jeu 21 novembre 2024 - 14:11

Thérianthrope : étude sur la caricature « animalière » de la Franc-maçonnerie

De notre confrère blog-glif.fr – Du Frère Gérard Lefèvre

Notre Très Cher Frère Gérard Lefèvre nous offre une étude sur la caricature « animalière » de la Franc-maçonnerie, et cela depuis le XVIIIe siècle. Mais n’y a-t-il pas des racines profondes dès l’Antiquité pour invoquer des figures animales pour représenter les plus profonds mystères de la vie et de la mort ? Alors caricatures ou métaphores ?

Il écrit :

Thérianthrope : du grec ancien θηρίον , thêríon (« bête sauvage, animal ») et ἄνθρωπος , ánthrôpos (« homme, être humain »).

Plusieurs civilisations ont sacralisé des animaux. Hormis quelques exceptions, ce n’est pas le cas de la franc-maçonnerie. On ne voit à cela aucune explication éclairante. Le Siècle des Lumières a prodigué les marques d’admiration au règne animal. Buffon, Lamarck, Daubenton sont des gloires nationales. Les “Fables” de la Fontaine restent lues et décryptées dans les écoles. Mais chez les animaux règne la loi du plus fort. Serait-ce la cause de cette curieuse exclusion ?

Les quelques animaux qui dominent la symbolique des rites et des grades maçonniques, incarnent l’expérience spirituelle par excellence, le don de soi, la mort initiatique et la renaissance (le Pélican, le phénix).

Quelques animaux, moins connus, mal connus et parfois oubliés des Francs-Maçons, restés mineurs, sont pourtant présents dès les plus anciens rituels : abeille, coq, la colombe et chien, etc. Ils sont des marqueurs de la progression éthique, de la vigilance intérieure, de l’absolue fidélité et de la fraternité maçonnique.

D’autres animaux, inconnus des mythes et des rites maçonniques, ne sont pas moins appréciés et aimés des Maçons, comme le chat, alors qu’il était adulé dans le monde arabo-musulman à l’image de Muezza, la chatte du prophète et se trouvait être le compagnon préféré des bonzes dans l’Asie bouddhiste.

Et le serpent… Eh oui grâce à lui la ceinture de notre tablier se ferme. Mais qu’avait-il fait pour qu’Epiméthée, le frère de Prométhée, qui a tout donné aux animaux, ne donne rien à ce reptile : Nul ne sait.

Dans la mythologie grecque, Échidna (en grec ancien Ἔχιδνα / Ékhidna), moitié femme et moitié serpent, est la mère de nombreux monstres. Dans la Bible, seulement deux animaux parlent ; l’ânesse (« Alors le Seigneur ouvrit la bouche de l’ânesse, qui dit à Balaam : Que t’ai-je fait, pour que tu m’aies frappée déjà trois fois ? », (Nombres 22, 28) et le serpent (« Le serpent dit à la femme : « Dieu a-t-il vraiment dit : Vous ne mangerez aucun des fruits des arbres du jardin ? » (Genèse 3, 1 à 4). C’est parce qu’ils représentent chacun les deux extrêmes de l’âme animale de l’homme (la Néfesh) : un esprit sans cœur pour le serpent et un cœur sans esprit pour l’âne.

Le Maçon doit-il échanger avec l’animal et rechercher son compagnonnage dans sa marche vers la lumière ? Ce n’est sans doute pas un hasard, il importe enfin de le rappeler, si la tradition abrahamique, de la Bible au Coran, rapporte que le roi Salomon, figure-clé de la mythologie maçonnique, a obtenu de Dieu le don de parler la langue des oiseaux et des animaux (IR, 4,3 3 ; Coran 27, 16). Ces derniers ont donc nécessairement leur place dans le grand projet maçonnique de construction du Temple-Monde auquel la création entière est conviée, cette même création que Noé a accueillie dans son Arche.

De tous temps les hommes ont voulu se donner des origines extraordinaires et fabuleuses, que ce soit en tant qu’espèce ou en tant qu’individus.

Si de nombreux mythes nous montrent le premier être humain façonné d’argile et animé par le souffle divin, beaucoup de légendes associent néanmoins la naissance de l’homme aux animaux. Il n’est bien sûr pas possible de citer tous les cas, ce serait fastidieux et inutile. Bornons-nous donc à rappeler ce mythe et légende.

On sait, par exemple, que la ville de Rome a lié son origine au loup, ou plutôt à la louve qui allaita Romulus et Remus. Cette louve mythique était d’ailleurs probablement en fait une prostituée, car on sait que celles-ci étaient, lors de certaines fêtes, mises nues et recouvertes d’une peau de loup. L’association n’est donc pas hasardeuse.

Dans le bestiaire médiéval, les mœurs des animaux renvoient à l’écriture. Les fables utilisent l’animal comme miroir de l’homme, le mettent en scène dans des histoires qui reflètent la société de manière critique et satirique, et en tirent une morale.

À la même époque (1310-1314), Gervais du Bus écrit le roman de Fauvel, qui raconte l’histoire d’un âne devenu roi. Véritable pamphlet contre l’ordre établi et contre le roi Philippe le Bel, il décrit un « monde à l’envers » où les hommes se conduisent comme des bêtes.

George Orwell (1903-1950) prend lui aussi le masque de l’animal pour dénoncer les utopies du 20e siècle : paru au lendemain de la Seconde guerre mondiale, La ferme des animaux (1945) brosse le tableau d’une république des animaux, sorte de communauté égalitaire, qui vire à la dictature et l’esclavage.

George Orwell.

Serions-nous les fils de Thot ‘’le thérianthrope’’, créateur par le verbe. On se rappelle le Prologue de l’évangile de Jean : « Tout fut par lui, et rien ne fut sans lui … » ?

La thérianthropie est la transformation d’un être humain en animal, de façon complète ou partielle, aussi bien que la transformation inverse dans le cadre mythologique et spirituel concerné.

Être ou ne pas être des thérianthropes ?

Ce thème très ancien plonge ses racines dans le chamanisme et apparaît sur d’anciens dessins dans des grottes préhistoriques, comme la grotte des Trois-Frères en Ariège et dans le panthéon des dieux égyptiens, tous possèdent des têtes animales ou possédant la capacité de se changer en de tels animaux, sont aussi des thérianthropes. (Plusieurs divinités égyptiennes ont des têtes d’animaux. On trouve Sobek à tête de crocodile, Horus à tête de faucon, Sekhmet à tête de lionne et bien sûr Thot à tête d’Ibis.

Les dieux égyptiens ont souvent des attributs animaux qui leur sont associés. Ces attributs sont souvent liés aux caractéristiques de l’animal en question. (Par exemple, le faucon est un animal rapide et puissant, tandis que le crocodile est un animal féroce et dangereux. Les dieux égyptiens étaient souvent représentés avec des têtes d’animaux pour symboliser leur puissance et leur force)

Faut-il séparer l’homme de l’animal comme le veut Aristote, tout en assurant la continuité entre l’espèce de vivants animés, ou bien faut-il admettre, avec Platon et ceux qui croient à la métempsycose, que l’âme humaine et l’âme animale peuvent se confondre ?

Prenons garde cependant à ne pas trop humaniser la nature, au risque de dénaturer l’humanisme.

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