jeu 02 mai 2024 - 17:05

Mixité et diversité : vitamines de nos loges

La science creuse la dynamique des groupes et montre comment et pourquoi la mixité et la diversité peuvent booster nos loges.

Afin de rafraîchir quelque peu nos neurones en ces temps de canicule, la Rédaction de 450.fm nous pondait l’autre jour un édito psycho-socio au titre fracassant :  https://450.fm/2023/08/11/loges-mixtes-plus-intelligentes-la-science-repond/

Impossible d’échapper à une accroche aussi imparable :  en plein dans un sujet type «  l’éternel retour », qui a fait couler tant d’encre :  peut-on dire que les loges mixtes font de la vraie franc-maçonnerie ( malgré ce que les pasteurs Anderson et Desaguliers ont écrit dans les constitutions il y a 300 ans ) ?  On se doute qu’ici encore  il y a eu très peu de changements d’avis :  les discussions, même par les meilleurs tribuns, ne réussissent pas à vaincre les préjugés. Seule une pratique de terrain peut obtenir quelque résultat sur les mentalités . Serions-nous devant le pendant maçonnique des marronniers d’été de la presse grand public ? Ben non, parce que dans l’article et ses liens il y a de vrais morceaux de science ! Grattons un peu.

La Mecque des ingénieurs, le MIT de Boston, a travaillé sur l’intelligence des groupes, y associant un test QI à la manière des tests pour individus.

L’université de Carnegie Mellon, avec Emile Servan-Schreiber, apporte également sa contribution. La question est passionnante : on nous vante depuis un bon moment l’intelligence collective, il est donc temps de normer les définitions, de se doter d’outils de mesure et de creuser plus avant.  

Un premier effet du travail en groupe, comparé au travail individuel, est l’effet que je nommerais paille-poutre. Chaque personne a plusieurs biais cognitifs ; le plus célèbre est le biais de confirmation, filtre qui privilégie – inconsciemment ! – ce qui correspond à ses attentes . C’est pourquoi on ne voit pas la poutre dans notre œil, alors que la moindre paille dans l’œil de l’interlocuteur nous apparaît instantanément . Ce premier effet est déjà suffisant pour nous faire dire que le groupe est plus fort que la somme des individus. Mais des éléments récents se rajoutent.

Depuis 2010, les équipes cherchent des corrélations entre les intelligences individuelles et celles du groupe. Chou blanc pendant un bon moment :  rien de probant entre les moyennes des individus et celles du groupe, rien non plus entre le groupe et les maxis individuels…Mais une corrélation existe entre la taille du groupe et le QI du groupe : la diversité joue positivement. On s’en doutait un peu : il est connu qu’un patron égotique, qui consulte peu ses équipes, prend de gros risques d’erreurs . On raconte que la taille de l’égo d’un patron est corrélée à la surface de sa signature. Du coup vous savez quoi vérifier avant d’acheter des actions d’entreprise, pigé ?

La plus belle corrélation positive apparaît avec le nombre de femmes dans le groupe.

Damned, d’où cela provient il ? Bon, nous maçons on va se mettre en retrait, ce qui nous intéresse c’est l’égrégore, que diable on n’est pas dans le monde entrepreneurial, non ? Eh ben si, on va être concernés : explications .

Nos chercheurs ont pisté les raisons qui expliquent les corrélations trouvées. Premier constat : la diversité ne prend son plein effet que si chacun et chacune dans le collectif d’opinions différentes dispose de la liberté et du temps nécessaires pour dérouler sa pensée. Il est courant de constater qu’au fil du temps un déséquilibre de temps de parole s’installe inexorablement…souvent au profit d’un sous-groupe d’hommes. On ne va pas ici refaire le procès du virilisme, mais si vous avez le temps, regardez la vidéo Le Vortex S6Ep8 ( https://www.youtube.com/watch?v=xqqzMjfFa10 ). Elle montre une expérience dans laquelle une femme dispose de toutes les bonnes réponses, mais un bavardage masculin empêche le groupe de le détecter.

