dans leur quête de vérité et de sagesse, adoptèrent l’Œil de la Providence, en le chargeant d’une signification toute particulière. Pour eux, cet œil représentait le Grand Architecte de l’Univers (GADLU), une figure divine ou métaphorique qui symbolisait la vigilance suprême, la sagesse et la vérité. L’œil maçonnique, souvent inscrit dans des rituels et des emblèmes, rappelait à chaque membre l’importance de la connaissance et de la vérité, un regard perçant qui voit au-delà des apparences et des illusions.

mosaïque maçonnique

Ainsi, le voyage de l’œil dans le triangle à travers les âges et les cultures révèle une histoire fascinante de continuité et de transformation. Il est un fil conducteur qui relie l’ancienne Égypte, la Grèce antique, le christianisme de la Renaissance et la franc-maçonnerie des Lumières. Chaque époque et chaque tradition ont enrichi ce symbole de nouvelles significations, le transformant en un puissant totem de vigilance, de protection et de connaissance divine.

Le mystère de qui a utilisé ce symbole en premier importe moins que la profondeur et la portée de son message. L’œil de la Providence, dans toutes ses manifestations, invite à la réflexion sur la vigilance omniprésente, l’aspiration à la sagesse et la quête incessante de la vérité. Il est un rappel intemporel que, peu importe les voiles qui recouvrent notre compréhension, il existe toujours un regard perçant, une lumière guide qui éclaire notre chemin à travers les mystères de l’existence.

À droite de l’image, un deuxième œil (pour le 3e, il faudra attendre !)

À droite de l’image, un deuxième œil est représenté dans ce qui semble être un globe ou un dispositif optique. Mais aussi un œil au fond d’une tasse ou d’un pot de chambre ! Cette juxtaposition d’un œil isolé et de l’œil dans le triangle pourrait suggérer une dualité ou une complémentarité : l’œil de la providence divine et l’œil humain, limité mais capable de voir et d’observer à travers les instruments de la raison et de la science.

La phrase inscrite en haut à droite, « Les deux yeux auxquels rien n’échappe », renforce l’idée d’une double vigilance : celle de l’œil divin et celle de l’œil humain, unissant la connaissance divine et la quête humaine pour la vérité. Cette inscription souligne que, dans cette perspective symbolique, rien ne peut rester caché ou inconnu à ces deux regards conjugués.

L’expression « Les deux yeux auxquels rien n’échappe »

« Les deux yeux auxquels rien n’échappe » est une expression lourde de sens, empreinte de mystère et de profondeur symbolique. Ces mots suggèrent une vigilance omniprésente, une capacité de perception et de discernement qui transcende les limites humaines ordinaires. Pour explorer pleinement cette phrase, il convient de plonger dans les interprétations possibles et de comprendre les implications philosophiques et spirituelles qu’elle porte en elle.

Les deux yeux évoqués ici peuvent être interprétés de différentes manières, selon le contexte et l’imaginaire symbolique auquel on se réfère. Dans une première lecture, ils pourraient représenter l’œil divin et l’œil humain, chacun apportant une perspective unique mais complémentaire. L’œil divin, souvent symbolisé par l’Œil de la Providence, est cet œil omniscient qui voit tout, qui sait tout, qui scrute les âmes et les cœurs avec une impartialité absolue. C’est l’œil de Dieu, l’œil du Grand Architecte de l’Univers dans la tradition maçonnique, ou encore l’œil d’Horus dans l’Égypte ancienne, protecteur et guérisseur. Cet œil est au-delà du temps et de l’espace, il perce les voiles de l’ignorance et de l’illusion pour révéler la vérité ultime.

L’autre œil, l’œil humain, est celui de la raison, de l’intellect, de la quête de connaissance. C’est l’œil des scientifiques, des philosophes, des artistes, des mystiques. Cet œil cherche, explore, questionne. Il est limité par la condition humaine mais sans cesse poussé par un désir de compréhension et de vérité. À travers les instruments de la science et de la logique, il tente de dévoiler les secrets de l’univers, de percer les mystères de la nature et de l’existence. C’est l’œil qui observe les étoiles, qui dissèque les atomes, qui interroge les textes sacrés et les œuvres d’art.

