ven 29 mars 2024 - 10:03

La parole qui ne peut être prononcée : le Tétragramme

Prononcer ce Nom en vain était un crime passible de la peine capitale dans la loi Juive.

Pour les juifs, ce nom, (dont la vocalisation, si elle a jamais existé ou seulement été prononcée par le grand prêtre du temple de Jérusalem n’est pas connue), ne doit pas être vocalisé en vertu du troisième commandement, traduit par : «tu ne prononceras pas le nom de YHWH en vain…». C’est ce nom sacralisé qui résidait dans le sanctuaire du Temple et pas YHWH lui-même (Deutéronome 12 ; I Rois,8,27 : mais est-ce qu’en vérité Dieu résiderait sur la terre? Alors que le ciel et tous les cieux ne sauraient te contenir, encore moins cette maison que je viens d’édifier! Et I Rois,29 : que tes yeux soient ouverts nuit et jour sur cette maison, sur ce lieu dont tu as dit : Mon nom y règnera). Ainsi, un vocable de substitution est toujours utilisé pour le prononcer.

Selon Thomas Römer, lorsque les rois d’Israël décidèrent de vénérer un autre Baal, celui de la Phénicie (l’actuel Liban), il y eût des mécontentements, des résistances: ce qui indique probablement que Yahvé était, lui aussi, une sorte de Baal, c’est-à-dire un dieu de la fertilité et de l’orage. (C’est un dieu guerrier, qui correspond au Seth des Égyptiens comme Baal du nord du Levant, un dieu qui protège les siens par la guerre.) Il est également représenté comme un personnage qui dompte des animaux sauvages, souvent des autruches. Si Yahvé est dompteur d’autruches, cela signifie qu’il contrôle la nature, ce qui est important pour un peuple nomade.

Pour un résumé bien pensé voir aussi 

 

Une de représentations du dieu des israélites, dont l’essence est inaccessible, le tétragramme יהוה ou tétragrammaton, YHWH, est un nom hébraïque se composant des quatre lettres hébreux (yod, , waw, hé) que l’on trouve écrit sous la forme YHVH, YHWH ou JHWH. La permutation des lettres de ce mot permet l’apparition de l’être parlant (a été, est et sera).

Le tétragramme est utilisé 1820 fois dans le Pentateuque et 6499 fois dans l’Ancien Testament. Ce nom, par lequel le Dieu des hébreux se nomme à Moïse, «je serai ce que je serai», est traduit par Marc Alain Ouaknin comme : “je serai celui qui continuera à dire en permanence que je serai”. C’est donner au tétragramme une signification à la fois ontologique pour l’humain qui n’est qu’un potentiel d’être, et cosmologique pour l’univers en expansion. Notons que Plutarque, dans son traité sur Isis et Osiris, nous apprend que, bien antérieurement à Moïse, «en la ville de Saïs, ancienne capitale du royaume de ce nom, située au centre du Delta, cité fameuse par sa richesse, ses temples et ses palais, une statue d’Isis était placée au fronton d’un sanctuaire vénéré. Au-dessous d’elle se trouvait gravée cette inscription : Je suis tout ce qui a été, qui est et qui sera. Nul mortel n’a levé le voile qui me couvre » Cela fait-il de Moïse un plagiaire ou un disciple ?

Une affirmation d’identité de deux noms de Dieu est écrite au verset 4,39 du Deutéronome, verset utilisé comme référence : YHVH  hou haElohim (יְהוָה הוּא הָאֱלֹהִים), IHVH est l’élohim. Le nom divin de forme pluriel Élohim apparaît dès le premier verset de la Genèse où il incarne le Nom dans la création. Il y figure donc comme un déterminatif de toutes les forces. Ce Nom sera celui des attributs de la rigueur et de la justice alors que le Nom Tétragramme sera celui de la Miséricorde résidant dans l’Unique (Roland Bermann).

