mer 09 octobre 2024 - 06:10

Les Labyrinthes

Malek Abbou est un poète et romancier français, également connu pour ses textes critiques sur l’art et la littérature.

Il détient un DEA consacré au surréalisme et a traduit en français le « Manifeste infraréaliste » de Roberto Bolañode qui, en 1976, a cherché à définir une nouvelle esthétique, en rupture avec les mouvements avant-gardistes antérieurs. Il vit et travaille à Lyon, capitale des Gaules, contribuant ainsi au paysage littéraire et critique français​​.

Il a dirigé chez « Bouquins la collection », l’immense œuvre Les Labyrinthes, un fort volume qui explore le motif du labyrinthe, de ses origines paléolithiques à son rôle dans l’industrie du jeu vidéo, soulignant sa richesse symbolique et son impact sur l’humanité à travers les mythes et récits. Ce qui ne manque pas de nous interpeller, c’est, tout d’abord, la première de couverture représentant la légende de Thésée avec un détail du labyrinthe crétois de l’École italienne et, ensuite, ce papier très fin et léger connu sous l’appellation  « papier bible », très agréable au toucher. Nous notons immédiatement aussi l’abondante iconographie contribuant à l’enrichissement du lecteur, complétant avantageusement le texte. Une belle documentation historique et culturelle servant aussi à transmettre des émotions et des ambiances…

Une des plus anciennes représentations de labyrinthe,
Pièce d’argent de Cnossos (v. 400 av. J.-C.).

L’ouvrage nous plonge dans ce que sont les labyrinthes depuis la nuit des temps. Il sont ces structures complexes composées de chemins entrelacés, conçue pour désorienter ceux qui s’y aventurent.

Historiquement, il est souvent associé à la mythologie, notamment au mythe grec du Minotaure enfermé dans le labyrinthe de Crète construit par Dédale.

Symboliquement, il peut représenter un voyage spirituel, un processus de recherche intérieure, ou une quête avec des tournants imprévus.

Dans la culture contemporaine, le labyrinthe se retrouve dans la littérature, le cinéma, les jeux vidéo et même comme motif dans les jardins et les parcs.

Thésée et le duel du Minotaure, mosaïque à Pompée.

Le livre relate la genèse d’un symbole universel pouvant naître de croyances religieuses, d’événements historiques, de pratiques culturelles ou de phénomènes naturels. Leur universalité vient de leur capacité à évoquer des concepts fondamentaux de l’expérience humaine, comme l’amour, la mort, la guerre, la paix, la fertilité ou la sagesse. Les symboles universels transcendent souvent les barrières linguistiques et culturelles pour devenir des éléments clés de la communication et de l’identité humaine.

Labyrinthe de la cathédrale de Chartres.

Nous apprenons que les premiers labyrinthes ont une origine préhistorique et représentent des symboles durables de la présence humaine. Le labyrinthe, en tant que forme géométrique, ne se trouve pas dans la nature et est donc une pure invention humaine​​. Les représentations graphiques les plus anciennes datent du IIIe millénaire avant J.-C., comme celles trouvées en Sardaigne​​. Historiquement, le labyrinthe a été intégré dans les rites d’initiation, symbolisant des épreuves de transformation où l’individu, à travers une série de défis souvent associé à des concepts de mort et de renaissance rituelles​​.

Hawara, carte du site par Lepsius.

Les différents contributeurs passent en revue toutes les époques.

Du berceau mésopotamien avec L’Épopée de Gilgamesh, précédent du Minotaure à l’Égypte ancienne et son célèbre complexe funéraire de Hawara, décrit par Hérodote comme dépassant les pyramides en grandeur, véritable temple labyrinthe.

Labyrinthe crétois, de type « bicursal ».

Ensuite, pour les labyrinthes à Crète, la référence la plus notable est celle du palais de Knossos, souvent associé au mythe du Minotaure. Ce complexe palatial est célèbre pour son architecture dédaléenne, qui a donné naissance au terme labyrinthe pour décrire des réseaux de chemins et de passages alambiqués et déroutants.

