ven 29 mars 2024 - 00:03

Connais-toi toi-même… ou FREUD, encore et toujours

Le cerveau, ce mystérieux continent : Parmi les « parts d’ombre » qui demandent à être éclaircies dans le cerveau humain (où il y a encore tellement à découvrir, de l’avis même des spécialistes !) existe le vaste domaine du « croire ». Pour tenter d’en savoir un peu plus sur cette « disposition », il est judicieux de se reporter au postulat de Freud, à savoir l’existence dans ce cerveau de trois instances, par lui nommées le CA (réservoir de l’énergie psychique) le MOI (lieu de la conscience) et le SURMOI (entité de censure). Elles sont constituantes de notre appareil mental. Cette hypothèse demeure toujours pertinente, puisqu’aucune autre à ce jour n’est venue démentir le « père de la psychanalyse ».

Après l’élaboration de plusieurs modèles, Freud a définitivement retenu un Moi « poreux » en deux parties : le Moi préconscient (donc en partie inconscient) et le Moi conscient (entité vigile, nommée aussi le Moi-corps). Parmi de multiples fonctions, le MOI est à la fois le siège, pour le préconscient, de nos identifications imaginaires et symboliques, et pour le conscient, de la raison et du « bon sens », de notre perception d’être et de la réflexion (autrement dit la vie de l’esprit, l’une des définitions de la spiritualité).

Le MOI est ainsi une instance mouvante, en perpétuelle réélaboration, pris en tenaille entre le CA (noyau de notre être, siège « hors du temps » de l’inconscient, c’est à dire des instincts reptiliens, pulsions, passions, intuitions, plaisirs, etc.) et le SURMOI (siège du « juge interne », de la morale, de la culture – donc des croyances- de la civilité, des interdits, de la tradition) en soi « la voix de la conscience ». De la « grosse voix », résume Freud.

Autrement dit, le Moi, cet « évaluateur permanent » tente de gérer au cas par cas, au jour le jour, le rapport entre « le principe de plaisir » (cet instinct de satisfaction, propre au CA, qui cherche toujours à dominer en nous) et « le principe de réalité », que les circonstances du vécu, ici et maintenant, nous impose. Pour faire image, le MOI a ainsi pour mission d’élargir sans cesse la conscience du sujet, avec la machette de la raison, sur son chemin de vie, en écartant les ronces du ça d’un côté et les buissons du Surmoi de l’autre. Car dans la jungle quotidienne de la société des hommes, le chemin n’existe pas, chacun de nous le crée en marchant devant lui !

La puissance de l’imaginaire

Imaginaire

Puisque le premier homme n’est pas né d’un autre être humain, mais du processus de la vie, notre imaginaire – en mal d’origine – a voulu combler ce manque. Il a précisément supposé des « forces supérieures », à partir de ces impressionnants (voire terrorisants) phénomènes naturels que sont les quatre éléments en mouvement continu (air, eau, feu terre). En quelque sorte, pour les conjurer, il a ainsi créé au fil du temps, la magie, les mythes, les légendes, les allégories puis les religions et leurs paraboles (si l’on peut dire, tout respect gardé, « avatars » de la magie primordiale, premier système de pensée de l’hominidé). A noter que les mythes sont à « fin ouverte », pour pouvoir être prolongés et « complémentés » indéfiniment, contrairement au roman, qui lui, est clôturé par le mot FIN. C’est bien le cas de la légende d’Hiram, qui devient mythe d’Hiram, après le 3ème degré du REEA, pour en permettre un « déroulement » en 33 degrés.

Partant, depuis « la mise en place de la pensée et de l’imaginaire », s’est enracinée dans notre cerveau, une disposition aux croyances. Le domaine du croire précité se décline en « tenir pour vrai », auto-persuasion, autosuggestion (cf méthode Coué, si moquée en France !), convictions, opinions, etc., autant de mots pour désigner les mécanismes qui ont « confectionné » la certitude individuelle. Celle-ci établie – par adhésion personnelle, religieuse ou philosophique – peut s’exercer sans la preuve par le fait : les notions de Dieu, de divin, de divinités, d’Etre suprême, de principe créateur, de Grand Architecte de l’Univers, ces créations humaines poétiques, en sont le meilleur exemple. Les « forces de l’esprit » peuvent même, à l’extrême, conduire le sujet, au gré de rites lancinants et répétitifs, à des « états modifiés de conscience », tels l’extase et la transe. Il s’agit de fait ici, d’une forme d’autohypnose, provoquée notamment par l’irruption dans le sang de diverses hormones, dont nos propres « opiacés » circulants (entre autres, inducteurs d’euphorie à fonction antalgique).

Nous le savons, les théories freudiennes (valorisées et « augmentées » par Lacan) et les concepts des penseurs modernes, doivent beaucoup aux préceptes et légendes de la Grèce antique et à ses philosophes. Du célèbre « Connais-toi toi-même » du sage Chilon, attribué à Socrate (qui avant toute introspection signifie : « Prends conscience de tes limites ») aux personnages mythiques, tel Œdipe. Préceptes et personnages qui nourrissent toujours notre franc-maçonnerie. Les sages antiques, avaient aussi postulé avec lyrisme, que nous sommes habités par trois fées turbulentes qui se disputent en nous, mais inséparables : raison, intuition, imagination. Elles sont encore d’actualité et nous pourrions d’ailleurs les masculiniser en trois lutins modernes, avec pour nom : le Logicien (rigoureux), l’Expert (averti) et le Poète (rêveur).