Comment font les femmes pour booster ainsi la performance du groupe ? Petit retour sur nos croyances traditionnelles. Héritée de nos chères Lumières mais désormais bien accrochée : l’idée de séparation du cœur/sentiments et de la raison/intelligence. Notre méthode inclut un passage quasiment obligé par la dualité, qui  favorise l’ancrage de ce clivage dans notre réflexion. Cet ancrage reste très vivace : voir « Système 1, système 2 » qui a valu le Nobel à Kahneman en 2002. On a depuis lors compris que les deux systèmes sont interdépendants, avec même une subordination de la raison à la sphère des émotions et désirs.  Les valeurs traditionnelles transmises par l’éducation aux garçons incluent souvent un certain bridage des émotions. Il s’ensuit que les femmes ont la plupart du temps une intelligence émotionnelle plus développée que celle des hommes  . Comprendre mieux les états émotionnels internes de ses interlocuteurs, afin par exemple, de préventivement éviter à la relation de se dégrader, augmente et pérennise le « rendement » du travail de groupe. En loge cela stabilise le climat et favorise l’égrégore !

Le psychologue Simon Baron Cohen a développé un test de lecture dans les yeux .

Il s’agit de détecter l’état émotionnel d’un interlocuteur rien qu’en regardant une photo de ses yeux. En moyenne le score des femmes est meilleur que celui des hommes. De plus, le QI du groupe est corrélé positivement avec la moyenne des résultats des membres au test de lecture dans les yeux.

Retenons de tout cela que la dynamique de groupe est un domaine en plein bouillonnement. Parmi les pistes d’amélioration du fonctionnement d’un groupe : la réduction des 3 gisements de pertes que sont :

– les biais cognitifs des individus composant le groupe, 

– les effets délétères du déséquilibre de temps de parole, ou

– la non-détection des compétences disponibles.

Conclusion : oui la caisse à outils du VM et de son collège d’officiers peut encore s’améliorer ! Mixité et diversité seront les « mamelles » de nos égrégores !

2 Commentaires

  1. Je suis assez méfiant dès que l’on parle neurosciences, QI, bais cognitifs, et autres expériences dont on relate à grands traits les protocoles pour justifier telle ou telle chose. Là on est en train de nous dire – avec des mots choisis et la science en bandouillère comme argument d’autorité – que la maçonnerie mixte est le nec plus ultra de la forme maçonnique. La femme aux bonnes réponses modère l’homme bavard. La féminité anéantit le virilisme.
    Et si on redescendait sur le plancher des vaches ?
    En rappelant notamment le fondement de la liberté d’association. La liberté d’association est la liberté de s’associer comme l’on veut.
    En rappelant aussi qu’il ne faut pas confondre spécificité et reconnaissance.
    L’égrégore est une affaire de loge, pas de genre. Elle n’obéit à aucun critère si ce n’est à l’instant même où elle apparaît lorsque l’atelier, rituellement assemblé, est au travail.
    Personnellement, je suis dans une loge masculine par choix. Et je m’en porte très bien. Ma femme aussi d’ailleurs parce qu’elle n’est pas maçonne et que la maçonnerie ne l’a jamais intéressée.

  2. Merci d’avoir partagé ton point de vue, frère FB ! On a tous tendance à rejeter la science dès qu’elle nous dérange. C’est pourquoi tant de croyances fausses réussissent à survivre longtemps : la vérité s’efface devant le bénéfice.

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Patrick Van Denhove
Patrick Van Denhovehttps://www.lebandeau.net
Après une carrière bien remplie d'ingénieur dans le secteur de l'énergie, je peux enfin me consacrer aux sciences humaines ! Heureux en franc-maçonnerie, mon moteur est la curiosité, et le doute mon garde-fou.

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