Mosaïque romaine représentant le labyrinthe et le Minotaure, Conímbriga, Portugal.

Quant aux Romains, ils ont hérité du concept de labyrinthe des Grecs et l’ont intégré dans leur propre architecture et leurs motifs artistiques. Ils étaient souvent utilisés comme motifs décoratifs dans les mosaïques de sol et pouvaient aussi symboliser des parcours spirituels ou être utilisés à des fins de divertissement.

Livre de Kells (v. 800), lettrine décorée d’un labyrinthe.

Passons au Moyen Âge, où les labyrinthes, dans le contexte chrétien, étaient souvent intégrés dans les sols des cathédrales et des églises, symbolisant le parcours complexe de la foi et représentant un chemin de pénitence.

Dans la tradition juive, la Kabbale intègre le concept de labyrinthe spirituel sous la forme de l’Arbre de Vie, une carte symbolique de l’univers spirituel. Un très beau texte « Sillons du labyrinthe dans la mystique juive » que nous devins à Esther Cohen.

Mais aussi des écrits qui nous alène à la découverte de la mystique soufie, à la tradition spirituelle indienne mais aussi au samsara faisant référence à un concept clé dans les religions indiennes comme le bouddhisme, l’hindouisme, le jaïnisme et le sikhisme, désignant le cycle incessant de la naissance, de la vie, de la mort et de la renaissance.

Labyrinthe de Blo-Jungfrun, Suède.

Les labyrinthes dans le nord de l’Europe, datant souvent de la préhistoire, font l’objet d’un développement dû à la plume de l’historien et traducteur Régis Boyer (1932-2017), spécialisé en littérature nordique et en l’âge des Vikings. Ils sont particulièrement répandus – environ 500 labyrinthes de pierre ont été découverts dans cette région se distinguant par leur antiquité et leur distribution jusqu’aux confins de l’Océan Arctique. Ces structures sont généralement interprétées comme des sortes de jardins conçus pour le jeu de s’égarer, une caractéristique que l’on retrouve également dans des labyrinthes de haies dans les jardins et parcs de divers pays européens.

Labyrinthe, champ de maïs.
Labyrinthe, jardins du château de Versailles.

Les labyrinthes de plein air – jardins et champs de maïs – ont une longue histoire qui remonte à l’antiquité, avec des exemples connus dans de nombreuses cultures à travers le monde. Originellement, ils pouvaient servir à des fins rituelles ou comme parcours méditatifs. Ces labyrinthes, qui ont commencé à gagner en popularité au XVIe siècle en Europe, avaient été introduits dans les jardins italiens comme un élément de design. Ils n’étaient pas simplement des endroits pour se perdre, mais symbolisaient également un parcours initiatique menant à la connaissance ou au sacré selon le philosophe Mircea Eliade​​. Aujourd’hui, ces labyrinthes végétaux sont répandus à travers l’Europe comme attractions touristiques. Ils peuvent être permanents, faits de thuyas ou de hêtres, ou éphémères, comme les labyrinthes de maïs qui changent de thème chaque année​​.

Karima Adebibe en Lara Croft.

Le labyrinthe en littérature, dans les arts – le labyrinthe y traverse l’histoire de l’art, symbolisant des concepts aussi divers que la quête spirituelle, la complexité psychologique, ou le voyage de la vie – mais aussi dans les jeux vidéo fait aussi l’objet d’intéressant développement. Notamment le labyrinthe dans les jeux vidéo « Lara Croft », de la série « Tomb Raider ». Ces labyrinthes sont conçus pour tester les compétences du joueur en matière de résolution d’énigmes, de navigation spatiale, et de maîtrise des commandes. Mais aussi dans des jeux plus classiques comme jeu de l’oie qui n’est pas traditionnellement un labyrinthe bien qu’il des versions du jeu qui intègrent des éléments de labyrinthe, où les joueurs doivent naviguer à travers un parcours sinueux avec des obstacles et des défis – combinant chance et stratégie ajoutant ainsi une dimension supplémentaire au simple jeu de l’oie.

