ven 26 avril 2024 - 14:04

Les REHFRAM d’Oyo : trahison de l’idéal maçonnique ?

Par le COC (Collectif des Orphelins Congolais)

Les Rencontres Humanistes et Fraternelles d’Afrique Francophone et de Madagascar (REHFRAM) c’est le rassemblement annuel de la Conférence des Puissances Maçonniques Africaines et Malgaches (CPMAM). Cet évènement rassemble les francs-maçons africains francophones, depuis 1992. Pour tout franc-maçon, c’est l’occasion d’échanger sur les valeurs morales et philosophiques avec ses « frères » et « sœurs » actifs dans d’autres obédiences du continent. En février 2023, ces rencontres ont réuni à Oyo les francs-maçons venus de toute l’Afrique, de Madagascar et d’Europe.

La précédente réunion qui s’était tenue à Abidjan en 2022 avait créé une certaine surprise en décidant d’organiser la réunion 2023 à Oyo en République du Congo, une localité qui n’est pas un Orient maçonnique. On pourrait se limiter à une évidence : la fête fut belle, les agapes mémorables. Mais ne serait-ce pas étrange de reprendre le refrain déjà entendu selon lequel bien souvent, trop souvent, les REHFRAM riment avec « chambre humide » ? Toutefois, quelles leçons peut-on tirer de ces rencontres, dans une bourgade comme Oyo qui n’abrite aucune loge maçonnique ? Les francs-maçons, hommes qui se proclament libres et de bonnes mœurs, peuvent-ils occulter les préoccupations relatives aux droits de l’homme et refuser de prendre en compte la dynamique des mouvements citoyens qui contribue au renouveau de plusieurs pays africains ? Doit-on tolérer longtemps que certains Frères puissent aussi allégrement bafouer les principes de la Franc-maçonnerie, en abandonnant leur liberté de conscience et en adulant un personnage qui foule systématiquement aux pieds les principes élémentaires de la morale et de la probité ? En définitive, que retiendra-t-on des REHFRAM d’Oyo 2023 ?

Les REHFRAM d’Oyo, « un contrat » léonin exclusivement en faveur du pouvoir de Brazzaville

Dans certains pays, l’engagement maçonnique est essentiellement associé au soutien d’œuvres sociales, caritatives ou de solidarité. Alors que le Franc-maçon par sa « fibre » humaniste, doit s’impliquer dans tous les problèmes de la société, y compris le vote des lois, au Congo, depuis le retour au pouvoir par les armes de Sassou, en Octobre 1997, cette institution spirituelle, philosophique et progressive « prospère » hélas sur un foyer de miasmes et d’abjections. La violation des droits de l’homme y est devenue la règle. Nul n’oublie en effet que les Francs–maçons ont payé un lourd tribut à la guerre déclenchée en 1997. Et faut-il le rappeler, si besoin est, qu’aucun frère, aucune sœur, nul franc-maçon n’est censé ignorer la « loi » ; en l’occurrence celle qui frappe au Congo toutes celles et tous ceux dont la seule faute aura été d’oser dire « non » au frère que d’autres francs-maçons par flagornerie, ont surnommé « L’Empereur » !

Par le fait de ce frère, l’enténèbrement de la société se poursuit chaque jour dans le tréfonds congolais. L’effondrement des repères maçonniques traverse désormais beaucoup de loges. Par la laideur morale de ses actions, Denis Sassou Nguesso est allé très loin dans l’ignominie : il a non seulement assuré sa pérennité dictatoriale en jetant aux orties sa propre constitution de janvier 2002, il a en plus institutionnalisé l’impunité dans sa nouvelle constitution du 6 novembre 2015. En inscrivant l’Article 96 dans ladite constitution, Denis Sassou Nguesso et ses sbires du PCT apportent la preuve d’une volonté d’institutionnaliser l’absolution des crimes et délits pendant leur règne. « Aucune poursuite pour des faits qualifiés de crime ou délit ou pour manquement grave à ses devoirs commis à l’occasion de l’exercice de sa fonction, ne peut plus être exercée contre le Président de la République après la cessation de ses fonctionsLa violation des dispositions ci-dessus constitue le crime de forfaiture ou de haute trahison conformément à la loi. ». Une constitution liberticide qui met les crimes de sang, les crimes économiques et les violations des droits de l’Homme au rang de droit constitutionnel, ne peut pas être une Constitution d’État pour un pays du 21ème siècle.