Constat : Il nous serait impossible de vivre sans notre imaginaire (siège du rêve, de l’imagination, de la création, de l’invention, de l’innovation, de l’enthousiasme). Et cet imaginaire n’est autre que l’irrationnel (à comprendre non comme le contraire de la raison mais n’en relevant pas : les mythes, les légendes et les religions procèdent évidemment de l’irrationnel !).

Certes l’irrationnel a son versant négatif, et sa mauvaise réputation (superstition, passion excessive, violence, folies meurtrières dont les guerres, etc.), mais il est incontestable que ce même irrationnel a également la faculté « d’amplifier l’esprit » (l’esprit souffle où il veut, dit le poète !). Sans l’irrationnel, la raison s’assècherait : aucune grande réalisation (scientifique ou autre) ne peut faire l’économie de l’imagination et de l’intuition. Sans l’imaginaire, la franc-maçonnerie – entre autres sociétés de pensée – campée sur son socle mythique, n’existerait pas ! Einstein le confirme : « l’imagination est plus importante que la raison ! ».

La peur et la perte

Il n’est pas étonnant que de ce milieu psychique en « interactions » permanente, émerge en nous des doutes, des hésitations, des craintes. Alors même que nous devons gérer au quotidien notre peur existentielle, elle-même constitutive de notre Moi. Nous apprenons cette peur dès notre irruption au monde, avec l’intériorisation d’un dispositif de défense propre au vivant : l’instinct de conservation. Puis, en grandissant et adulte devenus, nous avons constamment peur, de la crainte de traverser la rue à celle de tomber malade, donc de souffrir, de mourir. Puis encore, nous avons peur de perdre nos proches, conjoint, enfants, parents, amis. Nous sommes aussi taraudés par les peurs « modernes » qui vont de la perte d’emploi au manque d’argent, de la privation de nourriture à la disparition du confort matériel. Et partant, nous craignions de ne plus exister aux yeux des autres, car indépendants par nature, nous sommes dépendants par nécessité ! En vérité, l’être humain n’est pas conditionné, préparé à « la perte », comme la plupart des animaux.

Dès lors, exposés comme tout un chacun aux aléas de l’existence, comment prétendre à quelque certitude, à une « vérité vraie » ?! Même les modèles mathématiques les plus sophistiqués sont tous contestables et remplaçables par d’autres. Il vaudrait donc mieux parler de réduire la part d’incertitude (théorie du modèle et de l’écart). Ainsi pour nous francs-maçons, qui nous inter-enseignons le doute, il convient de nous méfier et même de nous éloigner de toute « attitude de surplomb ». Qui consisterait (au fil de nos degrés encore trop souvent confondus avec des grades !) à nous donner hiérarchiquement en loge des leçons assorties de bons ou mauvais points, et en ville revenus, à vouloir y jouer à toute force l’exemplarité !

Pour faire image encore, je pense en matière de surplomb précisément, que « notre vérité », ne réside pas dans l’aplomb du fil mais dans ses oscillations « métaphoriques » : c’est à dire, dans le « tic-tac » du balancier de la vie même et donc dans notre comportement entre la frustration et la satisfaction, la maladie et la guérison, l’orgueil et l’humilité, de la colère à l’apaisement, de la haine à l’amour ! Tout comme notre lutte quotidienne pour « devenir meilleur » est dans l’angle entre les deux branches mobiles du compas. Comme le chemin entre notre besoin éperdu d’être aimé et d’autres êtres à aimer que soi est dans l’espace séparant les deux branches de l’équerre. Ou encore, quand il est question de la recherche de l’âme sœur, le parcours menant de la solitude à la rencontre est dans la distance entre le maillet et le ciseau ! Pour créer l’œuvre ensemble. Bref, nos tentatives d’accès à la certitude sont dans le mouvement productif, non dans le « regardez-moi », la domination, l’attente ou l’immobilisme !

C’est en sortant du paraître, que l’on finit par être !

Ainsi, il s’agit, selon la règle psychologique des 3P, empruntée à l’Analyse Transactionnelle (Puissance, Protection, Permission) de se donner les moyens de penser et d’agir, de prendre soin de soi et de s’autoriser à être et à faire. Ainsi, il n’y a pas meilleure autorité pour contrôler, que soi-même ! Au nom de l’estime de soi et des autres. Alors et seulement l’appréhension et l’angoisse font place à la confiance en soi, la culpabilité s’efface devant la responsabilité, et le sens de la vie devient enfin le sens de ma vie !

Parce que la seule véritable certitude que nous ayons est celle de notre finitude. Donc un encouragement, un engagement, à vivre le mieux possible notre éternité sur terre. La mort des autres, bien entendu, nous renvoie sans cesse à la nôtre. Faut-il la craindre ? Rappelons-nous, en guise d’apaisement, la belle et noble formule d’Epicure : « La mort ne nous concerne ni morts ni vifs. Vifs, parce que nous sommes, morts, parce que nous ne sommes plus! »

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Gilbert Garibal
Gilbert Garibal
Gilbert Garibal, docteur en philosophie, psychosociologue et ancien psychanalyste en milieu hospitalier, est spécialisé dans l'écriture d'ouvrages pratiques sur le développement personnel, les faits de société et la franc-maçonnerie ( parus, entre autres, chez Marabout, Hachette, De Vecchi, Dangles, Dervy, Grancher, Numérilivre, Cosmogone), Il a écrit une trentaine d’ouvrages dont une quinzaine sur la franc-maçonnerie. Ses deux livres maçonniques récents sont : Une traversée de l’Art Royal ( Numérilivre - 2022) et La Franc-maçonnerie, une école de vie à découvrir (Cosmogone-2023).

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