ven 26 avril 2024 - 22:04

Certains oublient que l’unification de l’Italie est l’oeuvre de Francs-maçons

De notre confrère italien adhocnews.it – Par Carlotta Andrea Buracchi Bresciani

Cela fait sincèrement sourire avec combien de zèle certaines forces politiques, hier, ont travaillé pour célébrer l’anniversaire de l’unification de l’Italie, sanctionnée par un acte réglementaire le 17 mars 1861. Cela fait sourire parce que ce sont les mêmes qui envisagent l’interdiction d’affiliation à la franc-maçonnerie dans leurs statuts ou, qui il y a quelques semaines à peine, ont en fait sanctionné l’incompatibilité entre affiliation maçonnique et administration locale dans un communiqué.

Peut-être serait-il utile de leur rappeler, si effrayés par la “perception qu’il est possible d’agir selon la logique de petits groupes”, que l’engagement politique, l’héritage des valeurs, ce que certains appellent avec mépris “l’ingérence dans l’exercice de les fonctions des administrations publiques” de la franc-maçonnerie cela n’a pas toujours été mauvais pour ce pays.

Il faut rappeler que l’unification italienne – résultat d’un long et laborieux processus diplomatique mis en œuvre par la classe politique de l’époque, héritière de la tradition du Risorgimento – a vu un apport fondamental de la franc-maçonnerie, protagoniste d’abord des luttes du Risorgimento, puis de l’indéniable progrès social, civil, politique de la nouvelle Italie. Cette franc-maçonnerie qui, dans l’État unitaire naissant, n’était plus le lieu privilégié de l’aristocratie du XVIIIe siècle mais un point de rassemblement de la classe dirigeante libérale-progressiste, de la gauche constitutionnelle de Depretis et de Crispi, de la composante radicale de Bertani. 

Dans ces années-là, une très grande partie des députés de la gauche libérale présents au Parlement étaient membres de la franc-maçonnerie et ne s’en cachaient certainement pas : la franc-maçonnerie italienne renaissante retrouvait cette « nouvelle Italie » d’origine bourgeoise qui depuis les émeutes du 20- 21 avait regardé avec optimisme et espoir en un avenir unifié, on respirait ici des valeurs laïques, libérales, progressistes, plutôt que démocratiques, républicaines, radicales.

Cela aiderait à évoquer non pas tant la figure de Garibaldi – élu Grand Maître du Grand Orient d’Italie en 1864 et seulement le plus célèbre des célèbres francs-maçons italiens -, mais plutôt les nombreuses réformes que le nouvel État a mises en place pour provoquer un changement d’époque de l’entreprise à la fois au niveau national et local. Des réformes menées par les francs-maçons et délibérément inspirées des valeurs fondatrices de la franc-maçonnerie universelle : l’école gratuite, obligatoire et laïque voulue par Coppino en 1877, le premier code de la santé visant à améliorer la santé publique par Crispi en 1888 mais aussi les nombreux combats pour la laïcité , l’autonomisation des femmes, la légalisation de la crémation et nous pourrions continuer.

Peut-être serait-il utile de rappeler les mots employés par Costantino Nigra, ambassadeur du Royaume d’Italie à Paris, collaborateur de l’homme d’État et plus Cavourien parmi les Cavouriens, dans la lettre avec laquelle en 1861, il accepta la nomination de Grand Maître : « Il ne doit pas oublier que l’Association , en plus de son but général, doit avoir celui d’aider le mouvement politique de l’Italie et de tout autre pays tendant d’une part à l’unité nationale et à l’indépendance et d’autre part à l’égalité et à la liberté des ordres politiques, religieux et sociaux […] ¹, signifiant en cela le progrès d’une nation naissante encore loin de l’achèvement de l’unité.

Ou peut-être le fameux discours (unique) prononcé le 16 mai 1925 par Antonio Gramsci, alors Député du Royaume pour le Parti Communiste d’Italie, dans une Chambre des Députés qui s’apprêtait à instituer la mise hors la loi des activités des Loges et des associations populaires : « […]  compte tenu de la faiblesse initiale de la bourgeoisie capitaliste italienne, la franc-maçonnerie a été le seul parti réel et efficace que la classe bourgeoise ait eu pendant longtemps »².

Mais peut-être, malgré les valeurs professées être universellement partagées, dans ce climat de mystification continue de l’histoire perpétrée principalement par ceux qui ont le devoir d’informer de manière non partisane, suffirait-il de s’inspirer de cette citation, à vrai dire plutôt abusé dans le milieu politique, qui se lit comme suit : « Le seul danger social, c’est l’ignorance ».

Pour ceux qui veulent en savoir plus :• « 

Histoire de la franc-maçonnerie en Italie. De 1717 à 2018. Trois siècles d’ordre initiatique “, Aldo Alessandro Mola, Bompiani-Giunti, Florence-Milan, 2018• « 

La franc-maçonnerie et l’unification de l’Italie. La franc-maçonnerie et la construction de la nation », édité par Marco Novarino et Fulvio Conti• « 

Histoire de la franc-maçonnerie italienne. Du Risorgimento au fascisme “, Fulvio Conti, Il Mulino, Bologne, 2003• ” 

La franc-maçonnerie et la sphère publique dans l’Italie libérale, 1859-1914 ” par Fulvio Conti dans ” 

Franc-maçonnerie “, édité par GM Cazzaniga, Turin, Einaudi, 2006• ” 

Pour l’histoire de la franc-maçonnerie dans le Risorgimento italien ” dans ” 

Revue historique du Risorgimento “, 1914/1, Adolfo Colombo• « 

L’Italie des francs-maçons. Petites biographies de francs-maçons célèbres “, Vittorio Gnocchini, Mimesis, Rome, 2005• “ 

A l’Est de Turin. La renaissance de la franc-maçonnerie italienne entre modératisme cavourien et  révolutionnisme garibaldien », Marco Novarino, Bibliothèque Chiari, Florence, 2003• «

 La libération de l’Italie dans l’œuvre de la franc-maçonnerie » édité par Aldo A. Mola, Foggia, Bastogi, 1990.• « 

Frères d’Italie. Mémoire des relations entre la franc-maçonnerie et le Risorgimento à l’occasion du 150e anniversaire de l’unification de l’Italie (1861-2011) » édité par Maurizio Del Maschio, Stefano Momentè, Claudio Nobbio, Foggia, Bastogi, 2011.


¹ Revue historique du Risorgimento, Ans I – LXXXVIII (1914-2001), disponible au lien suivant : http://www.risorgimento.it/rassegna/index.php?id=73&ricerca_inizio=0&ricerca_query=&ricerca_ordine=DESC&ricerca_libera=

² A. Gramsci, Actes parlementaires, Chambre des députés, XXVIIe législature, vol. IV, Débats, p.365

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