Disons-le sans ambages que, pour être cohérents avec le thème de leur rencontre de 2023, « les hommes libres et de bonnes mœurs » que sont les francs-maçons par définition, ne devraient s’aplatir devant personne. Et si, comme à l’accoutumée ils ont le devoir d’échanger avec tout franc-maçon, ils savent que tout échange doit contribuer à l’amélioration de la société. Dans le cadre des REHFRAM d’Oyo, il serait vain de rechercher les améliorations apportées par les échanges, quand on sait qu’au final, malgré les multiples appels à la solidarité lancés à travers le monde pour la libération du frère Jean Marie Michel MOKOKO, les francs–maçons qui exercent le pouvoir d’État au Congo ne répondent que par le mépris. Qui plus est le frère Denis Sassou Nguesso considère le Frère Mokoko comme son « prisonnier personnel ». Le cas du « condamné aux travaux forcés » qu’est André OKOMBI Salissa jouit du même cruel traitement. Exigeants vis-à-vis d’eux-mêmes et vis-à-vis des autres frères, les francs-maçons du Congo-Brazzaville n’auraient pas dû accepter de participer à une telle messe, sans rien demander en retour !

Les Maçons doivent regarder le monde, sans esprit partisan, ni sur le plan politique ni sur le plan religieux, et agir avec toute l’indépendance qui les caractérise. L’enfermement dans leur tour d’ivoire de la plupart des « Présidents francs-maçons », et notamment du Président Denis Sassou Nguesso qui n’écoute plus son peuple, devrait être un sujet de préoccupation permanente pour les francs-maçons congolais.

L’obéissance aveugle, qui ôte le libre arbitre, est un grand danger pour tout individu et pour les francs-maçons qui président à la destinée du pays, puisqu’ils ne peuvent plus penser par eux-mêmes. Nous avons en mémoire cette ruée, chaque année vers Edou-Oyo, de tous les cadres militaires et civils du pays, parmi lesquels figurent de nombreux francs-maçons, lors de la commémoration de la mort de Lucie Édith Bongo, qui de son vivant n’a jamais rien représenté au Congo à part le fait d’être la fille aînée de « l’empereur » !

L’excursion des REHFRAM 2023 a laissé aux profanes congolais la même triste et funeste impression de pèlerinage d’allégeance ! Sinon, pourquoi alourdir les frais de transport des participants en allant se réunir dans un coin qui ne revêt aucun intérêt maçonnique ? Si ce n’est pour donner aux frères hôtes l’opportunité de déployer leur insolente opulence (au vu de la crise que traverse le pays) et s’ériger en généreux bienfaiteurs tout en obligeant certains de leurs hôtes (frères accueillis) !

Des initiés motivés par une bonne dose d’opportunisme

Loin des préoccupations essentielles visant l’amélioration de la société, les REHFRAM d’Oyo étaient axées entre autres, sur la guerre de succession au sommet du pouvoir à Brazzaville. Cette guerre qui s’était prolongée dans les espaces feutrés d’Oyo était larvée depuis un moment dans la maçonnerie congolaise et dans les services secrets français. C’est de notoriété publique : Jean Dominique Okemba a arrosé cet espace d’enveloppes de pétro-CFA, pour se créer des allégeances qui, pour certaines d’entre elles, commenceraient même à gêner le Président Sassou lui-même.

Est-il normal que la Securitate congolaise ait pignon sur rue sur la Franc-maçonnerie congolaise, au point où deux des trois grandes obédiences maçonniques du pays soient désormais dirigées par deux sécurocrates du régime : Jean Dominique Okemba et Philippe Obara ? On voit comment Jean Dominique Okemba s’adonne à la manipulation au sommet de la Franc-maçonnerie en plaçant ses hommes liges à la tête de beaucoup d’obédiences maçonniques. C’est ainsi qu’aux REHFRAM d’Oyo, en qualité de simple « Invité exceptionnel » qu’il était, il a eu l’insigne effronterie de payer la totalité de la facture des agapes !

Nous apprenons chaque jour des choses avilissantes auxquelles seraient soumis nombre de nos compatriotes qui pour aspirer à une réussite matérielle rejoignent la Franc-maçonnerie : ils sont détruits dans leur humanité etleur dignité.Le nouveau Congo que nous appelons de tous nos vœux recommande l’émergence d’une nouvelle conception du patriotisme, plus « kimuntienne » (néologisme congolais signifiant « humanisme ou humain »). En attendant, on est en droit de se demander si sous ces cieux, il est toujours question de respect des constitutions d’Anderson, s’il y a toujours incitation à l’excellence, à la grandeur d’âme ; si l’on œuvre toujours à l’élévation de temples à la vertu… Retenons qu’il n’y aura pas de Grand Congo avec d’aussi mauvais francs-maçons…

La Franc-maçonnerie est du domaine du spirituel et tout domaine qui se revendique comme tel se souille dès lors que la matérialité prend le pas sur la spiritualité. C’est d’ailleurs le drame de notre monde, le drame qui tue doucement notre planète à cause de la convoitise et de la cupidité de quelques-uns.

Tout porte à croire que l’engouement suscité par les REHFRAM d’Oyo s’explique par les préoccupations bassement matérielles sans valeur ajoutée spirituelle ni philosophique. Beaucoup d’initiés (ou plutôt d’apprentis-sorciers) étaient simplement motivés par une dose d’opportunisme : les uns pour tisser des liens avec les officines d’Oyo, les autres pour côtoyer le grand Manitou, distributeur illimité et source intarissable de pétro-CFA ; au grand damn de la population congolaise qui tire le diable par la queue !