Quand ces deux yeux se rencontrent et collaborent, il en résulte une vision complète et profonde….

Église Saint-Louis-en-l’Île – Orgue Bernard Aubertin (maître d’art), détail

L’œil divin apporte l’intuition, la révélation, l’éclairage transcendant, tandis que l’œil humain apporte l’analyse, l’expérience, l’investigation méthodique. Ensemble, ils forment une synergie puissante, une perception à la fois spirituelle et intellectuelle qui permet d’approcher la vérité sous tous ses aspects. Rien ne peut échapper à cette double vigilance, car elle combine le regard intérieur et extérieur, le visible et l’invisible, le temporel et l’éternel.

D’un point de vue symbolique, « Les deux yeux auxquels rien n’échappe » peuvent aussi être interprétés comme la nécessité d’un équilibre entre le spirituel et le matériel. Ils nous rappellent que pour comprendre pleinement le monde et notre place en son sein, nous devons utiliser toutes les facultés à notre disposition. Il ne suffit pas de se fier uniquement à la foi ou à la raison, mais d’intégrer les deux dans une quête harmonieuse de la sagesse.

Cette expression peut également évoquer la vigilance morale et éthique. Elle suggère que nos actions sont constamment observées, évaluées, non seulement par une entité divine ou par la société, mais aussi par notre propre conscience. Les deux yeux pourraient ainsi symboliser le regard intérieur de notre conscience et le regard extérieur du jugement divin ou social. Cette dualité nous rappelle que nous sommes responsables de nos actions, et que celles-ci ont des conséquences que nous ne pouvons ignorer.

En somme, « Les deux yeux auxquels rien n’échappe » est une métaphore riche et complexe qui incite à la réflexion sur la nature de la connaissance, de la perception et de la vigilance. Elle nous invite à transcender nos limitations, à rechercher l’harmonie entre la raison et la foi, et à cultiver une conscience éthique et morale dans nos vies. Ces deux yeux, qu’ils soient divins et humains, intérieurs et extérieurs, nous guident vers une compréhension plus profonde de nous-mêmes et du monde qui nous entoure, révélant que rien n’échappe à la lumière de la vérité et de la sagesse lorsqu’ils travaillent ensemble.

Le deuxième œil, un tantinet anti FM ? L’œil du vase !

Le deuxième œil représenté dans l’image, logé au fond d’un pot de chambre, est une inclusion étonnante et chargée d’ironie. Le pot de chambre, un objet quotidien destiné à des usages prosaïques et intimes, contraste fortement avec la noblesse symbolique de l’œil divin ou de l’Œil de la Providence. Cette juxtaposition invite à une interprétation profonde et nuancée.

Le pot de chambre, dans son usage traditionnel, est un récipient utilisé pour les besoins naturels, souvent tenu sous le lit dans les maisons avant l’avènement des toilettes modernes. Il est associé à l’intimité, à la nécessité corporelle, et parfois à l’humilité ou à l’humiliation, étant un objet réservé aux moments les plus privés et souvent jugé peu noble.

Placer un œil au fond de ce pot de chambre semble à première vue incongru, mais c’est précisément ce contraste qui éclaire de nouvelles dimensions symboliques. Cet œil pourrait représenter une vigilance omniprésente, même dans les aspects les plus banals et intimes de la vie humaine. Cela suggère que rien n’échappe à l’observation, même les actes les plus privés et humbles. La présence de l’œil dans le pot de chambre pourrait également rappeler que la recherche de vérité et de connaissance ne doit pas se limiter aux domaines nobles ou sacrés, mais inclure également une compréhension et une acceptation des aspects les plus terrestres et corporels de l’existence.

L’utilisation de l’œil dans ce contexte peut être vue comme une invitation à la réflexion sur la nature duale de l’expérience humaine – spirituelle et matérielle. Cela souligne que la quête de connaissance et de sagesse doit embrasser toutes les dimensions de la vie, sans dédain pour les aspects corporels ou intimes. L’œil, symbole de vigilance et de perception, placé dans un objet aussi prosaïque, rappelle que la vérité et la lumière peuvent être trouvées même dans les endroits les plus inattendus et les plus modestes.

