dim 10 décembre 2023 - 21:12

L’humanisme est-il soluble dans l’écologie ?

Ce qu’on appelle l’humanisme est né autour du XVIème siècle. C’est un vaste mouvement d’émancipation intellectuel qui fait suite à l’invention de l’imprimerie à caractères mobiles par Gutenberg en 1450. Soudainement, les connaissances circulent librement à travers l’Europe, en latin, et déjà en langue vulgaire.

Ainsi, on n’est plus obligé de passer sous la férule du clergé, qui tient les universités et les scriptoriums, pour savoir ce qu’on a le droit de savoir. Les croyants vont directement aux textes sacrés, et cela donne la Réforme, les chercheurs vont à la connaissance comme Pic de la Mirandole, l’Homme essaie de réfléchir sur lui-même à l’instar de Montaigne, il cherche à comprendre le sens de sa destinée. Il veut pouvoir décider lui-même de la gouvernance de la cité, en débattre.

On peut considérer que l’humanisme repose sur quatre piliers : une réflexion sur l’homme et sa destinée, des discussions sur la gouvernance de la cité, une volonté de rassembler toutes les connaissances scientifiques disponibles et enfin une méthode. Cette méthode repose sur la raison et sur la validation par les pairs. Ne dépendre d’aucune autorité supérieure et d’aucun dogme, faire ses preuves par soi-même. C’est cette méthode qui va produire le siècle des Lumières dont la franc-maçonnerie se réclame.

Petit arbre qui pousse entre les mains
Petit arbre qui pousse entre les mains

L’écologie est une science. A la différence des naturalistes du XVIIIème siècle, elle étudie les êtres vivants dans leur milieu, comment ils vivent en groupe, leurs relations avec leurs voisins, leur manière de gérer les ressources, leurs écosystèmes. Au début, on l’appelait économie de la nature. A l’époque des Lumières, la conception que nous avions de l’Homme était encore directement liée à l’interprétation des textes sacrés, selon laquelle il serait d’une essence différente du reste de la Création, à part et au-dessus. Le reste du vivant ne se justifierait que par lui. Il serait le but ultime, la raison d’être de cette Création. Il en serait le roi et pourrait en user à sa guise. Il aurait pour mission de croître et multiplier et de dominer le règne animal.

Abeilles en train de butiner des fleurs
Abeilles en train de butiner des fleurs

Nul n’imaginait, quand la population humaine au début de l’Histoire comptait cent millions d’individus, qu’elle puisse un jour saturer la Terre. Nul n’imaginait non plus que l’aventure humaine ne soit qu’un épisode de l’Histoire de la Terre : 300 000 ans sur 4 milliards. Qu’il n’existe pas de séparation de nature entre les humains et les animaux, que presque tout ce que nous croyons savoir sur eux est faux : ils sont dotés d’une mémoire, d’une sensibilité, certains ont conscience d’eux-mêmes, pratiquent des formes de langages élaborés, sont capables de construire des raisonnements, d’utiliser des outils. Le Vivant est un continuum et l’Humain n’est qu’un maillon de cette méga chaîne. Selon la formule prêtée au chef indien Seattle “tout ce qui arrive à la Terre arrive au fils de la Terre”.

Personnes entourant un arbre avec ses bras
Personnes entourant un arbre avec ses bras

Alors l’écologie bouscule-t-elle notre conception de l’humanisme ? Oui. Elle l’ébranle de fond en comble. Sur son premier pilier : la conception de l’Homme. La Terre a tourné sans lui et elle tournera sans lui le jour où il viendra à disparaître. Peut-il passer du rôle de prédateur à celui de protecteur ? Sur le deuxième pilier : nos systèmes politiques sont impuissants à résoudre les problèmes qui se posent à nous. Comment réinventer une nouvelle gouvernance qui sache être à la fois mondiale et locale, à la fois unique et diverse, à la fois démocratique et efficace ? Sur le troisième pilier, celui des connaissances. Nous qui mettons la science sur un piédestal qu’avons-nous fait pour la laisser dévoyer à ce point ? Pour la laisser ronger par les obscurantismes et par les délires conspirationnistes ? Comment trouver le moyen de rebâtir un socle commun permettant de dire : voilà ce que nous savons du monde ? Le quatrième pilier est celui de la méthode. Nous n’avons jamais eu autant d’outils qui aident à réfléchir, calculer, comprendre. Reste à savoir s’en servir. Ce chantier-là reste à ouvrir, celui d’un humanisme à rebâtir, qui corresponde au monde d’aujourd’hui comme l’humanisme du XVIè siècle a correspondu au monde d’hier.

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Pierre Gandonniere
Pierre Gandonniere
Membre du Grand Orient de France et du Grand Chapitre Général. Journaliste, consultant, enseignant Auteur d’une thèse sur l’Ecologie de l’Information Auteur de : "L'Humanisme en Tablier Vert -L'Ecologie est-elle une question maçonnique ?" Detrad, 2023

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