Au XIIIe siècle, le rabbin Joseph Gikatila précisait : Vous devez savoir qu’il y a 54 noms quadrilatéraux connectés à YHWH qui s’additionnent aux 216 lettres. Ces 54 noms contiennent le secret pour le dessein de la puissance de tout ce qui existe dans le monde; ils sont comme l’âme des 216 lettres qui sont contenues dans les versets [de la Bible…].

Pour les kabbalistes, parmi les 70 noms de Dieu,  il existe neuf autres noms du Dieu correspondant chacun à une séphira : Adonaï (Adny), valeur 65 ; Yah, valeur 15, formé du yod masculin et du Hé féminin, il représente la force d’unité du monde d’en haut et du monde d’en bas ; El, valeur 31 ; Eloha, nom formé à partir du précédent auquel s’ajoute les deux dernières lettres du tétragramme, valeur 42 ; Elohim, un pluriel intrigant, valeur 86 ; Elyéh, signifiant «Je serai», valeur 21 ; Chaddaï, régulant l’équilibre des forces de la nature entre désordre et organisation, valeur 314 ; El Chaddaï, valeur 345, de même valeur que le nom hébreu de Moïse ; Tsevaot, qui peut être traduit par Armée de lettres, ce serait le nom de Dieu manifesté dans les textes, valeur 499.

La valeur guématrique du tétragramme est 26. À remarquer que l’alcool éthylique que contient le vin (ce qui le différencie du jus de raisin) a pour formule chimique C2H5OH, formé de 26 électrons (12 de Carbone (6×2) + 5 d’hydrogène (5×1) + 8 d’Oxygène  (8×1) + 1 hydrogène). Bénir avec du vin, c’est bénir avec le tétragramme.

On trouvera avec neuf leçons (Le dieu Yhwh : ses origines, ses cultes, sa transformation en dieu unique) de Thomas Römer au Collège de France une approche historique, archéologique et sacerdotale des plus érudites.

Dans le premier catéchisme maçonnique français de 1745, Le vrai catéchisme des frères francs-maçons rédigé suivant le code mystérieux et approuvé de toutes les loges justes et régulières, on peut lire : St Clément d’Alexandrie dit que ce grand nom était Jao, d’autres auteurs le prononcent jaod et les juifs pensaient que c’était simplement Ja (Ia en est la prononciation allemande du J)… Néanmoins, le nom d’Ia a été comme consacré dans l’écriture et dans les prières publiques à la fin des psaumes où se chante Allelou-Yah, louez celui qui est.

Les anciens traduisaient יהוה par Anekphoniton, l’ineffable. Toutefois, les chrétiens l’ont parfois transcrit dans les traductions par Yahvé, Yahweh ou Jéhovah, en superposant les voyelles d’Adonaï au tétragramme. En le prononçant. Irénée de Lyon atteste que les Gnostiques prononçaient Ιαωθ, Yao, d’autres hérétiques Ιαώ, Yahou. Ce dernier nom se trouve en grec dans un fragment de texte retrouvé chez les Esséniens datant du 1er siècle avant J. C. Théodoret de Cyr (Ve siècle) dans Quaestiones on Exodum, rapporte : les Samaritains appellent dieu Ιαβέ, yahé, et les juifs Άϊά, Aya. Cependant, depuis le début, l’Église catholique préconise de remplacer YHWH par l’appellation «le Seigneur». Chaque traduction de la Bible a pris des options différentes. Ainsi, la Bible de Jérusalem a choisi de rendre le tétragramme par Yahvé  (ce que faisait également la traduction de Crampon en 1928), la TOB (Traduction Œcuménique de la Bible) le notifie par LE SEIGNEUR (en majuscules) comme la Nouvelle Bible Segond et André Chouraqui le rend par une superposition des deux mots «Adonaï sur IHWH».

