ven 26 avril 2024 - 08:04

Le Rite Ecossais Ancien et Accepté : Un roman d’aventures

Je suis un rite

Vous savez, cet acte répétitif (le mot viendrait du sanskrit rita, signifiant « ordre », « succession ») que l’on appelle aussi coutume ou habitude, qui caractérise l’être humain (gestes, paroles, attitudes). Aussi bien dans la vie courante que lors de cérémonies.

En ce sens, j’existe en franc-maçonnerie, où progressivement, j’ai constitué – par une « façon de fonctionner » – la structure même des « tenues ». Ce ne fut pas facile au début, où sous l’appellation de « rit », je rimais plutôt avec improvisation ! Aujourd’hui, je suis en quelque sorte, d’abord le « conducteur » de ces tenues. Ensuite, je ne me résume pas en une suite de mouvements corporels. J’obtiens en loge une forme de théâtralité par la mise en scène coordonnée des mythes, légendes et symboles. Celle-ci produit ainsi des images et des situations à penser, à « métaphoriser », bref à transposer en actes positifs dans la cité.

Ce n’est pas moi qui le dis mais les historiens maçonniques : d’après eux, je suis prolixe puisque je me suis démultiplié en plus de 150 rites dans le monde ! Chacun avec leur spécificité (sociale, sociétale, corporatiste, humaniste, théiste, déiste, etc). Organisé en degrés, par superposition, je constitue une échelle à gravir pour le franc-maçon et la franc-maçonne. Et ainsi, je donne lieu à une suite d’initiations.

Un modèle de tablier au grade de « Maître » du Rite écossais ancien et accepté.

Au vrai, je me suis mis en sept pour vraiment me répandre sur la planète. Sept rites y sont effectivement en position dominante. Par ordre d’importance, mais sans qu’aucun ne soit « supérieur » à un autre : Rite Ecossais Ancien et Accepté (1801 – rite déiste, franco-anglais, le plus usité), Rite Ecossais Rectifié (1778 – rite déiste d’essence allemande), Rite Français (1786- issu des premiers rites anglais), Rite Emulation (1813 – rite théiste pratiqué par la Grande Loge Unie d’Angleterre), Rite d’York (1810 – rite américain d’origine anglaise), Rite Suédois (1870 – né à Stockholm), Rite de Memphis-Misraïm (1815-1816 – issu de deux rites associés, nés en France, d’inspiration égyptienne).

Les trois degrés de ladite échelle sont apparus vite insuffisants à un groupe d’hommes soudain éveillés à la spiritualité. Sous l’influence, il faut bien le dire, de maçons nobles désirant se démarquer des maçons roturiers, sont de la sorte nés dans le désordre d’abord des degrés complémentaires aux trois premiers. Pour me structurer lentement au cours du 18ème siècle en rites dignes de ce nom et enfin ordonnés, dont le Rite Ecossais Ancien et Accepté. Je me distingue alors par ma singularité, ma solennité, ma richesse et l’enchaînement de mes degrés !

Notons ici que le Chevalier Andrew de Ramsay, d’origine écossaise, n’est pas étranger à mon développement. Ce théologien littérateur (initié à Blois en 1730) a très probablement contribué à la propagation des Hauts-Grades, à partir de son discours en 1736, dans une loge parisienne. Ses envolées lyriques tendant à attribuer l’origine de la franc-maçonnerie à la Chevalerie et aux Croisés, ont sans conteste enflammé les imaginations de frères créatifs. Ils ont vite donné, de façon romanesque, une « couleur templière » à nombre de Hauts-Grades. Donc au rite que je suis, dans chaque obédience !

Le mot « écossais » dans l’énoncé du rite doit sans doute davantage au Chevalier de Ramsay qu’au pays d’Ecosse. Jusqu’à l’Ecossisme, ce néologisme crée pour désigner les Hauts-Grades ! Quel prestige pour moi lorsque les concepteurs du Rite Ecossais Ancien et Accepté décident de l’élever en 33 degrés. C’est à dire pour évoquer, soit, selon les versions, l’âge de la mort du Christ, ou le nombre des vertèbres de l’Homme. Autrement dit, je suis sans nul doute, un rite qui tient debout !

En vérité, ma construction, en tant que R.E.A.A. relève presqu’en soi d’un roman d’aventures ! Les intitulés français de mes degrés sont très largement dus à l’imagination débordante d’un franc-maçon bordelais, Estienne Morin, négociant en textiles, régulièrement accrédité par les maçonneries anglaises et françaises. Parti vendre ses tissus aux cours des années 1760 dans les Iles Caraïbes et en Amérique du Nord, il y propage mes vingt cinq premiers degrés. Et il les agrémente de huit degrés supplémentaires pendant ce périple (25+8 =33). Grâce à son accréditation, Estienne Morin, aidé localement par le frère Inspecteur des Douanes Henry Franken, m’officialise à Charleston le 24 juin 1801, en tant que, à la fois, Rite de Bordeaux et R.E.A.A. Avant de me ramener en France.

