jeu 28 mars 2024 - 11:03

Les ouvriers du temple de Jérusalem, ce qu’en retient la Franc-maçonnerie

Selon les Textes (I Rois, 5, 13 à 18), les ouvriers du Temple de Salomon employés à la construction du Temple furent environ 183300 à savoir : 30000 hommes de corvée envoyés alternativement au Liban et sur le chantier, 70000 porte-faix, 80000 tailleurs de pierre dans la montagne et 3300 maîtres (harodim), mais selon II Chroniques 2,18, les maîtres furent 3600, mais selon IRois 9, 23 ils furent 550.

Parce que l’or y abondait, 1Rois;6,21, 22 et  2Chroniques;3,7 , n’oublions pas les ouvriers autres que ceux de la pierre parmi lesquels un certain Hiram! C’est ce qui créa la légende des mines d’or et d’argent du roi Salomon. C’est à Ophir, un port ou une région mentionnée dans la Bible, que le roi Salomon fut censé avoir reçu tous les trois ans une cargaison d’or, d’argent, de bois, 1 Rois ; 9,28. En fait, les archéologues pensent qu’il s’agissait de l’exploitation de mines de cuivre de la vallée de Timna par les édomites, sur le commerce duquel Salomon aurait touché des droits de passage. C’était un métal très précieux à l’époque pour fabriquer le bronze.

Les Old charges évoquent aussi le nombre d’ouvriers. Ainsi le Manuscrit Cooke (p.8) indiquerait qu’il y avait 80000 maçons à l’ouvrage (iii|i|. score thousand masons at his werke) tandis que le Manuscrit Lansdowne indique 24000 Workers of Stone (p. 72/105). Peu de manuscrits des Old charges, dans leur partie historique, indiquent le nombre exact.

C’est ce que rapporte les Constitutions d’Anderson : «3600 princes ou maitres maçons pour conduire le travail d’après les instructions de Salomon, avec 80000 tailleurs de pierre ou compagnons dans la montagne; et 70000 manœuvres : en tout 153600 en plus de la levée, sous Adoniram, pour travailler dans les montagnes du Liban alternativement avec les Sidoniens, à savoir 30000, faisant en tout 183600.». Il est ajouté dans une note de ses Constitutions de 1723 (p.4): « Dans les Rois (I, v. 16), on les nomme Harodim (hé, resh, daleth, iod, mem), Gouverneurs ou Prévôts assistant le Roi Salomon et qui furent mis à l’Œuvre. Leur Nombre n’est que de 3.300; mais dans les Chroniques (II, v. I8), on les appelle Menatzchim (men,noun,teth,eth,iod,men), Surveillants et Consolateurs du Peuple au Travail, et ils sont au Nombre de 3.600. Il se peut que 300 d’entre eux pouvaient être de plus curieux Artistes et Surveillants des autres 3.300; ou encore, qu’ils n’étaient pas tellement excellents, mais seulement Maîtres-Adjoints pour les remplacements en cas de Décès ou d’Absence : ainsi, il y avait toujours 3.300 Maîtres actifs au complet. Ou bien encore, ils pouvaient être les Surveillants des 70.000, Ish Sabbal (aleph,iod,schin, samek,beth,lamed), hommes de Peine ou Travailleurs, qui n’étaient pas Maçons mais servaient les 80.000, Ish Chotzeb (aleph,iod,schin eth,tsadé,beth), hommes de Taille, nommés aussi Ghiblim (guimel,beth,lamed, iod,men), Tailleurs de Pierre et Sculpteurs, ou encore Bonaï (beth, noun, iod), Bâtisseurs en Pierre. Ils appartenaient en partie à Salomon et en partie à Hiram, Roi de Tyr. (Rois, I, v. 18)».

Voir également la vignette 10/51 dans Les constitutions d’Anderson de 1734.

Les Giblim, leur nom viendrait de Ghiblim גִּבְלִים utilisé dans la Bible (IRoi 5, 32), avec la signification de maçon : «les Ghiblim (Gibléens) équarrissaient et façonnaient le bois et la pierre pour l’édification du temple». Giblos ou Gibeah est une montagne des environs de Jérusalem où, d’après la légende, fut extraite la pierre nécessaire à la construction du Temple.

