Mais quelle mouche a donc piqué le pape François pour approuver, le 13 novembre 2023, les conclusions du dicastère pour la doctrine de la foi* rappelant une interdiction vieille de plus de trois siècles, à savoir l’incompatibilité absolue entre le fait d’être catholique et celui d’appartenir à la franc-maçonnerie ?
À l’heure où la situation militaire et diplomatique est particulièrement tendue dans le monde, où le réchauffement climatique menace certaines zones géographiques parmi les plus fragiles, où les fondamentalismes communautaristes gangrènent la société, on se demande, en effet, s’il n’y avait rien de mieux à faire que ce rappel anachronique, sorti comme un diable de sa boîte, nous renvoyant à l’anticléricalisme et, son jumeau, l’antimaçonnisme, des beaux jours de la III° République !
Le pape François pense-t-il sincèrement que la franc-maçonnerie est toujours la synagogue de Satan ? Et que ses membres n’ont rien de mieux à faire qu’à conspirer contre l’Église de Rome ? Même son prédécesseur, le pourtant très conservateur Benoît XVI n’avait pas osé prendre une telle position sur le sujet, estimant, sans doute, en son for intérieur, qu’il était plus sage de se taire que de feindre ignorer que la franc-maçonnerie est, d’abord, une spiritualité aussi honorable que les autres et que, à ce titre, elle respecte toutes les spiritualités, tout en interdisant formellement, du moins au sein de la Grande Loge de France à laquelle appartient l’auteur de ces lignes, les discussions politiques et religieuses dans ses loges.
Chacun le sait, non seulement la franc-maçonnerie est d’origine chrétienne, fut-elle fortement teintée de judaïsme et plus encore de protestantisme, mais encore que nombre de ses membres sont chrétiens, croyants ou pratiquants et parfois les deux. Il existe une franc-maçonnerie imposant à ses membres la croyance en Dieu et en l’immortalité de l’âme et une autre leur demandant seulement d’accepter le concept d’un Grand Architecte de l’Univers dans lequel chacun met ce qu’il veut, son Dieu s’il en a un, le principe de son choix s’il n’en a pas. De surcroît, en ce qui concerne la Grande Loge de France, il y a beau temps que des contacts, souvent fructueux, ont été noués entre autorités catholiques et dirigeants de l’Obédience, parmi lesquels, dans les années 1970, Mgr Pézéril, évêque auxiliaire de Paris, reçu solennellement rue Puteaux, à qui le Grand-Maître Pierre Simon, lança ce mot qui fit date : les francs-maçons souhaitent qu’avec l’Église catholique romaine, de même qu’avec les autres églises, les autres confessions, les autres philosophies, tous les hommes de raison véritable s’enrôlent dans le parti du sens contre celui de l’absurde, ce qui revient à dire, dans notre langage maçonnique, travailler à la Gloire du Grand Architecte de l’Univers.
Le pape François se situe-t-il sur la même ligne que Pie XII, à qui les écrivains Albert Lantoine et Oswald Wirth, dignitaires de la Grande Loge de France, avaient adressé, en 1937 une lettre publique lui demandant d’unifier derrière lui toutes les spiritualités, qu’elles fussent religieuses ou maçonniques, contre les dictatures nazies, fascistes et staliniennes, et qui, pourtant, n’avait pas cru bon de leur répondre ? Ce même Oswald Wirth, encore, à qui Jules Romains, l’ayant pris comme modèle pour camper le personnage du franc-maçon Lengnau, dans le tome VI de ses Hommes de Bonne Volonté, lui fait dire, dans un audacieux parallèle entre catholiques et francs-maçons : nous sommes, eux et nous les soldats de l’universel et aussi du spirituel… Les différences métaphysiques peuvent s’arranger. Pourquoi leur Dieu ne pourrait-il pas tolérer notre jeune Architecte ? Il n’a qu’à lui laisser ce monde-ci et garder pour lui l’autre monde
