mar 03 décembre 2024 - 07:12

Les frères francs-maçons vietnamiens oubliés en Indochine

Présentation de l’éditeur

Autrefois, le Vietnam était une colonie française. Étiré tout au long d’une côte sinueuse, le pays a été divisé en trois régions qui ont été fusionnées dans ce qui a formé l’Indochine qui comprenait outre le Vietnam, le Laos et le Cambodge. La colonisation française s’est étendue sur plus d’un siècle.

De nombreux intellectuels vietnamiens ont nourri le désir d’accéder à l’indépendance de leur nation. Confrontés à une puissance coloniale de premier plan qui possédait de vastes territoires à travers le monde, ils se sont alliés malgré leurs divergences, afin de libérer le pays du joug du colonisateur. Adhérer aux valeurs de la franc-maçonnerie leur a donné les moyens et les outils de préserver leur culture et leur langue afin de lutter pour la liberté, l’égalité et la fraternité de manière pacifique. Certains francs-maçons ont eu une influence spectaculaire dans cette guerre du silence. Leurs succès et leurs échecs sont devenus légendaires.

Carte administrative de l’Indochine française de 1900 (rattachement du territoire chinois de Kouang-Tchéou-Wan) à 1945 (rétrocession du même territoire).

Biographie de l’auteur

Trân Thu Dung est née en 1956 à Hanoï au Vietnam. Docteure ès-histoire, écrivaine et journaliste-traductrice, elle est professeure à l’Ecole Normale Supérieure (ENS) de Hanoï.

[NDLR : Le grand intérêt de l’ouvrage de notre sœur Trân Thu Dung, qui a passé sa thèse de doctorat sur « Le caodaïsme et Victor Hugo » et qui est membre du GODF depuis près d’une dizaine d’années, c’est de nous faire découvrir finalement trois mondes :

– un territoire de l’ancien empire colonial français, l’Indochine française ou, plus exactement, officiellement nommée Union indochinoise puis Fédération indochinoise, dans cet extrême orient faisant fantasmer nos imaginaires ;

Emblème du gouvernement général de l’Indochine.

– la franc-maçonnerie en général et les francs-maçons vietnamiens en particulier, afin que ceux-ci soient désormais en pleine lumière ;

– une religion syncrétiste, dont nombre de ses dirigeants seront initiés, appelée le caodaïsme.

Préfacé par le journaliste Hoàng Hung, louveteau, ayant lui-même souffert de la répression communiste – l’UNESCO ayant condamné tous ses actes de barbarie –, met en exergue le fait que ce sujet a été que trop rarement évoqué. Mettant en avant l’omniprésence des intellectuels vietnamiens au sein des instances de la franc-maçonnerie dans les domaines de la médecine, du droit, des sciences naturelles, de l’éducation, du journalisme, mais aussi, phénomène moins connu, dans celui du militaire et, assez surprenant, celui aussi du religieux.

Trân Thu Dung, auteure de près de dix ouvrages.

Pour ceux qui ont la mémoire courte, souvenons-nous que la révolution bolchévique en Russie – ensemble d’événements ayant conduit en février 1917 au renversement spontané du régime tsariste, puis en octobre de la même année à la prise de pouvoir par les bolcheviks et à l’installation d’un régime léniniste – donne naissance au premier État communiste du monde ; un chemin depuis emprunté par d’autres pays. Plus de 100 millions d’innocents perdront la vie au fil des ans.

Dans la première partie de son ouvrage, l’auteure donne quelques notions de la franc-maçonnerie, de sa naissance en Europe au XVIIIe siècle, de l’appellation des frères 3 points, ainsi que de l’explication des symboles caractéristiques visibles au sein d’une loge que sont le célèbre œil, le compas, l’équerre et la lettres G. Elle parcourt aussi quand, comment et pourquoi la franc-maçonnerie est arrivée au Vietnam ? Elle réalise, en quelque sorte,  un état des lieux. Partant d’une situation générale, avec la technique de l’entonnoir, elle arrive aux loges maçonniques indochinoises.

Drapeau du Vietnam.