En effet, j’y suis rapatrié courant 1804 par un officier de l’  armée du roi, le comte Alexandre de Grasse-Tilly, privé de la succession de son père – une importante plantation – suite à une révolte locale. Après un détour par Charleston, il en revient porteur de la précieuse patente maçonnique que je représente et qu’il remet à Paris, au Suprême Conseil de France. Mon infatigable promoteur l’installe ensuite en Italie, à Milan en 1805, puis dans la Péninsule ibérique, où il crée, en 1811, le Suprême Conseil des Espagnes et des Indes. Je ne suis donc pas la propriété d’une « puissance maçonnique » en particulier. Grand voyageur, je continue mon odyssée de par le monde, encore aujourd’hui, grâce à des frères et des sœurs dynamiques, créateurs de sites dédiés à l’Art Royal.

Bijou des Souverains Grands Inspecteurs Généraux du 33e et dernier degré du Suprême Conseil Grand Collège du Rite écossais ancien et accepté du Grand Orient de France.

Sans être remis en question, le concept de dualité automatique « obédience-juridiction » est désormais côtoyé en France par un autre système en train de s’affirmer. Au début des années 2000 est apparue une nouvelle construction maçonnique mixte originale, près d’Aix en Provence, le Suprême Conseil de Méditerranée. A sa naissance, celui-ci, non souché sur une obédience, a reçu en filiation directe, la transmission du Suprême Conseil d’Italie (créé à Milan comme précité, par Alexandre Grasse-Tilly, assisté de Jean-Jacques de Cambacérès et Eugène de Beauharnais). Par son origine même, le Suprême Conseil de Méditerranée, travaille à mon rite, le R.E.A.A.

Il accueille ainsi les maîtres-maçons, hommes et femmes, de toutes obédiences et loges souveraines, appartenant à l’Ordre Traditionnel Maçonnique et qui souhaitent progresser dans une structure indépendante, du 4ème au 33ème degré. Ce Suprême Conseil, en ouvrant son recrutement, sort du fonctionnement classique et introduit une idée tout à fait neuve dans un paysage maçonnique français, jusqu’alors conditionné par l’articulation gémellaire en cause.

 Dans un univers de Suprêmes Conseils, jusque là « étanches », ce système généreux, à la fois moderne très respectueux de la tradition maçonnique, en offre une vision élargie. Comme R.E.A.A. je suis toujours ordonné en quatre séquences : Le mythe d’Hiram, la philosophie grecque, l’ésotérisme judéo-chrétien, la légende templière. Plusieurs dizaines d’allusions bibliques le rappellent : mes racines légendaires sont dans le bassin méditerranéen. De la symbolique du Temple de Salomon à l’épopée de la Chevalerie. En cela, le Suprême Conseil de Méditerranée s’inscrit géographiquement, dans son cadre historique. Il est enfin intéressant de noter à l’issue de ce voyage, que dès mon lancement aux Etats-Unis en 1801, j’ai constitué la base d’un système de Hauts-Grades (du 4ème au 33ème degré) indépendant de toute loge symbolique. Partant, cette Juridiction (tpsgc@supreme-conseil-mediterranee.fr) est bien fidèle au principe fondateur.

JE SUIS LE RITE ECOSSAIS ANCIEN ET ACCEPTÉ

2 Commentaires

  1. Il est temps de libérer la pratique de la Franc Maçonnerie régulière de tous ces diktats venus de Juridictions sclérosées qui ne représentent plus qu’elles mêmes. Un vrai maçon ne suit que son Rit et sa conscience.

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Gilbert Garibal
Gilbert Garibal
Gilbert Garibal, docteur en philosophie, psychosociologue et ancien psychanalyste en milieu hospitalier, est spécialisé dans l'écriture d'ouvrages pratiques sur le développement personnel, les faits de société et la franc-maçonnerie ( parus, entre autres, chez Marabout, Hachette, De Vecchi, Dangles, Dervy, Grancher, Numérilivre, Cosmogone), Il a écrit une trentaine d’ouvrages dont une quinzaine sur la franc-maçonnerie. Ses deux livres maçonniques récents sont : Une traversée de l’Art Royal ( Numérilivre - 2022) et La Franc-maçonnerie, une école de vie à découvrir (Cosmogone-2023).

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