sam 04 mai 2024 - 13:05

Sacrément pratique

La société romaine de l’Antiquité (comme celle de la Grèce de l’époque précédente) a adopté un certain nombre de divinités grecques qu’elle a introduites dans un large panthéon, présidant à tous les moments de la vie et de la mort.

Un panthéon « sur mesure » puisque les représentations divines accueillies par les Romains devaient toutes être préalablement soumises à la procédure de « l’interpretatio » suivie d’une acceptation citoyenne avec l’édification d’un temple et d’un culte.

À l’instar des Grecs, les divinités étaient retenues pour leurs qualités, leurs énergies, leurs capacités réelles pour lesquelles la bonne exécution des rituels et des offrandes était à la fois définie et recommandée.

Ces divinités n’étaient en rien des allégories, ni des analogies, ni des figures de rhétorique, mais « des puissances informant l’existence et les structures les plus profondes de la réalité ». [1]

Ainsi prenons un exemple de la puissance informatrice des divinités à un moment précis :  lorsqu’un enfant paraît !

Quoi de plus compréhensif que d’appeler sur ce nouveau-né autant de protections possibles, pour l’aider à tracer sa route et à se réaliser. Puisque la vie de l’enfant est conçue comme autant d’étapes, elle doit être protégée au bon moment par la divinité adéquate.

Ainsi, voilà comment chez les Romains on agit pieusement avec la palette des personnages divins : la déesse Lucina (autre nom d’Héra pour présider à l’accouchement) met au jour l’enfant, Vitumnus et Sentinus lui donnent vie et sentiment, Vaticanus lui ouvre la bouche au premier cri, Levana le soulève du sol, Cunina le berce, Potina et Educa lui donnent à boire et à manger, Fatinus lui accorde le premier mot pourvu de sens et ainsi de suite jusqu’à ce que deux déesses prennent soin de lui :  Iterduca au moment de sortir de la maison, tandis que Domiduca garantit son retour.

De telles projections immatérielles témoignent de l’identification d’un processus corrélé avec des modes d’action et des catégories cognitives productives de soins et d’amour. La succession de divinités choisies découvre autant d’opérations séquencées pour conduire une action continue et pour intervenir en harmonie avec les puissances du panthéon romain.

Ainsi tout se faisait « diis iuvantibus » c’est-à-dire « avec l’aide des Dieux », mais pas sans annuler toute réflexion humaine ni occulter les précautions à prendre contre des forces inconnues, car il était bien possible que des esprits ignorés rôdent autour du berceau. Ainsi, pour les éloigner, était-il donné au bébé un hochet avec crécelles pour qu’en l’agitant lui-même de sa petite main, il les éloigne en leur faisant peur par le tintement continu des clochettes !

Qui connaît aujourd’hui le sens du cadeau « sacrément pratique » offert au bébé dans son berceau lors de ses premiers mois de vie ? Ah fêlure de la mémoire collective, mais pas de la tradition des porte-bonheur !


[1] Référence au cours de David D. Miller, professeur d’histoire à École Arts et Sciences à Syracuse aux États-Unis

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Claude Laporte
Claude Laporte
Cursus universitaire en Droit public, Organisation du travail, et Sociologie Politique. (Maîtrise en Droit Public (1972), à la Faculté de Bordeaux. Chargée de cours sur la « Sociologie Politique et des Institutions Internationales » aux élèves de 1ère Année de Droit (1972/1973). Puis, intégration professionnelle au sein de l’Assurance Maladie. Dernier poste occupé : Responsable de la Communication à la Direction des Systèmes d’Information à la CNAMTS. Autres diplômes : DESS Systèmes d’Information; DEA «Communication, Technologies et Pouvoir » (Université Paris-Sorbonne). Par ailleurs : des engagements dans le domaine associatif et culturel. Depuis mars 2020 une activité écriture/publications avec la création et l’animation du blog EMEREKA, journal d’opinions et d’humeurs ..

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