ven 22 novembre 2024 - 04:11

Astrologie, cartomancie, voyance… : l’occulte revient en force chez les jeunes

De notre confrère femina.fr – Par Jessica Agache-Gorse

Virginie, 22 ans, ne prend aucune décision importante avant d’avoir tiré les cartes ; Hugues, 29 ans, a troqué le psy pour une voyante, et Mathilde, 31 ans, s’est empressée de regarder le thème astral de son bébé sur Internet à sa naissance. « C’est devenu important pour moi il y a cinq ans, quand je vivais à Paris. Stressée, un peu perdue, je cherchais des repères. J’ai l’impression que l’astrologie donne parfois des clés de lecture », explique-t-elle en précisant qu’aujourd’hui elle connaît le signe de la plupart de ses copines, mais aussi de ses collègues.

« On en parle souvent au boulot et on a vite fait de trouver des analogies entre un signe et une attitude : “Forcément, tu fais ça puisque tu es Scorpion !” C’est un truc de génération et mes collègues plus jeunes sont encore plus là-dedans ! »

En effet, prendre au sérieux la carte du ciel ou s’intéresser aux pratiques divinatoires n’a rien d’exceptionnel ni de risible pour la génération Z, à tel point que 69 % des 18-24 ans croient au moins en une parascience, contre 58 % pour l’ensemble des Français (1).

Un engouement porté par les réseaux sociaux

Conséquence ? Entre initiés, tous connaissent au minimum leur ascendant, leur signe astrologique chinois, leur chiffre en numérologie, voire les symboles des tarots. Amélie Fiol, 22 ans, n’imaginait tout de même pas en faire son métier : il y a trois ans, elle est devenue cartomancienne dans sa ville de Saône-et-Loire. « C’est mon père, prof d’histoire-géo, qui m’a appris à tirer les cartes quand j’avais 17 ans. Mon grand-père avait été le premier à le faire dans la famille, par curiosité, sauf qu’ensuite il a vu que ça marchait ! Moi, je n’aime pas parler d’un don, mais plutôt d’une capacité qu’il faut travailler. J’ai vraiment eu le déclic lors d’un live sur les réseaux sociaux, où de nombreuses personnes m’ont demandé de leur tirer les cartes. J’ai adoré ! » confie celle qui, désormais, cartonne, dans tous les sens du terme, sur TikTok avec plus de 420 000 abonnés, surtout des moins de 30 ans.

D’ailleurs, les réseaux sociaux participeraient largement à cet engouement générationnel pour les pratiques ésotériques, en particulier depuis la pandémie de Covid-19 : ils regorgent de propositions d’offres de voyance et de « mèmes » (photos, vidéos ou textes viraux) sur l’astrologie. Les rayons des librairies font aussi le plein, notamment de coffrets de cartes de divination appelées oracles.

Un besoin de se rassurer

tarot de Marseille
tarot de Marseille

Delphine Py (2) , psychologue spécialiste en TCC (thérapies comportementales et cognitives), estime que cette tendance, qui concerne aussi sa fille ado, traduit le besoin d’un « sentiment d’appartenance à une communauté ». N’oublions pas que l’adolescence – qui dure, selon certains scientifiques, jusqu’à 24 ans sur le plan cognitif – « est une période de reconfiguration du cerveau durant laquelle on commence aussi à se détacher fortement de sa famille et où l’on remet en question des choses apprises pour se tourner vers de nouveaux groupes, de nouveaux réseaux », complète Fabrice Clément (3), professeur en sciences cognitives à l’université de Neuchâtel. « Cela favorise un très fort intérêt pour toute une série de savoirs donnant du sens », juge-t-il. Dans ce cadre, les pratiques ancestrales bénéficieraient d’une aura particulière. « Ce qui est très ancien rassure, alors que l’on vit dans une société où prédomine un côté déshumanisé, trop technique, poursuit le chercheur. Il semble manquer quelque chose dans les relations humaines… »

Table de voyante avec 2 cartes de Tarot
Table de voyante avec 2 cartes de Tarot

Un peu de magie ? Pour Delphine Py, le recul des grandes religions dans nos sociétés occidentales aurait également laissé une forme de vide. « En psychologie, on sait désormais que les personnes croyantes sont plus résilientes et régulent mieux leurs émotions. Depuis le Covid-19, il y a eu aussi une perte de foi dans les institutions, la science, les médias », constate-t-elle. Dans ce chaudron, on ajoute une poignée de menace climatique, une louche de désillusion politique, un morceau de diffcultés économiques… pour obtenir une génération qui a besoin de se rassurer. « L’ésotérisme peut représenter une réponse pour certains, cela leur permet de gérer leur angoisse existentielle », décrypte la psychologue. Une façon de « réenchanter leur vie », risque Fabrice Clément.

