mar 03 décembre 2024 - 18:12

La Rencontre, une issue contre les dogmes en Franc-maçonnerie ?

Dans la franc-maçonnerie européenne nous avons à notre disposition un paysage étendu de rites, de rituels, et d’obédiences. Si certains choisissent de travailler en mixité ou en non-mixité, avec une orientation sociétale ou symbolique, avec un Rituel fort et marqué ou au simple coup de Maillet, qu’est-ce qui fait que nous ne nous enfermons pas peu à peu dans ce « même » si réconfortant, cette lente érosion de la liberté de penser qui laisse affleurer les réponses simples et rassurantes du dogme ?

Je parle de chance car ceci n’est pas le cas tout autour du monde. Nous pouvons ainsi pratiquer une franc-maçonnerie la plus conforme possible à notre espérance de représentation d’un Monde idéal ou d’un Idéal du Monde !

La Loge est l’espace nodal du rendez-vous principal. Chacun y amène ses couleurs et ce tout hétérogène finit par devenir un ensemble homogène en tension où l’expression de la nuance devient possible. La Loge devient ainsi l’espace Sacré et Souverain de LA Rencontre, avec soi bien-sûr mais aussi avec l’Autre et, de toutes ses formes et couleurs, naît une unicité.

Pour sublimer le « terne-ère » du « même » il faut un Ternaire, et cet élément nous est apporté par l’accueil de « l’étrange-étranger », cet autre « être en G » à qui nous devons le partage du pain fraternel et bienveillant du Compagnon sur son Chemin.

En « Présent » il nous apporte l’Eau de sa Parole, la tessiture de « l’onde-pensée » de son Vénérable Maître et les harmoniques de sa Loge… et pour continuer de filer la métaphore, du classique au free-jazz en passant par la musique expérimentale, nos « partitions » sont innombrables !

Aux « Cardinaux » contraires l’Ignition reconnaissante

Fin janvier 2024 j’ai assisté à une Tenue Blanche Fermée au Rite Ancien et Primitif de Memphis Misraïm. La conférence avait pour thème Cagliostro. Denis Laboure, conférencier éclairant, a expliqué que Cagliostro avait écrit deux Rituels : un pour les hommes qu’il faisait venir de l’Orient et un pour les femmes qu’il faisait venir de l’Occident. A la demande d’un Frère, il nous a expliqué qu’en l’état de ses connaissances et recherches, il ne pouvait pas expliquer pourquoi Cagliostro en avait décidé ainsi et qu’un exemplaire du « rituel pour les dames » est conservé à la B.M d’Avignon, Livée Ceccano, n°3067.

C’est à ce moment là que j’ai compris quelque chose de capital : si des éléments désunis marchent en même temps et dans la même direction ils ne peuvent pas se rencontrer. Ils peuvent éventuellement se rejoindre mais cela signifie alors que l’un et/ou l’autre modifient le rythme de leur marche, leur inertie, leur équilibre donc. Cela augmente donc substantiellement le risque de s’échouer sur le « Ça-Bleu ».

Cependant, si chacun marche en sens contraire, quelle que soit son allure, sa nature ou celle de son Chemin, la Rencontre « s’ignitier » et le « Trois naître », c’est une question de géométrie. Les Deux unités ainsi « ré-unies » « deux-viennent » « l’épis-centre » de leur monde en « geste-station » : l’unité sublimée EST « U-ni-T ».

Graphiquement, tracer ce « U » commence par la verticalité de la chute, puis la giration de la remontée en flèche I et la verticalité de l’envol alors que le « T » m’évoque le « Tau », potence des crucifiés, promontoire de la matière que l’on doit quitter pour atteindre « l’En-vol ». ces deux lettres sont ici reliées par leur exclusion, le « ni » entre ce « U » et ce « T ». Dans les alphabets contemporain et grec, le T précède le U ou le U suit le T, question de point de vue…

Le Voyage comme proposition

Seulement… deux moitiés « ré-unies » supposent qu’elles ont été d’abord séparées ; qu’un « Un » les précédait peut-être… la « Chute » suppose une verticalité et donc aussi la possibilité d’un élan de Vie plus puissant que l’inertie de Mort… « l’Unité » suggère aussi un « Point », un « Centre », et si ce Centre peut-être partout où est sa Circonférence ?

Et si la Transcendance (nommée K) est donc « ni » trajectoire (U), « ni » matière (T), pourrait-elle être la sublimation de leur Rencontre au cœur de la Brèche de l’Immanence.

Tant de questions que je vous propose d’explorer autour d’un Voyage en Terre « Un-connue », un Voyage aux curieux dessins aux desseins encore inconnus, une odyssée en plusieurs étapes.

La Carte pour se "re-pairer"
La Rencontre – Détail de la carte – ©Stefan von Nemau

Une carte pour se « re-pairer »

Mon univers est influencé par l’œuvre de William Blake. J’apprécie sa représentation du Grand Architecte portant un compas qu’il nomme Urizen, dieu de la Raison triomphante. Ce « Sceptre-Compas » permet de quantifier la « dé-mesure » de la Pierre dans nos Rites et Rituels mais il est aussi capable de mesurer le « péri-maître » par le « rayon » de la circonférence mystérieuse.