Les Giblites habitaient la ville et la région de Gebal, en Phénicie, près du mont Liban, ils étaient sous la domination du roi  de Tyr. (voir l’article Hiram roi de Tyr, un personnage méconnu)

C’est avec la forme «Ghiblim» que le pasteur Anderson l’orthographie dans son Livre des Constitutions de 1738 où on lit [traduit de l’anglais] : il est dit qu’en 1350 Jean de Spoulce, appelé Maître des Ghiblim, reconstruit la chapelle Saint-Georges. Ce mot et son contexte d’utilisation semblent provenir de la Geneva Bible (1560) qui les mentionne en note de marge du verset de la Bible 1 Rois 5,18.  On peut lire ce verset qui donne selon les traductions : Les ouvriers de Salomon et ceux de Hiram, les Gibliens ou de Guebal ou des spécialistes de la ville de Byblos ou encore les ouvriers de Salomon et ceux de Hiram et les Giblites) : le mot hébreu est Giblim גִּבְלִים, qui sont, dit-on, d’excellents maçons ; ils sont généralement compagnons, parfois apprentis, jamais maîtres.

Calcott, dans son livre de 1769, A candid disquisition of the principles and practices of the Society of free and accepted masons, cite en outre 300 harodim, gouverneurs ou maîtres, 3300 menatzchim, surveillants canaanites, et 70000 qui étaient les survivants des anciens Canaanites, considérés comme des porteurs de fardeaux.

On trouve dans Le parfait maçon ou les véritables secrets des quatre Grades d’Apprentis Compagnons, Maîtres ordinaires et Écossais de la Franche maçonnerie de 1744 ( dialogue entre deux amis, le profane Lisidor et le franc-maçon Clitandre, dans le chapitre Secret des maçons écossais) : «Lorsqu’il fut question de réédifier le temple du Seigneur, Zorobabel choisit dans les trois états de la maçonnerie les ouvriers les plus capables ; mais comme les Israélites eurent beaucoup d’obstacles et de traverses à souffrir pendant le cours de leurs travaux, de la part des Samaritains et des autres nations voisines, jamais l’ouvrage n’eût été conduit à sa fin, si ce prince n’eût eu la précaution de créer un quatrième grade de maçons, dont il fixa le nombre à 753, choisis entre les artistes les plus excellents. Ceux-ci, non seulement avaient l’inspection sur tous les autres, mais ils étaient aussi chargés de veiller à la sûreté des travailleurs ; ils faisaient toutes les nuits la ronde, tant pour faire avancer les travaux que pour reconnaître les embûches, ou prévenir les attaques de leurs ennemis. Leur emploi étant beaucoup plus pénible que celui des autres maçons, il leur fut aussi accordé une paie plus avantageuse ; et pour pouvoir les reconnaître, Zorobabel leur donna un signe et des mots particuliers.»

On trouve dans le Rituel du marquis de Gages de 1763 une précision de ce qui aurait pu être l’attouchement de reconnaissance du maître pour se faire payer lors de la construction du temple, avant la mort d’Hiram. “Le mot qui fut changé par la mort que ces malheureux Compagnons donnèrent à notre Maître Hiram était « Jéhovah », la passe 3593, nombre des Maîtres qui avaient la direction des travaux“. Après la mort d’Hiram, on donna une signification à ces quatre chiffres, il est dit que : trois forment, cinq composent, neuf furent députés pour aller à la recherche du corps du Maître et trois l’assassinèrent.

Les rituels du Rite York évoquent également les textes de l’Ancien Testament : «Pour sa construction, furent employés trois grands maîtres assistés de trois mille trois cents maîtres ou surveillants de l’ouvrage, quatre vingt mille compagnons ou tailleurs de pierre qui travaillèrent dans les carrières et les montagnes, et soixante dix mille apprentis ou porteurs de fardeaux», auxquels la Bible rajoute 30000 hommes de corvée.

Le Régulateur de la Grande Loge de 1801 donne ainsi le décompte des ouvriers : le dénombrement qui fut fait de tous les ouvriers les porte à 183300. L’histoire les nomme prosélytes, ce qui dans notre langue signifie étrangers admis, c’est-à-dire initié. Savoir : 5000 hommes destinés à couper les cèdres sur le Liban, qui servaient par tiers pendant un mois ; 70000 apprentis, 80000 compagnons et 3300 maître. Les habitants du Mont-Cibel façonnaient les cèdres et taillaient les pierres.

Le 13ème degré du REAA (Chevalier de Royal Arche), indique qu’Il y avait 3568 Maîtres, qui avaient été actifs lors de la construction du Temple.

