sam 27 juillet 2024 - 06:07

De Salomon à James Anderson-L’invention de la franc-maçonnerie

Publié pour la première fois en 2008 aux éditions Vega, dans sa collection « Le Parfait Maçon »,  sous le titre L’invention de la franc-maçonnerie-Des opératifs aux spéculatifs, l’ouvrage connu une réédition dès 2011.

Jean Fouquet, autoportrait.

Aujourd’hui, les éditions Dervy, une marque du groupe Guy Trédaniel, nous offre une nouvelle édition avec un nouveau titre et une première de couverture des plus explicites représentant la « Construction du Temple de Jérusalem » (BnF, département des Manuscrits, Français 247, fol. 163 ; Livre VIII), tirée de Flavius Josèphe, Les Antiquités judaïques, une enluminure de celui qui est considéré comme l’un des plus grands peintres de la première Renaissance et le rénovateur de la peinture française du XVe siècle, Jean Fouquet (c. 1420-c. 1480).

En une seule image, que nous pourrions interpréter de la sorte, telle une description de tableau ou tapis de loge déclinée au Rite Anglais de Style Émulation « À droite, un ouvrier, aidé de deux commis porteurs d’eau, prépare le mortier. Au centre au premier plan travaillent les tailleurs de pierres : deux dégrossissent les blocs avec des masses, deux travaillent à l’aide d’un ciseau, l’un creusant une mortaise, l’autre sculptant un bloc, auprès d’un compagnon parachevant une moulure à l’aide de son pic. Un imagier a posé près de lui marteau, ciseau et gouge pour prendre, à l’aide d’un compas, une mesure sur la statue qu’il ébauche. Un aide soulève péniblement un tambour de colonne prêt à la pose. Deux portefaix emportent sur un brancard une pierre. Des ouvriers, hotte sur le dos ou seau sur l’épaule, entrent et sortent du Temple par les portails à deux entrées, apportant le matériel nécessaire aux travaux dans l’œuvre. Sur un échafaudage, le long de la façade de droite entre les rosaces, on aperçoit les silhouettes de peintres terminant le revêtement doré ».

Sur la maçonnerie dite opérative, tout est dit, ou presque !

Rappelons que le titre et la couverture sont les premières choses qu’un(e) lecteur(trice) voit d’un texte. Dans cette perspective, le titre doit d’abord correspondre à l’imaginaire du lecteur et ainsi l’attiré. Tout comme le titre s’adressant à un public spécifique. D’emblée, Roger Dachez nous dit quelle histoire il va nous conter.

Dans son avertissement, l’auteur nous précise qu’il était nécessaire de tenir compte des acquis les plus récents en matière de maçonnologie. Il délivre ici une synthèse accessible à tous, reprenant les travaux publiés depuis environ quinze ans, les enrichissants d’échanges avec plusieurs érudits maçonniques anglais.

À titre nouveau, couverture nouvelle mais aussi écrits tout aussi nouveaux et enrichis.

Roger Dachez, avec tout le sens pédagogique dont il fait preuve, explique que dans l’esprit des maçons eux-mêmes et a fortiori du public, « histoire, légendes et mythes ont été confondus, concernant les origines de l’une des plus anciennes sociétés initiatiques de l’Occident ».

Le roi Salomon.

De Salomon, roi de l’ancien royaume d’Israël, réputé pour sa richesse et sa sagesse, dont règne est décrit dans le premier livre des Rois qui bâtit la première Maison de Dieu, le Temple de Jérusalem – une construction qui dura sept ans – au pasteur presbytérien James Anderson (1678-1739), qui contribua aux « Constitutions, Histoire, Lois, Obligations, Ordonnances, Règlements et Usages de la Très Respectable Confrérie des Francs-maçons acceptés » considérées comme l’un des textes fondateurs de la franc-maçonnerie moderne dite spéculative, dont le tricentenaire est fêté cette année, l’auteur s’inscrit dans l’Histoire.

Rochez Dachez nous conduit nous conduit à travers un magnifique voyage, celui des chantiers des cathédrales, entre mythes et réalités. L’auteur sépare, en quelque sorte, le bon grain de l’ivraie.

