De notre confrère suisse illustre.ch – Par Patrick Baumann
L’ésotérisme est aujourd’hui souvent lié à l’écologie et aux revendications féministes, analyse Irene Becci, professeure à l’Institut de sciences sociales des religions.
La crise liée au Covid a accentué l’intérêt des jeunes pour l’ésotérisme contemporain, même si ce terme un peu flou regroupe aujourd’hui diverses pratiques comme la divination, la médiumnité, la cartomancie, la lithothérapie – pratique pseudoscientifique de médecine non conventionnelle basée sur la croyance en un pouvoir qu’auraient certains cristaux au contact ou à proximité de l’être humain -, l’astrologie restant certainement la plus connue d’entre elles. Une manière de questionner le monde, de chercher un sens qui se dérobe d’autant plus lorsque les repères traditionnels s’effritent. Comme l’explique Irene Becci, professeur à l’Institut de sciences sociales des religions de l’Université de Lausanne qui va prochainement publier sa recherche sur les nouvelles spiritualités et l’écologie, « les jeunes se sont rendu compte de la faillibilité de la société, du système social, politique, des limites de la démocratie et du fait que leur futur est menacé par les défis écologiques ».
Cela dit, l’attrait pour l’astrologie est un phénomène récurrent dans nos sociétés. « Contrairement à d’autres variables comme l’appartenance religieuse, la participation à des cultes, l’affirmation de la croyance en Dieu qui sont en chute libre depuis les années 1960, explique la scientifique, les croyances ésotériques restent constantes (plus de 30 % de la population suisse croit au pouvoir surnaturel des ancêtres disparus), même dans les régions les plus sécularisées du monde comme celles de l’ancienne République démocratique allemande, où l’on s’aperçoit que les jeunes sont de nouveau ouverts à une certaine spiritualité.» Ils sont butineurs, prennent le temps d’essayer différentes choses, indique encore la sociologue, relevant aussi les interactions entre spiritualité et féminisme sous la figure de la sorcière, même si souvent, dans l’esprit des jeunes filles qui s’attribuent ce terme, cela n’a plus rien à voir avec les figures historiques du passé. « On assiste aussi à une spiritualisation de l’écologie depuis une quinzaine d’années », relève Irene Becci.
« Il ne s’agit plus seulement de sauver les ours polaires loin de chez nous, mais de se dépolluer soi-même en revenant à une nourriture plus équilibrée. Il y a une valorisation de la dimension émotive de ce que la personne vit. Depuis vingt ans, tout ce qui relève du domaine spirituel est beaucoup plus légitimé. On peut afficher son intérêt pour la lecture de son horoscope, raconter une expérience énergétique extraordinaire vécue lors d’une marche en montagne sans craindre de passer pour un demeuré ou un illuminé. »