Tout compte fait, les francs-maçons du Congo ne peuvent plus se contenter de débats à huis clos, confinés dans l’atmosphère compassée de nos temples… Le moment est venu pour les maçons d’Afrique et de Madagascar d’être les artisans du renouveau politique, économique et social de leurs pays respectifs, au service d’une vision adogmatique du monde, prônant la liberté absolue de conscience.

Nous nous devons d’œuvrer sans relâche à la réconciliation de notre idéal maçonnique avec lui-même, et dans son universalité ; en vue d’une autre réconciliation, celle de la société africaine avec elle-même, où tradition et modernité, y compris dans ce domaine de la spiritualité, pourront enfin s’accorder et ne plus jamais s’exclure…

Il est certain qu’au regard des réalités de l’Orient du Congo, tout Orateur inspiré aurait pu rappeler le propos suivant du frère Joseph Badila, franc–maçon de notoriété publique, relatif au rôle de la maçonnerie africaine dans la société : « Vous avez la corruption qui gangrène la société et donc la maçonnerie peut être cet outil essentiel pour qu’il y ait des hommes qui doivent absolument améliorer cette société », espère-t-il. Ce frère s’exprimait ainsi sur les antennes de RFI le 06 février 2016. De même, sa phrase suivante portée à la postérité doit inspirer la Franc-maçonnerie politique : « On ne peut pas être Franc-maçon et dictateur ». Qu’est-ce que les francs-maçons congolais font-ils de ces sages conseils ? Peuvent-ils continuer à prêcher la morale, la verticalité et, en même temps, encenser ceux qui incarnent l’impudence et l’opulence, à côté d’un flot de misère qui étreint le plus grand nombre ? Tout franc-maçon qui se respecte se doit d’en prendre de la graine, pour supporter l’épreuve du miroir qui prépare au vitriol.

De Dakar à Oyo, comment une certaine FM prête le flanc aux détracteurs !

Pour conclure, nous exhortons humblement et fraternellement les dignitaires de toutes les obédiences à tirer les leçons de la volée de bois verts orchestrée par une coalition de congrégations religieuses extrémistes, qui en 2018 a fait avorter les REHFRAM de Dakar.

Autant nous déplorons l’annulation de ces REHFRAM, et espérons que ce camouflet ne se reproduise plus ; autant on peut reconnaître que les comportements indélicats de certains frères et sœurs nourrissent les clichés et nous exposent aux critiques les plus virulentes.

C’est dans ce contexte que le choix d’Oyo, bourgade dépourvue de la moindre appétence maçonnique, interroge les observateurs. Et les spéculations vont bon train sur la crainte de voir les puissances maçonniques africaines, malgaches et européennes s’embourber dans une guerre de succession interne au régime de Brazzaville, dont Oyo constitue l’épicentre ou l’arrière-cour du théâtre des hostilités, pour l’instant feutrées.

Tout cela participe à alimenter dans l’opinion publique, le sentiment de dévoiement de notre idéal maçonnique ou de détournement de la puissance maçonnique, spirituelle par essence, à des fins d’ascension politique individuelle de quelques frères ou sœurs.

Ce qui complique forcément la tâche de rectification qui nous incombe à tous et à laquelle nous devons nous atteler inlassablement, avec force et vigueur ; sans quoi, nous n’aspirerons jamais au repos…

Le COC (Collectif des Orphelins Congolais) a dit !

2 Commentaires

  1. Merci MTCF pour ton témoignage ! Mais nous avons été informé du soutien du GFEQA à ces Rhefram par l’intermédiaire de son représentant :
    “Je suis le F⸫ Ma Mbelenga NGBAMA, ancien Président du GFEQA et membre du Comité des Sages. TRF⸫ Président des REHFRAM, TRF⸫ Président de la CPMAM, TIllF⸫ Président du Comité d’Organisation des REHFRAM, TR GMM et GMMaîtresses, T Ill FF⸫ et SS⸫ Grands Maîtres et Grandes Maitresses, mes SS⸫ et mes FF⸫, au nom de ma délégation je vous remercie de l’accueil exceptionnel que vous nous avez réservé.
    Mon TCF Hervé, cher Professeur, Ndeko na ngai, merci pour tout ! ”
    Alors, qui dit la vérité ?

    • La vérité MTCF, est dans la possibilité de recoupement des versions et des expressions.
      Cet article très factuel, dont on peut saluer l’initiative et remercier les auteurs ainsi que les FF:. animateurs de cet espace de liberté, qui ont accepté de le publier, apporte un autre son de cloche qui permet à chacun de forger son jugement.
      La vérité est dans la triangulation de la parole, à condition qu’elle circule librement…
      TAF

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