sam 04 mai 2024 - 14:05

« L’ingérence de la Sûreté de l’État peut détruire la franc-maçonnerie » : Franc-maçonnerie à Cuba

Histoire de l’époque coloniale

L’histoire de la franc-maçonnerie cubaine commence principalement par l’arrivée de migrants en provenance d’Haïti qui promulguent en 1804, une république libre après avoir aboli l’esclavage. Les premières loges créées sont d’origine française comme « la Persévérance et la Concorde » de Santiago ou encore « La Bénéfique Concorde » à La Havane. La loge « Le temple des vertus théologales » no 103, s’installe à Cuba en 1804, avec une patente délivrée par la Grande Loge de Pennsylvanie, la Grande Loge de Louisiane et celle de Caroline du Sud créent également des loges. Celle-ci reste toutefois sous une influence maçonnique française.

En 1818, une chambre de haut-grades du Rite écossais ancien et accepté est constituée par le colonel Louis de Clouet d’Obernay. Ce consistoire constitue un Grand Orient territorial espagnol formé de ressortissants espagnols ou de créoles assimilés. Dépendant du Grand Orient national d’Espagne en 1821, il devient indépendant en 1822. Il contribue à la création de plusieurs loges dans l’île et constitue également la Grande Loge du Rite d’York Toutefois ces existences restent éphémères, la répression antilibérale exercée par Ferdinand VII en Espagne à des répercussions à Cuba, toutes les loges disparaissent à l’exception de quelques rares activités vers 1830-1831 de la loge « La parfaite union » du Grand Orient de France.

Fernando VII (Ayuntamiento de Sevilla)

La seconde moitié du xixe siècle voit un renouveau de l’activité maçonnique dans l’île sous une influence nord-américaine qui se développe dans le cadre de sa situation géopolitique. Ces nouvelles juridictions restent à l’écart des juridictions espagnoles qui finissent par accepter l’indépendance maçonnique des caraïbes espagnoles. En 1861, Albert Pike commandeur du Suprême Conseil de la Juridiction Sud des États-Unis essaie de prendre le contrôle du Suprême conseil de Colón, n’y parvenant pas, il fait le choix de créer une seconde juridiction dite de Cuba et des Antilles. Des cette période, la franc-maçonnerie cubaine entreprend un travail philanthropique d’importance assortie d’un travail d’émancipation des esclaves ainsi que d’amélioration de la vie des populations de couleurs. Elle se bat également pour libérer le système éducatif de l’emprise cléricale pour promouvoir une école laïque et la libre-pensée. Le décret du 31 décembre 1879 promulgué par le gouvernement général de l’île qui rend l’école primaire obligatoire est accueilli avec enthousiasme par les francs-maçons cubains. Les premiers centres d’accueil pour orphelins de francs-maçons ainsi que ceux pour adultes destinées à l’éducation par des cours du soir sont ouverts à la fin du xixe siècle.

La presse maçonnique existe à partir de 1869 avec un bimensuel, Le Compas. En 1874, El silencio fait son apparition, il devient l’année suivante l’organe officiel du Grand Orient de Colón. Ces prises de positions pour les Droits de l’homme, lui valent une interdiction rapide. En avril 1881, le magazine Gran Logia commence à être diffusé, en 2018 il est la publication maçonnique la plus ancienne d’Amérique latine. La question de la franc-maçonnerie féminine se pose dès la fin du xixe siècle, elle est momentanément résolue par des sociétés para-maçonniques comme les « Hiras de la Estrella de Oriente ». Toutefois en 1889, la première loge d’adoption est créée sous les auspices du Grand Orient d’Espagne.

En tant qu’institution elle se prononce contre l’esclavage, même si certains francs-maçons en sont propriétaires, ce combat se radicalise à partir de 1883, ou en joignant ses forces avec d’autres organisations d’abolitionniste, elles obtiennent l’illégalité de l’esclavage en 1886.

La franc-maçonnerie cubaine subit le même antimaçonnisme que pour l’ensemble des territoires espagnols. En 1868, l’évêque de La Havane José Orbera Carrión la condamne et évoque la participation d’un pouvoir satanique contre l’Église et contre l’État. Il souligne en 1877, l’opposition entre le dogme catholique et les principes maçonniques.

Indépendance et révolution

Contrairement à la légende qui associe l’indépendance de Cuba à une conspiration maçonnique, il est attesté par la documentation connue que cette dernière est restée plutôt autonome face aux groupes extrémistes. Celui qui est considéré comme le père de la patrie, José Martí, n’appartient pas à une obédience officielle, tout en étant franc-maçon. Initié entre février et juillet 1871 dans la loge Caballeros Cruzados de Madrid, appartenant au Grand Orient lusitanien uni. Il y prend pour nom symbolique de « Anahuac ».

Avant la guerre d’indépendance, où elle est interdite à Cuba, elle s’illustre pas son engagement pour le pluralisme synonyme de tolérance, de libre pensée et de raison qu’elle oppose au « singularisme » qui qualifie pour elle la pensée unique de la métropole, nourrie par le catholicisme romain. Dès la fin de la guerre d’indépendance, elle se place dans une orientation patriotique qui défend les principes républicains et d’une société laïque. Entre 1902 et 1933, période faste de son développement, elle apparait comme consubstantielle de la République après avoir nettement influencée la rédaction et l’adoption de la constitution de 1901. Tout au long du xxe siècle elle pratique la philanthropie et crée des institutions d’aide aux francs-maçons et aux populations déshéritées.

Au cours du milieu du xxe siècle, la franc-maçonnerie cubaine est le reflet de la société, investie par les classes moyennes et présente dans tout le pays. Toutes les grandes villes ont au moins un temple maçonnique, ils sont souvent fréquentés par de nombreux commerçants, des intellectuels et des hommes politiques de renom. La révolution cubaine est soutenu dans ses premières mesures par la population et la franc-maçonnerie en général, mais cette position évolue avec la déclaration du caractère socialiste de la révolution et la mise en œuvre d’une nationalisation des petits commerces. La révolution n’abolit pas la franc-maçonnerie dans l’île, cependant le nouveau régime ne facilite pas son essor et contrôle les activités des obédiences. Si le fait d’être franc-maçon est incompatible avec une adhésion au Parti communiste cubain, ceux-ci ne sont pas persécutés. Le gouvernement affirme toutefois l’inutilité d’appartenir à une société fraternelle, la révolution étant en soi et de son point de vue, une vraie fraternité.

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