De plus, cette image peut contenir une critique sociale ou philosophique implicite. En plaçant un symbole de vigilance divine dans un pot de chambre, l’illustrateur pourrait vouloir suggérer que les institutions qui prétendent à une surveillance omniprésente, comme l’Église ou les sociétés secrètes, ne sont pas au-dessus des aspects les plus basiques et humains de la vie. Cela peut être une manière de dire que même ceux qui se considèrent comme gardiens de la morale et de la connaissance doivent se souvenir de leur propre humanité et des réalités communes à tous.

Pot de chambre de la mariée

Enfin, cette représentation pourrait aussi être vue comme une manière humoristique et légèrement subversive de rappeler que la quête de sagesse et de vérité doit être menée avec humilité. En plaçant l’œil vigilant dans un pot de chambre, l’image suggère que même ceux qui cherchent à atteindre les plus hauts niveaux de compréhension et de moralité doivent garder les pieds sur terre et ne pas oublier les réalités ordinaires de la condition humaine.

L’œil placé au fond d’un pot de chambre, évoquant l’intimité et l’humilité des besoins humains, contraste vivement avec l’œil divin et omniprésent. Ce symbolisme souligne la vigilance constante, même dans les aspects les plus banals de la vie. En intégrant cet œil dans un objet si prosaïque, l’illustration rappelle que la quête de vérité doit inclure toutes les dimensions de l’existence, même les plus humbles. Ce contraste peut aussi critiquer les institutions se prétendant omniscientes, rappelant qu’elles ne sont pas au-dessus des réalités humaines. Cette juxtaposition invite à une réflexion sur l’équilibre entre le sacré et le quotidien.

En résumé, l’utilisation du pot de chambre avec un œil au fond est une juxtaposition riche en significations, mélangeant l’humilité des besoins corporels avec la vigilance omniprésente de l’observation divine ou de la quête de connaissance. Cela nous invite à une réflexion profonde sur la nature de la vigilance, la dualité de l’expérience humaine, et la nécessité d’une quête de vérité qui embrasse toutes les dimensions de la vie, de la plus sacrée à la plus humble.

L’esthétique de la carte postale

Avec ses traits délicats et son style légèrement ancien, la CPA ajoute une dimension nostalgique, évoquant une époque où les symboles et les allégories étaient des moyens privilégiés pour transmettre des idées profondes et spirituelles. La simplicité du dessin contraste avec la profondeur du message, offrant une expérience visuelle et intellectuelle riche pour l’observateur attentif.






Ainsi, cette carte postale n’est pas seulement une illustration, mais un véritable objet de méditation, incitant à la contemplation des grandes questions de la vie, de la connaissance et du mystère de l’existence.

Allez, bon dimanche à tous ceux qui sont du signe du lion et les autres aussi.

Bonnes vacances à celles ceux qui le sont et surtout bon courage à celles et ceux qui ont repris le collier, une expression trouvant son origine dans le monde du travail agricole (auquel je suis très attaché), où les animaux de trait, après une période de repos, devaient reprendre le collier pour être attelés et travailler à nouveau…

1 COMMENTAIRE

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti, directeur de la rédaction de 450.fm, est chroniqueur littéraire, membre du bureau de l'Institut Maçonnique de France, médiateur culturel au musée de la franc-maçonnerie et auteur de plusieurs ouvrages maçonniques. Il contribue à des revues telles que « La Chaîne d’Union » du Grand Orient de France, « Chemins de traverse » de la Fédération française de l’Ordre Mixte International Le Droit Humain, et « Le Compagnonnage » de l’Union Compagnonnique. Il a également été commissaire général des Estivales Maçonniques en Pays de Luchon, qu'il a initiées.

Articles en relation avec ce sujet

Titre du document

Abonnez-vous à la Newsletter

DERNIERS ARTICLES