Pour des traductions des noms de D.eu, écouter à partir de 19’41 : franceculture.fr/emissions/talmudiques/redecouvrir-andre-neher-2-2-la-bible-construite-a-la-maniere-d-une-oeuvre-musicale

Jéhovah est une association entre les consonnes de YHVH et les voyelles d’Adonaï pour une prononciation de substitution permettant de vocaliser le tétragramme. Jehova signifie la présence du tétragramme, tout en rendant visible qu’il ne faut pas essayer de prononcer le Nom de Dieu. La Parole retrouvée ne pourra se dire, elle sera seulement montrée. Cela veut dire que la vision suprême, révélatrice de l’ultime «réalité», ne peut être dite.

Pour facilité la lecture, ce sont les Massorètes (savants juifs) qui ont fixé le texte hébreu de la Bible avec les voyelles entre le VIe et Xe siècle. Le tétragramme se prononce soit Yahvé soit Jéhovah. La première utilisation de cette dernière forme date de son utilisation par le moine espagnol Raymundus Martini dans son Pugeo Fidei.

Au tout début de ce qu’on a appelé la Franc-maçonnerie se trouvait un dogme : croire en Dieu. Dans les premiers catéchismes maçonniques, le compas symbolisait YHVH, l’équerre symbolisait la croix de Jésus de Nazareth.

Le mot Dieu est connoté et porte en lui-même une limitation rationnelle. Si les premiers maçons (et actuellement tout ce qui découle de la maçonnerie anglaise) avaient cette obligation d’une croyance il faut reconnaître que cela a bien changé pour les obédiences françaises. Il en reste, cependant, des traces visibles dans la présence du tétragramme dans le temple  maçonnique.

Historiquement, en Franc-maçonnerie, le nom de Jéhovah et celui d’Hiram furent étroitement associés. On retrouve ainsi le nom Jéhovah parfois dans un triangle, sur la tombe d’Hiram, ou sur le bijou du maître jeté lors de sa cérémonie d’élévation au grade de maître.

Sa signification claire est démontrée par toutes les Divulgations françaises, avouée par Coustos aux inquisiteurs portugais en 1732 : Hiram est l’incarnation de Jéhovah. Cette idée a offusqué beaucoup de francs-maçons, d’où de nombreuses variantes. En regardant le tableau du 3ème grade extrait des Divulgations de 1742, on peut s’interroger sur l’identité du mort enseveli. À l’époque (ce qu’en dit la Bible) le tombeau en question est mis dans le Saint des saints, or celui-ci ne peut être habité que par Jéhovah. Ainsi, l’inhumation du cadavre dans une tombe marquée du nom Jéhovah, la tentative de le redresser (alors qu’il est déjà pourri), l’échec de cette tentative et l’inhumation finale dans le Saint des saints sont des arguments pour défendre cette version.

À l’origine, Prichard avait donné l’idée générale de l’épisode Hiram, Léonard Gabanon en établit  le canevas (1740) et l’abbé Pérau compléta la mise en scène du psychodrame en 1742 dans le Trahi. Sobre au début, le scénario se compliqua par la suite de détails et d’explications souvent différentes les unes des autres.

Dans les instructions du RF on lit : «Et d’abord il [Salomon] fit faire un tombeau des plus superbes dans le sanctuaire et reprenant notre Maître par les mains avec les cinq points de perfection, il le fit inhumer et mettre dans le cercueil, faisant mettre une plaque d’or dessus où il fit graver l’ancien mot de Maître qui était Jéhovah.»

Pour libérer les maçons de ce mot Dieu (que l’on trouve au deuxième degré dans l’interprétation anglaise de la lettre G de l’étoile flamboyante par God) il a fallu trouver un substitut : le GADL’U. Dans une vision antithéiste, Pierre-Joseph Proudhon écrit [je le cite bien qu’il fût judéophobe !]: Chaque maçon peut alors travailler à chercher le sens profond de ce principe de base. Le Dieu des Maçons n’est ni Substance, ni Cause, ni âme, ni Monade, ni Créateur, ni Père, ni Verbe, ni Amour, ni Paraclet, ni Rédempteur, ni Satan, ni rien de ce qui correspond à un concept transcendantal. Toute métaphore est ici écartée. C’est la personnification de l’équilibre universel. Il est l’architecte ; il tient le compas, le niveau, l’équerre, le marteau, tous les instruments de travail et de mesure. Dans l’ordre moral, il est la Justice.