L’ésotérisme peut être une réponse qui permet de gérer une angoisse existentielle

Des croyances décomplexées

Cartes de tarot
Cartes de tarot

« Je ne suis pas une illuminée qui a besoin de mettre des paillettes dans son existence parce que le monde est trop dur », s’offusque Jeanne, 26 ans, qui a l’intention d’allier ses études de psycho à ses connaissances en astrologie. Allison, influenceuse de 32 ans connue sous le nom Allyfantaisies, ne voit pas non plus le rapport avec une tentative de « réenchantement ». « Petite, je lisais déjà le point astro du programme télé, se souvient-elle. La différence, c’est qu’aujourd’hui les langues se délient. Les gens parlent plus facilement d’astrologie, de cartomancie, de guidances. Et on a moins l’impression de passer pour un fou lorsqu’on s’y intéresse. »

Elle n’a d’ailleurs pas hésité à confier à ses 222 000 abonnés sur YouTube qu’elle avait parfois recours à la voyance quand elle avait des doutes sur sa vie. Tandis qu’elle se penche sur les ascendants de son bébé, Mathilde, elle, rappelle qu’il y a quelques années le yoga ou la méditation étaient considérés comme « trop perchés ». Coline Pontet, 23 ans, créatrice de bijoux, dont des bracelets « astro », ne se reconnaît pas non plus dans une génération pétrie d’angoisses existentielles, ce qui pourrait expliquer son attrait pour le zodiaque. « Je trouve intéressant de savoir que, en tant que Taureau, je m’entends mieux avec les Bélier, signe de mon père et de ma meilleure amie. J’y crois sérieusement et, en même temps, je ne suis pas sûre-sûre, rigole-t-elle. Mais cela m’intrigue. »

Une énergie folle

Tous ne sont certes pas des pros du tirage de cartes ou des médiums dans l’âme. Pourtant, une simple curiosité de leur part vers des mondes rejetés par la science inquiète certains observateurs, qui redoutent des dérives sectaires, un cortège d’arnaques et l’émergence d’une génération en proie à la crédulité. Certains chiffres peuvent leur donner raison : alors que 16 % des 18-24 ans pensent qu’il est possible que la Terre soit plate, 19 % avancent que les pyramides ont été bâties par des extraterrestres et 49 % jugent que l’astrologie est une science4 . « Il y a des personnes très mal intentionnées sur TikTok », prévient la cartomancienne Amélie Fiol, qui réfute aussi l’existence d’une génération candide.

« Ce n’est pas de la naïveté. Au contraire, on est ouverts d’esprit et on essaie de voir plus loin ! » Une position comprise par Fabrice Clément, qui souligne que « cette curiosité est essentielle, symbole de l’énergie folle de la jeunesse ». Véronique, dont la fille de 25 ans dépense beaucoup d’argent dans l’achat de pierres protectrices, a du mal à y voir un bon signal. « Cela devient source de conflit à la maison », soupire-t-elle. Pourtant, Delphine Py le rappelle, « s’opposer à une attitude comporte le risque de la renforcer. Il faut plutôt essayer d’être à l’écoute sans juger ni critiquer.

L’idée est de comprendre ce que le jeune recherche et de l’amener à prendre un peu de recul, en lui expliquant, par exemple, ce qu’est l’effet Barnum », à savoir cette tendance à prendre pour soi ce qui nous arrange dans une description assez vague. On peut reconnaître aussi que cette génération est bien plus focalisée sur l’intériorité et a développé des compétences que la précédente ne possédait pas.

« Dans mon cabinet, je reçois des adultes qui ne savent pas définir ce qu’ils ressentent ni pourquoi ils se sentent mal, alors que les trentenaires ou moins savent s’écouter, hyper-focalisés sur leur intuition, très connectés à leurs besoins et à leurs ressentis », observe la psy. Il faudrait avoir une boule de cristal pour savoir ce que l’avenir en dira…

1. Sondage Ifop, 2020.

2. Auteure du Guide de ta santé mentale, Marabout, et créatrice de l’application Psynergy pour la santé mentale.

3. Auteur de la Fabrique des croyances chez l’enfant, Odile Jacob.

4. Etude Ifop pour la fondation Reboot et la Fondation Jean-Jaurès, diffusée début 2023.

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Alice Dubois
Alice Dubois
Alice Dubois pratique depuis plus de 20 ans l’art royal en mixité. Elle est très engagée dans des œuvres philanthropiques et éducatives, promouvant les valeurs de fraternité, de charité et de recherche de la vérité. Elle participe activement aux activités de sa loge et contribue au dialogue et à l’échange d’idées sur des sujets philosophiques, éthiques et spirituels. En tant que membre d’une fraternité qui transcende les frontières culturelles et nationales, elle œuvre pour le progrès de l’humanité tout en poursuivant son propre développement personnel et spirituel.

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