En lisant les termes du rappel récemment approuvé par Rome, on se perd en conjectures quant à la finalité de cette décision. À moins de tenter une explication qui nous permettra, peut-être, de la comprendre. Le pape François est un jésuite, hériter d’une tradition propre à son ordre, c’est son droit. Et quels ont été, dans le passé, les plus grands ennemis des jésuites sinon les jansénistes ? Ces jansénistes particulièrement attachés, depuis Port-Royal, au gallicanisme, c’est à dire à l’organisation d’un clergé national indépendant, et parfois hostile, à l’autorité pontificale. Or les petits-fils des Jansénistes du règne de Louis XIV ont été les francs-maçons de celui de Louis XV, plus particulièrement au sein du Parlement de Paris, qui refusa d’enregistrer la bulle In Eminenti Apostoletus Speculata, fulminée par Clément XII, le 28 avril 1738, première d’une très longue série condamnant la franc-maçonnerie et la rendant, de ce fait, inopérante en France. Ceux-là même, encore, que le cardinal de Fleury confondait avec les francs-maçons et qui, négocièrent avec le principal ministre, Choiseul, l’acceptation de sa politique, à la condition … d’expulser les jésuites de France, ce qui fut fait. De surcroît, ce qu’il restait des jansénistes, à la fin du XVIII° siècle, a approuvé la constitution civile du clergé, car justement conforme à la tradition gallicane. De là, l’idée, émise par l’abbé Augustin Barruel, franc-maçon repenti mais vrai jésuite, d’attribuer aux francs-maçons un complot ayant fomenté la Révolution, dans ses célèbres Mémoires pour servir l’Histoire du Jacobinisme, édités de 1797 à 1799, à laquelle les esprits faibles continuent de croire les yeux fermés, même si elle est, non seulement infondée, mais encore absurde, puisqu’il y eut autant de francs-maçons du côté de la Révolution que de la contre-révolution, que la franc-maçonnerie n’y joua pratiquement aucun rôle et que même, elle dut cesser ses travaux sous la terreur.
La énième condamnation pontificale de 2023 serait-elle, tout simplement, l’ultime règlement de compte entre les jésuites et les jansénistes, à l’heure où on croyait ce genre de querelle éteinte ? Le lecteur tranchera. En attendant, aucune Obédience maçonnique n’interdira à ses membres d’être catholiques, en vertu de ce qu’on appelle la tolérance, un principe, semble-t-il, toujours inconnu au sein de l’Église catholique et apostolique romaine.
Jean-Pierre Thomas
**Le Dicastère pour la Doctrine de la foi ou DDF (auparavant Congrégation pour la Doctrine de la foi) est l’une des neuf congrégations actuelles de la Curie romaine. Il a remplacé en 1965 la Sacrée congrégation du Saint-Office, qui a elle-même succédé à l’Inquisition romaine (de son nom complet « Sacrée Congrégation de l’Inquisition romaine et universelle ») instaurée initialement pour combattre les hérésies et les apostasies. Il possède un rôle fondamental au sein de l’Église catholique avec pour mission de « promouvoir et de protéger la doctrine et les mœurs conformes à la foi dans tout le monde catholique ».
Deux evèques qui sont devenus des papes ont été inités par le président de la république Doumergues. Et parmi les derniers papes un pape qui a éte assassiné au bout de 30 jours – il voulait reveler ces deux point, et sourtout que le Vatican est truffé de FM qui font l’objet d’un livre d(un livre d’ un journaliste italien. ce journaliste a même fait l objet de 2 tentatives d’assassinat
La FM applique la tolérance et certains de leurs membres sont catholiques .Cela n empêche de concilier Foi catholique et Maconique
Je ne comprends pourquoi les catholiques sont intolérants et hypocrites envers les Maçons
L’interdiction aux catholiques d’adhérer à la FM aura autant d’effet que l’interdiction aux mêmes de la pillule, du préservatif, des relations pré-conjugales etc.
Much ado about nothing.
Pouvez-vous citer votre source? Organisme de publication? Auteur? Date? En latin, langue officielle de l’eglise catholique romaine? Traduction en français?
Bravo Jean-Pierre,
Très claire présentation de l’incompréhensible intolérance de ceux qui se prétendent en quête de l’unité alors que leurs actions visent à diviser. On unit pas ce que l’on sépare et l’incessant besoin de contrôle et de reconnaissance de nos contemporains est affligeant…
Excellent article ! Mais il existe aussi une maçonnerie libérale et adogmatique qui n’invoque pas le grand architecte de l’Univers.