Les premiers à utiliser le nom de Jésus sous une forme hébraïsée Yeshouah ou Yeheshuah sont les occultistes de la Renaissance de la première moitié du XVIe siècle. À la suite de Pic de la Mirandole, ils font dériver ce nom du Tétragramme hébraïque YHVH (יהוה) en lui ajoutant un Shin (ש) au milieu afin de produire le Pentagrammaton YHSVH (יהשוה) qui serait la translittération latine de JHSVH ou IHSVH ou IHSUH dont les trois premières lettres sont le monogramme IHS/JHS du nom de Jésus (dérivé du grec ΙΗΣ). «Par la lettre shin, qui est au milieu du nom de Jésus, il nous est signifié cabalistiquement que le monde repose parfaitement comme en sa perfection quand la lettre yod est unie à la lettre vav, ce qui est réalisé dans le Christ qui fut le vrai Dieu, fils et homme.» (Jean Pic de la Mirandole, Conclusions cabalistiques.

Selon Jean Reuchlin (vers 1517), l’histoire de l’humanité peut se répartir en trois périodes : la première, celle de la nature, pendant laquelle Dieu se révèle aux patriarches sous le trigramme de Shaddaï (שדי) ; la seconde, celle de la Loi, pendant laquelle Dieu se révèle à Moïse sous le Tétragramme (יהוה) [prononcé Adonaï] et la troisième, celle de la Grâce et de la Rédemption, pendant laquelle Dieu se révèle aux apôtres sous cinq Lettres, ou Pentagrammaton, YESHOUAH (יהשוה) :«In natura SDI, in lege ADNI, in charitate IHSVH.» (Dans la nature SDI, dans la Loi ADNI, dans la charité IHSVH).

À l’occasion d’une interrogation “Qui était Yeshoua” un documentaire d’interprétations des sources, passionnant sur la gnose (en 10 épisodes)

Le but véritable de ces manipulations «caractérielles» est de montrer qu’avec le nom de Jésus, le tétragramme n’est plus imprononçable, car il est contenu dans l’énoncé du nom du messie.

Ce Pentagrammaton sera récupéré et disséminé, via le martinisme, dans le magisme du XIXe par l’occultiste Éliphas Lévi, avant d’être récupéré par les mouvements magiques du XXe comme la Golden Dawn.

À remarquer que cette écriture hébraïque n’est qu’une construction, la véritable forme grammaticale qui signifie « D. est son aide» étant (יהשוע) avec la racine (יּוֹשִׁעָ) qui signifie «sauveur» comme en Exode,2,17 où Moïse «sauve» les sept filles de Jéthro agressées près du puits par des pâtres.

Pour une approche de la personnalité du messie dans la littérature biblique et rabbinique lire l’ouvrage de Jean-Yves Legouas.