Retenons cependant la critique d’Alexandre Westphal, rappelant que trente mille hommes relayés tous les trois mois avaient été employés à construire le sanctuaire merveilleux, tandis que soixante dix mille hommes en faisaient les charrois, et que quatre-vingt mille extrayaient les blocs des carrières. Ces évaluations postérieures qui supposeraient, pour le petit naos des Hébreux, des levées telles que n’en exigèrent jamais les plus formidables monuments égyptiens, montrent assez l’esprit qui a présidé à la confection de cette histoire. (Alexandre Westphal, Jéhovah : les étapes de la révélation dans l’histoire du peuple d’Israël, p.416).

Les textes maçonniques présentent Salomon tout à la fois comme le maître d’ouvrage, le maître d’œuvre, et l’architecte.

Notons que le ciment salomonique fut composé de farine de froment, de lait, de vin et d’huile. Cette singulière composition enseigne que l’Architecte employa douceur, bonté, sagesse et puissance pour cimenter le monde. Elle enseigne aussi que les pierres ne sont tenues que par le travail (le salaire) des ouvriers.

Une intéressante hypothèse émise par G. Mackey postule que l’architecte Hiram eut été un initié dyonisiaque aux grands Mystères de l’unité de Dieu et de l’immortalité de l’âme.

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Les architectes jouissaient d’une grande considération aux yeux de philosophes tels que Platon ou Aristote ; ils surpassaient les peintres et sculpteurs qui n’étaient, eux, que de simples imitateurs de la réalité.

En architecture, tout n’était que géométrie et nombres et comme toutes les sciences de l’époque, l’ensemble était intimement mêlé à la philosophie. Par exemple, lorsqu’un architecte inventa un décor scénique pour une pièce d’Eschyle en tenant compte de la perspective, l’innovation attira l’attention des philosophes Anaxagore et Anaximandre qui définirent, alors, scientifiquement les problèmes de la perspective. Le portrait qu’en trace Vitruve, et que reprennent à loisir tous les auteurs au XVe et au XVIe siècles, est celui d’un homme universel, connaissant naturellement les lois de la géométrie, les mathématiques, l’usage des matériaux de construction et l’art des fondations, mais aussi versé en optique, en météorologie, en musique, en médecine et en astronomie, et possédant une science suffisante de la philosophie, de l’histoire et de la jurisprudence…

L’architecte médiéval emploie comme emblèmes de sa dignité les trois instruments de la géométrie : le compas, la règle et l’équerre. C’est donc avant tout aux connaissances théoriques et aux capacités conceptuelles qu’il se réfère et pas simplement au métier exercé. Pourtant les architectes des cathédrales gothiques sont passés sous silence. Pourquoi ? Des réponses dans le texte de Laurent Ridel  sur l’anonymat des architectes des cathédrales.

Selon une légende, que rapporte notamment le troisième écrit du codex IX de Nag Hammadi, il serait arrivé à Salomon de faire appel à des démons, notamment, pour pouvoir achever la construction du Temple. On a ainsi déchiffré ce codex : «Le roi D[av]id, qui établi[t] le(s) fon[da]tion(s) de [Jé]rusalem, et [s]on [fi]ls Sal[o]m[o]n, [q]u’il engendra d[a]ns l’ad[ultère] (et) qui construisit Jérusalem [grâ]ce aux Démons, du fait qu’il avait reçu [un pouv]oir. Toutefois, quand il eut [fi]n[i] de [construire, il enfer]ma les Démons [dans le] t[empl]e (et) il [les mit da]ns sept [jarr]es. [Ils rest]èrent longte[mps da]ns les ja[rres], délaissés là-[bas]. Quand les Ro[m]ains fure[nt] m[on]tés à Jé[rusale]m, ils enlevèrent le couvercle [des] jarres e[t à ce mo]ment-là les D[émons] sortirent des jar[res] … [Cepen]dant, depuis ces jours-là, (les Démons) [demeurent] avec les hommes qui sont [dans l’]ignoranc[e] e[t ils sont restés su]r la terre.» (voir l’article Le mystère du shamir.

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Solange Sudarskis
Solange Sudarskis
Maître de conférences honoraire, chevalier des Palmes académiques. Initiée au Droit Humain en 1977. Auteur de plusieurs livres maçonniques dont le "Dictionnaire vagabond de la pensée maçonnique", prix littéraire de l'Institut Maçonnique de France 2017, catégorie « Essais et Symbolisme ».

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