(Les « éditos » de Christian Roblin paraissent les 1er et 15 de chaque mois.)
On parle d’amélioration, de perfectibilité, d’exemplarité, que sais-je encore ?
Tout cela est bel et bon. Mais il ne faudrait pas que l’arbre cache la forêt, que quelques actions d’éclat masquent des turpitudes. Il y a dans l’idéalisme un appétit trompeur, un risque de passe-passe, l’idée d’être meilleur (par moments) qu’on ne l’est (en continuité) et d’en faire son épiphanie. On n’est pas maçon de loin en loin ou, plutôt, peut-être que si, en ne considérant que les exercices propres à notre discipline particulière. En revanche, on ne saurait être initié par intermittence. Nous ne sommes pas les intermittents d’un spectacle cérémoniel. Nous sommes des femmes et des hommes visant à leur accomplissement et s’efforçant d’y parvenir dans leur vie, grâce à une méthode symbolique partagée.
Nous parlons volontiers d’élévation : c’est vrai que, en nous détachant autant que faire se peut de nos propres préjugés, de nos réactions ordinaires, en accueillant l’autre le plus immédiatement possible dans sa diversité, nous embrassons de proche en proche une vision circulaire beaucoup plus large que nos multiples regards en couloirs, que les analyses critiques que nous avons une propension certaine à déclencher à tout propos, et nous surplombons peu à peu les horizons trop rapides que nous avions besoin de circonscrire par crainte de l’autre et dans une hantise de l’échec. Voici que prennent place dans notre conscience des interactions inaperçues jusqu’alors, voire souvent inattendues. Une sorte de profondeur ondoyante se manifeste, qui se clarifie et s’ordonne progressivement. Une habitude se prend, plus patiente et plus attentive, qui sous-tend discrètement la recherche d’une pensée juste et d’un acte juste. Une sorte de bienveillance lucide se fait jour, qui évite l’écueil de l’optimisme béat et ne tourne donc plus à l’oxymore.
C’est bien dans cette voie que nous conduit l’initiation. En libérant son point de vue des tentations partisanes, des attirances passionnelles, se mettre à l’écoute du réel avec autant de finesse que d’exigence, se faire le serviteur du bien commun au mieux de ses capacités. À cette fin, une condition et un entraînement s’imposent à toute heure, comme une boussole destinée à surveiller et à corriger les écarts, bien moins glorieuse qu’un thermomètre de supériorité : à tout le moins et en toutes circonstances, ne jamais céder à la médiocrité.
un seul mot: bravo. J’en ai des frissons. Simplicité, humilité, respect, pas de bienveillance politiquement correcte. Nous devrions marcher de cette façon, malheureusement “Nous ne sommes pas les intermittents d’un spectacle cérémoniel.” il y a des fois je me demande.
Belle journée Monsieur Roblin
françois Moureaux
MTCF François,
La raison de mon propos est évidemment comprise dans le doute qui te saisit et qui n’en est pas un, en réalité, puisque ce n’est que l’expression polie d’un constat parfois décevant. Pourtant, nous observons l’inverse, c’est-à-dire l’attitude de frères “cherchants sincères” qui partagent leurs aspirations dans une paisible fraternité. Et ils sont suffisamment nombreux pour que nous continuions sur la voie. J’ai coutume de dire que, si je suis encore maçon trente-huit ans après mon initiation, c’est parce que c’est encore en loge que j’ai trouvé “le meilleur rendement humain à l’hectare”.
Merci de ton message, en définitive, encourageant.
Je t’embrasse fraternellement,
Christian.