1 COMMENTAIRE

  1. La valeur guématrique du tétragramme est 26. Selon le kabbaliste Eric Daniel El-Baze, les 3 personnages bibliques qui seront élevés (avant le Don de la Torah) dans la conviction de l’existence d’un D.ieu Unique et Éternel sont Joseph, Jacob et Isaac. Parce que ces 3 personnages représenteront au cours de l’Histoire biblique la figure du Juste (le Tsadik), tous auront un nom multiple de 26 pour que soit scellée en eux l’Alliance au Divin. Ainsi, Yossef (Joseph) devenu vice-roi d’Égypte, symbolisera dans la Torah la maîtrise sur les forces de la matérialité ; pour cette raison, son nom a pour valeur 156 ou 6 x26, allusion aux 6 jours de la création. Concernant Yaacov (Jacob), puisqu’il deviendra le Père d’Israël, son nom égal à 182 ou 7×26 sera directement lié à la Spiritualité du 7ème Jour, le Jour du Shabbat qui sanctifie la création. Enfin, Its’hak (Isaac) ou 8×26 soit 208, symbolisera tout au long de l’histoire le 1er enfant juif à avoir été circoncis (Brit Milah) à l’âge de 8 jours (Secrets de Kabbale, Livre 1, Béréchit, Éditions Édilivre). Pourquoi son nom est-il Isaac ? Parce la lettre Yod correspond aux dix épreuves. Le Tsadé correspond aux quatre-vingt dix ans de Sarah quand elle lui donna naissance. Le Ḥeth correspond aux huit jours au bout desquels il fut circoncis. Le Koph correspond aux quatre cents ans d’Abraham quand il naquit. (Jean-Yves Legouas Le messie dans la littérature biblique et rabbinique, p.420 : ).
    On peut se demander si le Tetragramme serait imprononçable parce que formé uniquement de consonnes (sans ponctuations massorétiques permettant une vocalisation) ou imprononçable car composé uniquement de voyelles. Il lui est substitué un mot pour l’oralité : Adonaï. Cette substitution s’appelle le Qéré permanent. Prononcer le mot «amen», אמז (dont la valeur numérique est 1+40+50 = 91) c’est rendre audible l’association du Tétragramme imprononçable, יהוה (YHWH : 10+5+6+5=26) avec son nom de substitution, אדני, Adonaï (1+4+50+10=65). On peut penser également que Jéhovah est une association entre les consonnes de YHVH et les voyelles d’Adonaï pour une prononciation de substitution permettant de vocaliser le tétragramme.
    Il est aussi appelé Shem Hamphorasch, expression hébraïque, signifiant le Nom Séparé. Le Tétragramme est ainsi appelé parce que, comme Maimonide, dans le Guide des Perplexes, tous les noms de Dieu sont tirés de ses œuvres, sauf le Tétragramme, qui est appelé le nom séparé, parce qu’il est dérivé de la substance du Créateur, dans laquelle il n’y a aucune participation, c’est-à-dire, ce nom indique l’essence de Dieu qui existe par soi-même et séparée de Ses œuvres. Il s’agit d’une forme issue de la racine trilittérale (HYH) du verbe «être».
    YA-HU-AH est le nom d’une ancienne divinité du panthéon sumérien, signifiant [en sumérien] source de vie. Il est à remarquer que le mot existence, en hébreu havaya (hé, vav, yod, hé), a les mêmes lettres que YHVH. Le hé est une fenêtre vers l’extérieur, une ouverture vers une vie spirituelle. La calligraphie de la lettre Hé peut être formée de la lettre dalet et d’un seuil au devant qui est soit un waw, soit un yod. Dans le premier cas, le hé est appelé דו Dow, dans le second cas, il est appelé די Dy. Dans le nom tétragamme yod-hé-waw-hé, le premier hé est un dow, le second, appelé petit hé, est dy. L’association des deux «hé» donne l’expression דוֹדִי dowdy, «mon amant», l’amant du Cantique des cantiques.
    Moïse aurait imposé cette désignation à une peuplade de nomades, les Hébreux, inspiré par le culte madianite de son beau-père, le prêtre Jethro de la parenté d’Abraham. À poursuivre sur le site : .
    Le Tanakh (la Bible hébraïque) rapporte que cette expression fut entendue par Moïse au sommet du mont Horeb dans le désert du Sinaï.