Ce « Compas d’Or » a la jambe du « Ternaire-Force » plantée au Centre de la dimension « K », cœur du Royaume de l’Accompli. Son autre jambe, celle du « Quaternaire-qui-établit » définit le périmètre du Royaume d’Urizen, déduit par « compas-raison ».

C’est « l’humain en réalisation » dans son Etoile Flamboyante qui réunit ces deux polarités « Aur-y-faire ». Elle ne nous est perceptible que par la Gloire qu’elle laisse apparaître lorsque nous fermons les yeux. Nous ne pouvons « perce-voir » que ce qui persiste aux sens humains éphémères.

Dans le panthéon de Blake, Urizen aux cheveux d’argent a son opposé : Los aux cheveux d’or. Los est à Urizen ce que l’Intuition est à la Raison.

Sur ce plan, je lui donne pour symbole la plume. Cette légèreté et fragilité est « LA Force » qui permet l’envol sur les vents de l’inspiration.

Cette plume est pour moi une « brèche-porte » par laquelle circulent les vents de l’Immanence au travers des mondes.

Sa pointe, trempée dans « l’ancre sympathique » permet nos tracés qui se révèleront suivant la chaleur du creuset. Nous sommes des œuvriers et au laboratoire seul notre Travail compte, même si les effets de celui-ci ne se mesurent pas à proportion d’Homme.

Si le Sceptre d’Urizen s’enracine au centre du point de Transcendance « K », la plume de l’inspiration se situe à sa base, au « comme-en-semant » du tracé. Ainsi, le tracé est ce qu’il reste une fois le cycle de « l’inspir » et de « l’expir » accompli.

C’est le cycle de la Vie.

Une carte et sa légende ne sont que de simples représentations humaines

Le disque vert de la carte représente le Royaume de L’Un-connu.

J’ai l’espoir qu’il existe un « en-vert-du-dé-corps », par delà nos « ori-peau ».

C’est pourquoi le carré noir, celui de inaccompli, celui du Royaume de Los traverse la limite de l’envers en un Point d’Espérance ; ce point non-intelligible, à peine imaginable est juste l’espoir d’un « pas de côté », situé légèrement au Septentrion de l’Orient Éternel, là où les « Pôles-errent ».

Quant à la lettre « K » j’en ai exploré la dimension symbolique dans un roman graphique expérimental intitulé « La Ligne K » disponible gratuitement en PDF sur mon site www.lesyeuxducyclope.fr.

Il est maintenant temps de vous donner rendez-vous le mois prochain pour la suite de ce récit qui, je l’espère, mènera « ce qui est épars » à la rencontre des oppositions fécondes…

La rencontre – Planche dessinée – Aquarelle et encres sur papier – 50 x 65 cm – ©Stefan von Nemau – Février 2024

Source : Denis Laboure est l’auteur de « Cagliostro, les arcanes du Rite Egyptien » aux Editions Spiritualité Occidentale

Liens vers la série des 4 articles

Lire : l’Article 1l’Article 2l’Article 3l’Article 4

4 Commentaires

  1. Merci beaucoup ma très chère Solange.
    La suite va arriver petit à petit : d’autres clefs de lecture permettant de déchiffrer cette planche-dessinée… Après cette introduction il est prévu encore 4 épisodes ce qui fera 5 en tout, bien assez pour une échelle humaine ! J’ai l espoir que ces 5 épisodes seront 5 tessitures différentes de “La Rencontre”, celle qui en tendant notre main vers l’autre devient “trans-formation”… Un pas après l’autre… Toujours un pas après l’autre ! 😉🕯️🕯️🕯️

  2. Texte, aquarelles et encres à décortiquer, comme pour atteindre la chair délicieuse d’un crustacé que l’on ne peut déguster qu’en brisant, petit à petit, la coquille sans être sûr d’avoir atteint tout ce qui est à savourer. Se laisser immerger dans les symboles pour comprendre que la rencontre est un croisement, non pas à l’infini comme pour les droites parallèles, mais ici et maintenant.

  3. Puisque Stéphane Chauvet cite en source, Denis Labouré – que nous avons bien connu en son temps et saluons au passage –, rappelons que notre rubrique « DES LIVRES & VOUS… » avait consacré une intéressante note de lecture à cet auteur et à son ouvrage « Testament maçonnique – L’expérience du Rite Égyptien » préface par Serge Caillet (Les Éditions de la Tarente, 2022), le 20 août 2022. À (re)lire sur https://450.fm/2022/08/20/testament-maconnique-lexperience-du-rite-egyptien/

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Stéphane Chauvet
Stéphane Chauvethttps://lesyeuxducyclope.fr/
« Ma quête artistique est une pratique spirituelle et une spiritualité en pratique. Le Symbole est son langage. » C'est ainsi que Stéphane Chauvet définit en deux phrases son travail initiatique et artistique. Il métabolise et fixe sa pensée par le tracé et l'image, son « labor », avant de lui souffler vie dans « l'oratoire ». Il est titulaire d'un Master 2 de photographie plasticienne délivré par l'Ecole Nationale Supérieure de la Photographie d'Arles. Il signe ses œuvres graphiques du nom de son alter-égo rencontré sur le Chemin : Stefan von Nemau. Son travail artistique est présenté sur son site internet www.lesyeuxducyclope.fr

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