Non pas pour trier ce qui est bénéfique et ce qui est nuisible, mais pour donner au terme maçon juste une définition, une définition juste. Il nous apprend surtout que parmi la classe des maçons, il y avait ceux qui étaient dits les maçons de pose (layers) et les maçons de taille (hayers).

Et de nous faire mieux connaître les ouvriers et les servants, les maîtres et les architectes (évêque, abbé, clercs tous hommes de culture à l’époque). En expliquant ce qu’était exactement, au Moyen Âge, une telle profession, distinguant maître d’ouvrage, d’œuvre et la répartition de leurs rôles…

Source BnF-Gallica.

Puis, il nous plonge ensuite avec délice dans ce monde opératif que sont les guildes, corporations et confréries, bien distingué selon les époques, mais aussi les pays. Il nous met aussi en garde contre des énoncés faciles tels que les origines corporatives de la franc-maçonnerie. Du célèbre Règlemens sur les arts et métiers connus sous le nom du Livre des métiers rédigés vers 1268 au temps du roi très chrétien Louis IX (1214-1270), dit Saint Louis, par Étienne Boileau, prévôt de Paris, premier grand recueil de règlements sur les métiers parisiens protégeant les droits des ouvriers au sein des Corporations, à l’Angleterre des Old Charges (Anciens Devoirs), Roger Dachez n’hésite pas à consacrer 45 pages au « Problème du Compagnonnage ». Il aborde ensuite les deux grandes théories en présence concernant l’apparition de la franc-maçonnerie spéculative, la thèse de la transition – théorie par l’acceptation de gentlemen masons au cours des XVIIe et XVIIIe siècle – et celle de l’emprunt où les fondateurs des premières loges aux cours des mêmes siècles n’auraient fait qu’emprunter les formes opératives pour donner un certain éclat à leur création. L’auteur émet ensuite un certain nombre d’hypothèses liées à l’origine de la franc-maçonnerie : des théories politiques,  religieuses, sans oublier de mentionner l’aspect charitable et fraternel, c’est-à-dire une société d’entraide.

James Anderson par Travis Simpkims.

Son avant-dernier chapitre, « Retour vers l’Écosse, la terre promise ? », dont l’idée lui fut inspirée après lecture de deux ouvrages de David Stevenson, traite de William Shaw,  dont les célèbres « Statuts Schaw » relatent d’une réglementation de la profession de maçon « opératif », s’appliquant aux employeurs, aux salariés, et sous la houlette d’une organisation du métier.

John-Theophilus-Desaguliers
Jean-Théophile Desaguliers.

Mais c’est avec James Anderson et le pasteur anglican Jean-Théophile Désaguliers, ardent défenseur et propagateur des idées de cette figure emblématique des sciences qu’est Isaac Newton (1642-1727), que l’auteur aborde la Royal society.

Dans les annexes, Roger Dachez propose des approfondissements et donne de nouveaux jalons pour revisiter la théorie classique.  Ce qui devraient apaiser la soif d’apprendre des cherchants. Tout n’étant cependant pas encore résolu quant au problème des origines de la franc-maçonnerie spéculative, l’auteur nous parle même de l’apparition d’une formulation dite théorie synthétique.

Le roman des origines passionnera toujours le maçon. Nous avons, ici et maintenant, les idées mises au clair qui permettent de mieux comprendre l’apparition de la maçonnerie et la construction d’une nouvelle sociabilité anglaise.

Un ouvrage indispensable qui apporte, et de manière très accessible, beaucoup de lumière sur la sempiternelle question des maçons : d’où viens-je et qui suis-je ?

Roger Dachez.

*Médecin et universitaire, Roger Dachez a été chargé d’enseignement à l’Université Paris 7- Denis-Diderot et président de l’Institut Alfred Fournier à Paris.

Président de l’Institut Maçonnique de France depuis sa fondation en 2002, il est aussi membre du Comité scientifique du musée de la franc-maçonnerie (Musée de France), situé à Paris en l’Hôtel du Grand Orient de France, et Contributing Member de la Scottish Rite Research Society (Washington). Parallèlement, il dirige depuis 1992 la revue d’études maçonniques Renaissance Traditionnelle, créée en 1970.