    Il parait pour la première fois dans le Texte, et seulement lorsque l’Être des êtres, ayant accompli l’acte souverain dont il avait conçu la pensée, se rétablit lui-même dans son immuable séïté en génèse 2, 4. Ce nom offre d’abord le signe indicateur de la vie, doublé, et formant la racine essentiellement vivante הה. Cette racine n’est jamais employée comme nom et c’est la seule qui jouisse de cette prérogative. Elle est, dès sa formation, non seulement un verbe, mais un verbe unique dont tous les autres ne sont que des dérives : en un mot, le verbe הוה, «être-étant». Le signe de la lumière intelligible est au milieu de la racine de vie. Moïse prenant ce verbe par excellence pour en former le nom propre de l’Être des êtres, y ajoute le signe de la manifestation potentielle et de l’éternité, et il obtient יהוה, dans lequel le facultatif «étant» se trouve placé entre un passé sans origine, et un futur sans terme. Ce nom signifie donc, l’être-qui-est-qui-fut-et-qui-sera. On considère qu’il atteste de la création à travers ses 4 éléments : le Yod est pris pour représenter l’élément feu, Hé (prime) l’eau, Vav l’air et Hé (final) l’élément terre. Le tsérouf du tétragrame est הויה, avahia, qui veut dire existence.
    Quelques fois il apparaît ainsi écrit אהוה ; le targoum chaldaïque le rend par trois yod : י י י, les trois éternités ou éternité des éternités. Consulter l’indispensable texte de Mathias Delcor, pour approcher les diverses manières d’écrire le tétragramme sacré dans les anciens documents hébraïques : .
    Dans sa forme guématrique cumulative dynamique, le tétragramme fait apparaître qu’il contient les 72 noms du Dieu des hébreux (י+יה+יהו+יהוה soit 10+15+21+26=72). Voir l’article : .
    En termes Kabbalistiques, les quatre lettres du Tétragramme se divisent en deux combinaisons: Yod-Hé et Vav-Hé. La première représente le monde caché tel qu’il fut conçu dans l’Esprit Divin (la lettre Yod un point symbolisant la Hokhmah Divine ; Hé dimensionnelle symbolisant Binah). La dernière combinaison représente les mondes effectivement créés, les mondes révélés, y compris notre monde matériel. Le nom de quatre lettres (מצפץ) n’est rien d’autre que le Tétragramme translittéré selon une méthode guématrique qui prévoit le remplacement de la première lettre de l’alphabet par la dernière, de la deuxième par l’avant-dernière et ainsi de suite.
    Le Zohar propose, comme forme ésotérique du tétragramme, une épée : le yod est le pommeau, le vav est la lame, les deux hé sont les deux tranchants.
    Dans la liturgie chrétienne le tétragramme est remplacé par les mots Kurios en grec, Dominus en latin, Seigneur en français. On peut se demander si le Tetragramme serait imprononçable parce que formé uniquement de consonnes (sans ponctuations massorétiques permettant une vocalisation) ou imprononçable car composé uniquement de voyelles. Ainsi, dès le Moyen Âge, certains chrétiens ont lu à haute voix YHVH en appliquant la vocalisation du terme Adonaï (le shem adnout), intercalant les trois voyelles a, o et a, obtenant ainsi le nom Jahova (le j est la lettre allemande pour la prononcoation ïa) Cependant, durant tout le XXe siècle, le catholicisme a utilisé de préférence la transcription Yahvé pour les éditions non liturgiques de la Bible. Mais sur directive papale, la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, se référant à la Vulgate traduite par Saint Jérôme, a décrété en 2001 que le tétragramme se traduit en latin par Dominus et doit être rendu dans chaque langue vernaculaire par un mot de la même signification.
    Les Bibles protestantes traduisent et prononcent le tétragramme par l’Éternel.
    Le mystère inépuisable du nom par lequel s’est révélé le Dieu des Hébreux est ainsi chosifié par les dogmes, engendrant une tyrannie de l’interprétation, une appropriation cléricale des commentaires.
    Fondé sur le verbe être, le tétragramme s’oppose au dieu idolâtré Baal (traduit par propriétaire, seigneur), représentant le verbe avoir.
    Le tétragramme apparaît parfois dans le Delta lumineux, où il peut être remplacé (rarement) par quatre traits verticaux.

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Solange Sudarskis
Solange Sudarskis
Maître de conférences honoraire, chevalier des Palmes académiques. Initiée au Droit Humain en 1977. Auteur de plusieurs livres maçonniques dont le "Dictionnaire vagabond de la pensée maçonnique", prix littéraire de l'Institut Maçonnique de France 2017, catégorie « Essais et Symbolisme ».

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