jeu 18 avril 2024 - 16:04

Les difficultés de la franc-maçonnerie espagnole à l’aube de la Première République

De notre confrère espagnol nuevatribuna.es – Par EDOUARD MONTAGUT

La proclamation de la République le 11 février 1873, il y a 150 ans aujourd’hui, a eu une conséquence directe sur la franc-maçonnerie.

Sans aucun doute, le sexennat démocratique (1868-1874), avec la Glorieuse Révolution, le règne d’ Amadeo de Saboya et la Première République, constitue un moment culminant dans l’histoire de la franc-maçonnerie espagnole parce qu’une période de libertés commence, à la chaleur à partir de laquelle il a pu se développer comme jamais auparavant, amorçant une longue période d’apogée, malgré la force de la pensée fondamentaliste anti-maçonnique, et qui a été interrompue par la guerre civile et avec le régime de Franco, déclenchant une très intense persécution des maçons, avec peu de parallèles pour la haine générée dans d’autres pays européens.

La proclamation de la République le 11 février 1873 eut une conséquence directe sur la franc-maçonnerie, comme le rappelle Ferrer Benimeli, par rapport au Grand Orient d’Espagne. En premier lieu, son Grand Maître, l’homme politique Manuel Ruiz Zorrilla , s’est exilé , mais, en plus, ce changement politique ne pouvait laisser les francs-maçons espagnols indifférents, quelles que soient leurs idées, une affaire bien plus pertinente que la précédente, puisque les postes peuvent toujours être remplacés ou leurs fonctions peuvent être reprises par d’autres managers.

En ce sens, le Député Grand Maître adresse une circulaire le 16 février 1873, soit quelques jours après la proclamation de la République, aux membres de l’Obédience pour énoncer ce qu’allait être la position maçonnique devant la politique, un sujet qui, comme le voit le lecteur, nous intéresse dans nos investigations.

Eh bien, justement, ce même jour, le 16 février 1873, le Grand Maître Adjoint et de l’époque, le Souverain Lieutenant Grand Commandeur, envoya une autre circulaire sur les problèmes qui tourmentaient la Franc-Maçonnerie en Espagne, et les solutions pour les aborder et les résoudre. Il est vrai qu’il est difficile d’indiquer une ligne de partage par rapport à l’autre circulaire car la question politique pourrait être un grave problème interne, puisqu’elle générait des passions et des affrontements entre les Maçons, et pouvait altérer les principes fondamentaux de l’Ordre, mais la circulaire que nous nous sommes intéressés à cette pièce, elle était plus orientée vers des questions qui ne concernent pas ou ne dérivent pas d’aspects politiques mais de la condition même des personnes qui sont entrées et ont travaillé dans la franc-maçonnerie, raison pour laquelle elles pourraient être considérées comme des questions intemporelles , bien que d’autres soient plus typiques.

Pour le Grand Maître adjoint, les dommages causés à la franc-maçonnerie espagnole avaient plusieurs causes. Le plus important ou le plus grave, selon lui, était d’avoir essayé de tout faire en peu de temps, c’est-à-dire que les francs-maçons espagnols avaient été impatients et que des développements prématurés avaient conduit à une mort certaine.

Une sorte de fièvre d’action se serait produite chez de nombreux maçons qui n’étaient pas préparés, et comme on le sait, la franc-maçonnerie propose des délais et des procédures très clairs et programmés, sans raccourcis ni précipitation, mais, bien sûr, compte tenu de la possibilité apportée par la Glorieuse Révolution pour pouvoir exercer librement le travail maçonnique, tout s’était manifestement accéléré, peut-être, osait-on, rattraper, peut-être par rapport à la franc-maçonnerie dans d’autres pays.

Des urgences pourraient être liées à des déclenchements rapides et imprécis, comme nous aurons l’occasion de le vérifier ultérieurement, ou à d’autres processus. En réaction à cette activité fébrile, il y avait eu une certaine léthargie, au milieu de laquelle il y avait, de temps à autre, des moments d’activité, qui se consumaient en luttes intérieures. Nous ne savons pas si le Grand Maître faisait référence à la lutte politique ou à des questions plus purement maçonniques, vérifiant une fois de plus la difficulté de tracer des frontières bien définies sur ces questions, comme nous l’avons exprimé précédemment.

La solution est passée par recueillement et concentration. Inutile d’insister pour « galvaniser une vie fictive ». Donc prudence. Et comment être prudent ?

Premièrement, les loges devaient prendre des mesures rigoureuses pour freiner les initiations hâtives. A cette époque il fallait que “les élus” soient. Cela a toujours été une question qui a beaucoup inquiété la franc-maçonnerie, celle de ceux qui frappaient à ses portes pour différentes raisons qui finissaient par contredire les principes maçonniques, générant des conflits et/ou des départs des loges, ainsi que des scissions, des maux qui, comme on dit, sont assez constantes dans toutes les périodes de la franc-maçonnerie espagnole.

Les autorités des loges, surtout les « vénérables » , devaient bien étudier ceux qui s’y trouvaient car on constatait que certains négligeaient leurs devoirs, oubliant leurs serments. Les « vénérables » devaient être rigoureux quant à l’accomplissement du devoir d’assistance, tel que prescrit par les statuts, et ils devaient appliquer la peine en vigueur pour ceux qui négligeaient cette obligation.

Le Grand Maître a observé qu’il devrait être rendu compte des frères maçonniques qui ont été rayés des cadres de la loge à la suite de ce non-respect de l’assiduité, un devoir maçonnique toujours très important. Il voulait aussi connaître le résultat du travail qui était mené dans les loges par rapport à ce qu’il appelait la « moralisation des autres », et qu’elle a été obtenue par l’action simultanée de l’assistance, des leçons des surveillants et des connaissances que l’un et l’autre ont acquises des erreurs qu’ils ont commises. Le Grand Maître adjoint en est venu à qualifier ce travail de purification, un terme qui, sorti de son contexte, pouvait alarmer, mais qui faisait sûrement référence non pas à la répression mais au fait qu’il fallait purifier les loges pour que seuls les francs-maçons qui continuaient à travailler resteraient les principes de la franc-maçonnerie.

Le moment n’était pas venu de faire un travail profane tant que les problèmes internes n’étaient pas résolus pour éviter de donner matière à critique à ceux qui avaient si longtemps calomnié les maçons de la société.

En conclusion, à ce moment précis d’intensité dans la vie espagnole, c’était le temps du recueillement et de la concentration. Il ne s’agissait pas d’immobilité, mais de tranquillité. Il a reconnu que ce n’était pas une tâche très glorieuse, mais c’était plus efficace.

Nous avons travaillé avec le numéro 45 du 1er mars 1873 du Journal Officiel du Grand Orient d’Espagne, et nous avons consulté l’ouvrage de José A. Ferrer Benimeli, Franc-Maçonnerie Espagnole Contemporaine. Tome 2. De 1868 à nos jours, Madrid, Siglo XXI, 1980, pp. 7 et suiv.

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