dim 08 septembre 2024 - 01:09

Bilan de mon dernier voyage : déceptions et coups de coeur

Par Laurent Ridel et son site decoder-eglises-chateaux.fr

Aujourd’hui, je vous raconte mon dernier voyage. J’ai passé quelques jours à Soissons et aux alentours. Comme d’habitude, quelques petites mésaventures ont émaillé mes visites d’églises et de châteaux. Ça a commencé dès Soissons, sous-préfecture du département de l’Aisne. La ville était une étape incontournable dans mon tour de France des cathédrales (j’en suis à 74). 

Les photos dans les livres laissaient augurer une belle architecture gothique. Malheureusement, la cathédrale était emprisonnée dans des échafaudages à l’extérieur et surtout à l’intérieur.

Bien sûr ce type de travaux est nécessaire, mais on espère toujours en tant que visiteur éviter de tomber dessus. Il me faudra revenir à Soissons dans quelques années pour mieux vous en parler. 

J’ai cherché à me consoler avec l’autre monument phare de la région : le magnifique château de Pierrefonds. Un lieu que j’avais visité en 2011. Avant d’entrer dans le château, j’ai cherché un point de vue pour prendre une photo générale des lieux. La visite s’annonçait mal : j’apercevais des échafaudages.

À croire qu’une équipe s’est amusée à démonter ceux de la cathédrale de Soissons pour les remonter ici. 

Contrairement aux apparences, Pierrefonds est un château essentiellement du XIXe siècle. Napoléon III donna carte blanche à l’architecte Viollet-le-Duc pour transformer ce qui était devenu une ruine en une résidence impériale. Sur ce chantier, Viollet-le-Duc s’est fait plaisir comme les équipes de Disney se sont amusées à dessiner le château de la Belle au bois dormant. 

L’architecte n’a pas manqué de se faire représenter au milieu de son œuvre : déguisé en pèlerin, il accueille les visiteurs qui franchissent le portail de la chapelle du château.

On le reconnaît par comparaison avec le grand portrait installé dans une autre pièce. 

La légende de la photo a éveillé mon esprit taquin. Il y est indiqué que la photo date d’entre 1875 et 1884. Je me permets d’aider les auteurs de la légende. Sachant que Viollet-le-Duc meurt en 1879, je resserrerai la fourchette chronologique. À moins que notre homme n’ait été empaillé puis photographié 🙂.

Au-delà de l’architecture, Pierrefonds fascine par ses monstres sculptés. Tous sont issus de dessins de Viollet-le-Duc. Pour lui, les monstres étaient les animaux qui n’avaient pas pu monter dans l’arche de Noé.

Vous reconnaissez cette chimère ? Je vous l’avais montrée dans ma précédente infolettre. 

Conformément à la tradition médiévale, Viollet-le-Duc sait qu’un monstre « réussi » est le fruit d’un croisement entre plusieurs animaux. Ici, une tête et un bec de pélican sont montés sur un corps aussi musclé qu’un lion, mais les pattes palmées rappellent un amphibien et les ailes une chauve-souris. 

Partons maintenant vers un lieu moins connu : Ourscamp. C’est une abbaye cistercienne située au nord de Compiègne. Sans surprise, j’ai retrouvé les bâtiments conventuels pris dans des échafaudages. Le site bénéficie en effet de subventions dans le cadre de la mission Bern. 

Ici, je suis tombé sur une véritable conjuration sonore. D’un côté, des ouvriers découpaient les pierres de restauration à la meuleuse ; de l’autre, un tracteur-tondeuse enchaînait les allers-retours parmi les ruines en herbe de l’église. Je me suis réfugié dans l’ancienne infirmerie transformée en chapelle. 

J’y trouvais seulement un homme en prière. Retour du silence… pour un bref moment. Un jeune religieux entra, marcha jusqu’à l’autel, se glissa derrière. Je ne le voyais plus, mais il me sembla remplir un sac de déchets et de bouteilles qu’il eut la maladresse de faire tomber sur le sol pavé. Le choc réveilla l’homme en prière et le fit sortir. Quant à moi, je m’enfuis. 

Avant mon départ de cette abbaye maudite, j’ai jeté un dernier regard sur l’entrée. C’est alors que je l’ai aperçue. 

Une grosse bête velue orne le fronton. Un lion ?

