De notre confrère vosgesmatin.fr – Par Roger Maudhuy
Jacques de Molay naquit en Haute-Saône, vers 1243, pour mourir sur le bûcher, à Paris, en 1 314. Torturé, emprisonné dès 1307, il maudit le roi et le pape sur son bûcher, affirmant l’innocence du Temple. Quelques mois plus tard, roi et pape mouraient à leur tour. Voilà sans doute qui frappa l’imagination populaire et permit à Maurice Druon d’entrer à l’Académie française.
Comment le fantôme de Jacques de Molay a-t-il échoué à environ 80 km de son village natal, aux confins de la Haute-Marne et des Vosges, entre Harréville-les-Chanteurs et Bazoilles-sur-Meuse ? Nul ne peut le dire. Il n’y eut, à en croire les archives parvenues jusqu’à nous, aucun établissement templier ni à Harréville ni à Bazoilles. Par contre, les chevaliers teutoniques eurent dans ce village vosgien quelques biens. Sans doute ne faut-il pas chercher plus loin : la tradition confondit Teutoniques et Templiers. Après tout, c’étaient tous des moines-soldats, et, en France, un moine-soldat, c’était avant tout un Templier.
En contradiction flagrante avec l’Histoire, la légende nous dit d’abord que Jacques de Molay échappa aux troupes royales et se réfugia en Lorraine. Il se cacha près de Bazoilles-sur-Meuse, à la roche aux Fées. C’est, dans une falaise en bord de Meuse, une grotte qui fut occupée dès la préhistoire. Il y vécut des années, en proscrit, et y mourut. Pour preuve, on vous montre une marque dans la roche, faite, vous dit-on, par le fugitif.
Une autre tradition conte que les derniers Templiers se réunissaient secrètement dans cette grotte, sous l’autorité de Jacques de Molay, juché sur un âne. Un jour, il jura abominablement et lui et l’âne furent pétrifiés. L’on montra longtemps, sur la paroi de la grotte, à gauche de l’entrée, une sorte de haut relief naturel qui, avec beaucoup de bonne volonté, représentait très vaguement un homme à cheval sur un âne. Aujourd’hui, le temps et surtout les intempéries ont altéré la pierre.
La tradition rapporte que depuis lors, entre Bazoilles-sur-Meuse et Harréville-les-Chanteurs, le voyageur attardé peut rencontrer sur son chemin un cavalier revêtu d’une grande cape, certains disent noire, d’autres blanche, d’autres encore rouge. Mais tous sont formels : ce cavalier mystérieux, qui jamais ne fait le moindre mal aux voyageurs, est le fantôme de Jacques de Molay.
Vous souriez ? Eh bien, sachez que j’ai rencontré des témoins qui m’ont affirmé, avec le plus grand sérieux, que leur grand-père ou quelque autre parent avaient croisé ce spectre. Mais soyez rassuré : on ne l’a plus vu depuis au moins 50 ans. L’électricité a tué bien des esprits…
Folkloriste et historien, Roger Maudhuy a beaucoup publié sur les Vosges et la Lorraine.