jeu 21 novembre 2024 - 10:11

Le mot du mois : Aurore

Le mot est coloré, comme son origine latine *aurum, l’or.

Celui de l’auréole des saints, celui de l’aurore qui doit son nom à la couleur du feu solaire.

La brillance des écailles de la daurade, le ramage joyeux du loriot.

L’oriflamme flamboie dans le ciel féodal, les oripeaux sont des vêtements clinquants, comme l’oripeau au singulier qui désignait une lamelle de cuivre ou de laiton à l’apparence de l’or, comme une “peau d’or”. Mais l’orfèvre ne s’en laissait pas abuser.

La couleur dorée est aussi celle de l’urine et de son champ lexical, médical surtout, urée, urètre, uretère, énurésie, diurétique, barbiturique.

Mêmela divinité antique, Ouranos, lui doit son nom, celui qui laisse couler l’urine comme une pluie nourricière ou sa semence créatrice, après son émasculation par Cronos. C’est de cette écume que naît Aphrodite !

Et de l’urine dorée de leurs vaches, les Dinka du Sud Soudan teignent leur chevelure orangée.

L’Aurore est toujours associée à ce qui naît au moment propice, tel le fruit mûr parvenu à maturité, parce qu’une ancienne divinité italique Matuta était identifiée à l’Aurore.

Peut-être parce qu’elle participe du blanc, de sa pâleur inquiétante, l’aube parfois se charge de menaces, tandis que l’aurore, qui lui est souvent associée, est synonyme de renaissance, d’ouverture lumineuse après les sombres ténèbres.

Laissons à Jean Giraudoux la parole des derniers instants de son Iphigénie (1937) :

« Comment cela s’appelle-t-il, quand le jour se lève, comme aujourd’hui, et que tout est gâché, que tout est saccagé, et que l’air pourtant se respire, et qu’on a tout perdu, que la ville brûle, que les innocents s’entre-tuent, mais que les coupables agonisent, dans un coin du jour qui se lève ?- Cela a un très beau nom, femme Narsès. Cela s’appelle l’aurore. »

Annick DROGOU

Apparition. Transition. Révélation. Juste en passant de l’aube à l’aurore. Tout est affaire de couleur, d’éclat. Pâleur de l’aube, fragilité. Splendeur de l’aurore, en force, comme dans l’apparition d’une plénitude promise, bientôt réalisée. L’aurore ne peut être que resplendissante, forcément resplendissante. L’aurore comme le jour donné, l’offertoire du jour nouveau qui appelle la grâce, la reconnaissance. C’est un jour pour aimer.

Comme le veilleur attend l’aurore, chante le psaume. Quelle est donc la fonction du veilleur dans la nuit ? Seulement d’attendre la fin de la nuit, de surpasser l’obscurité. Pauvre Chantecler qui croit faire lever le soleil, sage Chantecler qui se sait à tout jamais aimé du soleil naissant. Le spectateur est étonné, bientôt comblé de l’immarcescible aurore aux doigts de rose, fille du matin, que chante Homère pour l’éternité des jours toujours renouvelés. C’est un jour pour aimer.

Dans le petit matin blême de la ville profane, dans la grisaille des empressements d’automate, n’oublie pas les aurores que tu as connues. Dans le brouillard de tes jours, souviens-toi des aurores triomphantes. Et change le plomb en or. Là, est la vie. Aime la prochaine aurore. Tu le sais, toujours elle viendra et reviendra. C’est un jour pour aimer.

Jean DUMONTEIL

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Annick Drogou
Annick Drogou
- études de Langues Anciennes, agrégation de Grammaire incluse. - professeur, surtout de Grec. - goût immodéré pour les mots. - curiosité inassouvie pour tous les savoirs. - écritures variées, Grammaire, sectes, Croqueurs de pommes, ateliers d’écriture, théâtre, poésie en lien avec la peinture et la sculpture. - beaucoup d’articles et quelques livres publiés. - vingt-trois années de Maçonnerie au Droit Humain. - une inaptitude incurable pour le conformisme.

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