Je me suis alors souvenu de la légende locale que j’avais lue dans l’ancienne infirmerie. Au VIIe siècle, tandis que saint Éloi faisait bâtir une église, un ours dévora un bœuf qui tirait un chariot rempli des pierres de construction. Le saint trouva vite un remplaçant : il dompta l’ours et le fit atteler. C’est donc un ours qu’on voit figurer. Une légende que je pense largement inspirée par le nom de l’abbaye : Ourscamp.

Le lendemain, j’ai senti une pointe de nostalgie. J’allais revoir un monument que j’avais visité en 2018, au début de l’aventure « Décoder les églises et les châteaux ». Eh oui, ça fait maintenant plus de 6 ans que j’essaie de vous faire voyager et de vous aider à lire le patrimoine médiéval. 

Retour donc à Notre-Dame de Laon, l’une des cathédrales les plus sous-estimées de France.

J’aime beaucoup cette église même si, cette année, mon impression fut moins enthousiaste que la dernière fois. Je ne retrouvais pas la même luminosité. La faute probablement aux échafaudages montés à l’extérieur au niveau des fenêtres…

Par contre, dans les tours, j’ai retrouvé les bœufs de pierre aussi sympathiques que la Vache qui rit. La légende raconte qu’ils sont un hommage à leur rôle de transport lors du chantier de la cathédrale. 

Dans mes circuits touristiques, je réserve toujours une place à l’improvisation. Je sors des sentiers battus et m’arrête auprès d’églises plus modestes que les cathédrales ou les abbayes. Parfois, je tombe sur des surprises. Ainsi l’église de Martigny-Courpierre
Nous sommes à proximité du Chemin des dames, triste nom de bataille pendant la Première Guerre mondiale. Beaucoup d’églises du secteur ont été rayées de la carte. Celle de Martigny-Courpierre fut audacieusement relevée dans un style Art déco. L’intérieur est coloré par les vitraux, les peintures, les mosaïques et la céramique.  Peu de visiteurs s’arrêtent aussi à Vorges. L’église de ce bourg affiche une grande rose de façade et un chemin de ronde au-dessus de sa tour signale les préoccupations défensives des habitants. Au passage, je vous rappelle mon article sur les églises fortifiées.  
À l’intérieur, je retiendrai cet autel. 
Une télévision remplace le tabernacle ! J’avoue ne pas bien comprendre ce dispositif insolite. La paroisse cherche-t-elle à nous démontrer que les écrans sont nos nouveaux dieux ? Vos propositions d’interprétation sont les bienvenues.  Dans le secteur de Soissons, l’amateur de patrimoine médiéval que je suis doit passer par Coucy et son château fort. Qu’est-ce que j’en ai pensé ? Couci-couça. Jadis ce site castral surpassait les plus gros châteaux royaux par la dimension de ses tours. Mais son démantèlement par Mazarin puis son dynamitage par les Allemands en 1917 lui ont fait ravaler sa superbe. Le colossal donjon — 54 m de haut — est devenu un tas d’éboulis. 
Des tours d’angle, il ne reste que les rez-de-chaussée et les niveaux enterrés. La disparation de Coucy est l’une des plus grandes pertes du patrimoine français. Au moins, je n’ai repéré aucun échafaudage.   Le lendemain, la déception de Coucy fut compensée par la visite d’un autre château dont les photos ne cessaient de m’intriguer. De Septmonts, je vous ai parlé dans l’article sur les châteaux les plus insolites de France. Son architecture faite d’imbrications de cylindres surprend. 
Pour ce site, la commune a fait quelque chose d’incroyable : après avoir acheté le domaine abandonné, elle a rendu son accès totalement libre : non seulement vous pouvez en faire le tour, mais aussi entrer et monter les 6 étages. Lors de ma venue, il n’y avait personne, sauf un touriste étranger sur le point de partir. Je me suis retrouvé maître du château. Du haut de la terrasse, le visage fouetté par le vent, j’ai eu un moment le sentiment d’être le châtelain qui contemple son domaine 😊 Bonnes visites, 
Laurent Ridel, le décodeur d’églises et de châteaux

4 Commentaires

  1. A l’heure du tout numérique, quel plaisir de contempler le travail des MM et autres AA qui ont construit notre patrimoine au fil des siècles. Merci Laurent, continuez à nous émerveiller et faire rêver le châtelain qui sommeille en nous…

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