Sceau de la LNFU.

Depuis le 21 avril 2018, Roger Dachez est Grand Maître des Loges Nationales Françaises Unies (LNFU) qui regroupent les Frères et les Sœurs de la Loge Nationale Française, fédération de loges née en 1968, et de la Loge Nationale Mixte Française (LNMF) dans une seule et même Obédience.

En sa qualité d’écrivain et de médecin, nous lui devons d’ailleurs une très belle Histoire de la médecine-De l’Antiquité à nos jours (Éd.Tallandier, 2012 et nouv. éd., Coll. Texto, 2021)

Considéré comme un historien majeur de la franc-maçonnerie, il est l’héritier de la méthode historique appliquée par son maître et père spirituel le journaliste, historien de l’art, critique d’art, conservateur de musée, franc-maçon, maçonnologue et martiniste René Guilly (1921-1992), pseudonyme René Désaguliers.

Depuis près de trente ans, il a présenté de nombreuses conférences en France et en Grande-Bretagne et il est l’auteur de nombreux articles de recherche sur les origines historiques et les sources traditionnelles de la franc-maçonnerie, publiés dans des revues françaises ou étrangères.

Nous lui devons plus d’une vingtaine d’ouvrages, et notamment : L’Invention de la franc-maçonnerie-Des opératifs aux spéculatifs  (Véga, 2008), Régularité et reconnaissance, histoire et postures (Conform, 2015), mais également plusieurs volumes de la Collection « Que sais-je ? » aux Presses Universitaires de France – dont : Histoire de la franc-maçonnerie française (2003), Les 100 mots de la franc-maçonnerie (avec Alain Bauer, 2007), Le Rite Écossais Rectifié (avec Jean-Marc Pétillot, 2010). Plus récemment il a publié un important volume sur la Nouvelle histoire des francs-maçons en France-Des origines à nos jours avec Alain Bauer (Tallandier, 2020) – disponible aussi en Livres audio Audible – ainsi que Les francs-maçons en 100 questions (Talllandier, 2021), une Histoire illustrée du Rite Écossais Rectifié (Dervy, 2021), un Précis de maçonnerie de la Marque (La Tarente, 2021).

De Salomon à James Anderson-L’invention de la franc-maçonnerie

Roger DachezDERVY, 2022, 272 pages, 24 €

Disponible chez DETRAD

1 COMMENTAIRE

  1. Excellent livre qu’il faut avoir dans sa bibliothèque. Cependant Roger Dachez n’est pas historien. Il est plutôt un vulgarisateur de talent de l’historiographie de la franc-maçonnerie britannique ainsi qu’un conférencier passionnant à écouter. Grâce à lui, les maçons français ont pu être sensibilisés aux avancées de la recherche historique sur les origines de la franc-maçonnerie outre-Manche. Ce qui n’est pas la même chose et peut l’amener, parfois, à une certaine condescendance à l’égard des francs-maçonneries d’Europe continentale et des auteurs qui ont d’autres approches que les siennes.

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Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti est directeur de la rédaction de 450.fm. Il a fait l’essentiel de sa carrière dans une grande banque ancrée dans nos territoires. Petit-fils du Compagnon de l’Union Compagnonnique des Compagnons du Tour de France des Devoirs Unis (UC) Pierre Reynal, dit « Corrézien la Fraternité », il s’est engagé depuis fort longtemps sur le sentier des sciences traditionnelles et des sociétés initiatiques. Chroniqueur littéraire, membre du bureau de l'Institut Maçonnique de France (IMF) et médiateur culturel au musée de la franc-maçonnerie (Musée de France), il collabore à de nombreux ouvrages liés à l’Art Royal et rédige des notes de lecture pour plusieurs revues obédientielles dont « La Chaîne d’Union » du Grand Orient de France et « Chemins de traverse » de la Fédération française de l’Ordre Mixte International Le Droit Humain ou encore « Le Compagnonnage » de l’UC. Initiateur des Estivales Maçonniques en Pays de Luchon, il en a été le commissaire général. En 2023, il est fait membre d'honneur des Imaginales Maçonniques & Ésotériques d'Épinal (IM&EE).

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