Labyrinthe de la cathédrale Notre-Dame d’Amiens.

De toute façon, les labyrinthes continuent de fasciner par leur complexité architecturale et symbolique nos esprits. Ils se perpétuent à travers les âges, réapparaissant dans différentes formes, symbolisant souvent un parcours tant physique que spirituel et leur influence, même encore de nos jours, se retrouve dans de nombreuses architectures modernes, reflétant notre fascination pour ces structures remarquables.

Labyrinthe romain.

La collection « Bouquins » est une série de publications de la maison d’édition Robert Laffont, reconnue pour son catalogue varié comprenant des classiques de la littérature, des ouvrages de référence comme des dictionnaires et encyclopédies, ainsi que des œuvres d’essayistes et de penseurs. Elle se distingue par la diversité de son offre et la qualité de ses publications, souvent en éditions intégrales ou thématiques. « Bouquins » est une marque unique, souvent imitée, jamais égalée, qui explore tous les champs du savoir et de la littérature et qui est devenue, en quatre décennies, une référence essentielle pour l’honnête homme de notre temps.

C’est à Londres, en 1976, que l’aventure « Bouquins » commence. Le fondateur de la collection, Guy Schoeller, découvre dans une librairie, un ouvrage dont le procédé de fabrication innovant lui permet enfin d’éditer de gros volumes en poche. Le titre du livre ? Le Capital de Karl Marx.

Pour plus d’informations sur cette collection, vous pouvez visiter leur site.

Guy Schoeller.

Guy Schoeller (1915-2001) était un éditeur français. Il est le fils de René Schoeller, directeur général de la maison Hachette. Guy Schoeller a commencé sa carrière dans le groupe Hachette en 1945, a participé au lancement de la collection « Le Livre de poche » en 1953, et a travaillé avec Gallimard. En 1980, il a fondé la collection « Bouquins » chez les éditions Robert Laffont, et a également été directeur du magazine Femmes d’aujourd’hui.

Jean-Luc Barré.

Ladite collection est, de nos jours, dirigée par l’écrivain et éditeur Jean-Luc Barré. Celui-ci a publié, entre autres, Jacques et Raïssa Maritain, Les Mendiants du ciel (Stock, 1997), une bibliographie croisée, Le Général et le journalisteConversations avec Jean-Luc Barré (Fayard, Coll. Témoignages pour l’Homme, 2008), François Mauriac-Biographie intime, 1885-1940, Tome 1 (Fayard, 2009) et François Mauriac-Biographie intime, 1940-1970, Tome 2 (Fayard, 2010), Dissimulations-La véritable affaire Cahuzac (Fayard, 2016). Il a été récemment honoré par Prix Renaudot Essai 2023 pour son De Gaulle, une vie: L’homme de personne, 1890, 1944, Tome 1, chez Grasset.

Les Labyrinthes

Malek Abbou (dir.) Bouquins la collection, 2023, 1024 pages, 32 €

La légende de Thésée avec un détail du labyrinthe crétois– Collection privée, bridgemanimages.com
 

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Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti, fut le directeur de la rédaction de 450.fm de sa création jusqu'en septembre 2024. Il est chroniqueur littéraire, membre du bureau de l'Institut Maçonnique de France, médiateur culturel au musée de la franc-maçonnerie et auteur de plusieurs ouvrages maçonniques. Il contribue à des revues telles que « La Chaîne d’Union » du Grand Orient de France, « Chemins de traverse » de la Fédération française de l’Ordre Mixte International Le Droit Humain, et « Le Compagnonnage » de l’Union Compagnonnique. Il a également été commissaire général des Estivales Maçonniques en Pays de Luchon, qu'il a initiées.
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