L’occasion bien sûr d’analyser les relations entre le Parti communiste, patri de masse qui, lui aussi, a toujours lutté pour les pauvres, exigé l’abolition de l’esclavage et l’émancipation des colonies, et la franc-maçonnerie. Y accueillant même l’élite vietnamienne, initiée soit en France soit sur place.

Interdite, comme en France, par l’État français siégeant à Vichy, régime de collaboration avec le Troisième Reich, la maçonnerie en extrême orient reprend difficilement force et vigueur. Malgré une présence du Droit Humain et de la Grande Loge de France, l’Indochine reste une terre de mission du Grand Orient de France. Des maçons tant dans l’administration coloniale qu’au plus haut sommet de la hiérarchie, en comptant parmi ses membres de nombreux gouverneurs français.

Hanoï, Temple maçonnique, écroulé en septembre 2015.

Trân Thu Dung aborde, avec originalité, la composition du paysage maçonnique indochinois, à travers le portrait d’homme éminents. Des maçons présentés d’après leur profession : éducation, profession libérale, médecine, autre sciences, militaires français. Tous avaient à cœur de mettre en œuvre leurs idéaux. Notamment ceux liés à la devise de la République française : Liberté-Égalité-Fraternité. Un engagement qui s’est, depuis, transformé en légende.

Grand temple du Cao Daï, Tay Ninh, Vietnam.

Dans cette même troisième partie, beaucoup découvriront le caodaïsme de sa naissance à ses dignitaires, eux-aussi francs-maçons. Ce mouvement religieux, très identitaires, est-il une société secrète, une secte politico-religieuse ou, simplement, juste un syncrétisme vietnamien ? Le caodaïsme, c’est un extraordinaire et incroyable mélange de culte des ancêtres mais aussi des héros, de foi catholique et de prosélytisme des différentes églises évangéliques, de bouddhisme, taoïsme, confucianisme sans omettre le génies et les esprits ! Puis l’auteure consacre sa quatrième partie à l’engagement politique. Une manière de connaître les arcanes du pouvoir qui passa d’une république démocratique à une république socialiste…

Enfin, pour le maçon, la cinquième et dernière partie,  qui pourrait s’intituler gloire au travail, est une sorte de glorification à la fois de la religion mais d’une glorification à travers les noms de rues d’avant et d’après 1975 (chute de Saïgon). L’occasion de traiter longuement aussi d’Hô Chi Minh, ancien président de la République démocratique du Vietnam.

Hô Chi Minh, en 1946.

Trân Thu Dung a puisé aux meilleurs sources , : la mémoire des familles ! Mais aussi à de nombreux documents d’archives tant personnelles qu’officielles, reproduites.

Au-delà du nom de loges qui, jadis, dans cet Extrême-Orient nous faisait rêver : Le Réveil d’Orient, La Fraternité Tonkinoise, Fervents du Progrès, L’Étoile du Tonkin, La Ruche d’Orient, Les Écossais du Tonkin. L’Avenir Khmer, Fraternité et Tolérance, gardons à l’esprit que, depuis 1975, la franc-maçonnerie est interdite au Vietnam.

Les frères francs-maçons vietnamiens oubliés en Indochine

Trân Thu DungL’Harmattan, 2023, 204 pages, 22 €

À commander chez L’Harmattan, ici.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti, fut le directeur de la rédaction de 450.fm de sa création jusqu'en septembre 2024. Il est chroniqueur littéraire, membre du bureau de l'Institut Maçonnique de France, médiateur culturel au musée de la franc-maçonnerie et auteur de plusieurs ouvrages maçonniques. Il contribue à des revues telles que « La Chaîne d’Union » du Grand Orient de France, « Chemins de traverse » de la Fédération française de l’Ordre Mixte International Le Droit Humain, et « Le Compagnonnage » de l’Union Compagnonnique. Il a également été commissaire général des Estivales Maçonniques en Pays de Luchon, qu'il a initiées.

Articles en relation avec ce sujet

Titre du document

Abonnez-vous à la Newsletter

DERNIERS ARTICLES