ven 29 mars 2024 - 11:03

Jazzmen Franc-Maçons épisode 3 Nat King Cole

Nathaniel Adams Cole (March 17, 1919 – February 15, 1965)

Bien oublié aujourd’hui, le roi Cole avant de devenir à la fin des années 40 et début des années 50 l’équivalent d’un Michael Jackson ou un Prince de l’époque, fut un pianiste de jazz ayant participé à de nombreuses sessions célèbres.

Il fut reçu en janvier 1944 à la Thomas Waller Lodge N° 49 California, Prince Hall. (Thomas Waller est le nom du célèbre pianiste Fats Waller)

Comme beaucoup, si ce n’est la majorité des musiciens de jazz, il vécut une enfance et jeunesse sous le signe de l’église. Son père était pasteur baptiste et sa mère organiste d’église. Il commença donc très tôt son apprentissage et donna son premier spectacle à l’âge de quatre ans en chantant et jouant : « Yes ! We Have No Bananas ».

C’est à l’âge de 12 ans qu’il étudia le piano en passant de Bach à Rachmaninov, et du gospel au jazz. Il bénéficia d’un programme d’éducation musicale (Walter Dyett’s musical program) à la DuSable High School de Chicago, qui format un nombre impressionnant de jazzmen et women célèbres. La liste est longue mais on peut citer Gene Ammons, Jerome Cooper,  Richard Davis, le rocker bluesman Bo Diddley, Johnny Griffin, Johnny Hartman, le contrebassiste et TCF :. Milt Hinton, Dinah Washington etc.  Une bonne cinquantaine de célébrité du jazz, pour les connaisseurs ont étudié grâce à ce programme.

Nat commença par faire le mur de chez lui pour aller écouter Louis Armstrong, Earl Hines ou Jimmy Noone, en restant en dehors, vu son âge. Mais à 15 ans, il quitte l’école pour entamer une carrière musicale et enregistre avec son frère Eddy à la contrebasse un premier disque dès 1936. En 1937 il commence à tourner et se marie ( !) avec une musicienne du sextet. Installés à Los Angeles, c’est à la demande d’un patron de club qu’il va former son fameux trio (le meilleur pour ma part), avec Wesley Prince à la contrebasse et le très très talentueux Oscar Moore à la guitare. Là encore, au même titre que Duke, Count et autres, la radio va jouer un rôle primordial dans la diffusion et la popularité de ce trio.

Chante moi un truc

En 1940, un client ivre lui demande de lui chanter une chanson. Nat ne la connaissant pas, lui chante « Sweet Lorraine » à la place. En écoutant sa voix si particulière, le public en redemanda et c’est ainsi que sa carrière de chanteur débuta. Dans les années qui suivirent il se partagea entre sa carrière de pianiste et de chanteur, mais en 1944 il intégra la série des concerts du « Jazz At The Philarmonic » créé et organisé par le célèbre Norman Granz, l’ami et producteur des jazzmen et women. NKC enregistra avec Illinois Jacquet, Lester Young, le guitariste Les Paul, des faces absolument extraordinaires, à la fois de virtuosité et d’humour, jouant avec un public complice, attentif et répondant à chaque sollicitation du musicien.

1946-1950

En 1946 il entame une série d’émissions, et jusqu’en 1948 il enregistrera ces sessions pour la firme Capitol. Il participera à de nombreux autres programmes, notamment celui d’Orson Welles.

C’est à partir de ce moment qu’il va parallèlement enregistrer des choses plus commerciales, avec grand orchestre à cordes, ce qui élargira son public hors des limites du monde du jazz. Il cristallisera ainsi sa popularité en interprétant des grands standards du répertoire américain, tels que « All Of You », « Route 66 », « The Christmas Song », « Nature Boy », etc.

Le 5 novembre 1956 il va travailler pour la chaine de télévision NBC. Ce sera un des tous premiers spectacles de variétés avec un africain-américain comme animateur principal. Il reçut des grandes vedettes comme Harry Belafonte, Tony Bennett, Ella Fitzgerald, Peggy Lee, Frankie Laine, Mel Tormé et beaucoup d’autres.

Le show s’arrêtera faute d’argent, mais NCK continuera d’enregistrer et de vendre des millions et des millions de disques à travers le monde.

En 1959 il reçoit un Grammy Award pour ses « meilleurs succès du top 40 ».

En 1964 il apparaît une dernière fois à la télévision dans le Jack Benny Show, et le film Cat Ballou (1965) dans lequel il apparaît sortira après sa mort.

Le célèbre Route 66 avec Wesley Prince et Oscar Moore.

Polémiques

NKC s’est vu reproché d’avoir abandonné le jazz pour la variété, mais il enregistra en 1956 Jazz Midnight, entièrement consacré au jazz.  Toutefois, tout son art est emprunt de jazz, y compris dans ses faces les plus commerciales, et il faut également tenir compte de l’engagement politique sous-jacent dans une période particulièrement dure pour les noirs américains. Avoir une telle popularité mondialement reconnue, permettait de légitimer l’art et l’existence de toute une communauté exclue de la société blanche.

Nat et le racisme

Lorsque le couple Cole décida d’acheter la maison de l’actrice du muet Lois Weber à Los Angeles, le Ku-Klux-Klan très actif, plaça un croix enflammée dans sa pelouse. Les membres du syndicat des copropriétaires de l’endroit, lui firent comprendre qu’ils ne souhaitaient pas avoir « d’indésirables » dans ce groupement de villas, bien propres.

À Cuba en 1956, on lui refusa une boisson dans un bar réservé aux blancs. Toujours la même année il dut fuir un assaut pendant un concert à Birmingham dans l’Alabama dans lequel il se fit agresser. Les membres de ce petit groupe raciste qui voulaient le kidnapper, lui reprochaient de faire circuler des photos de lui avec des femmes blanches de son fan club.

NCK essaya d’éteindre le feu contre lui, mais en vain. Il fit ce qu’il pu et contribua financièrement à la NAACP (National Association For The Advancement of Colored People) comme beaucoup d’artistes noirs tout au long de leur carrière. Malgré tout, le président de la NAACP lui reprocha très méchamment d’être un « Oncletomiste » et Roy Wilkins le secrétaire, lui adressa une lettre lui expliquant que quoiqu’il fasse, dise ou pense, il subira toujours le racisme tout en l’enjoignant de s’engager dans la croisade antiraciste états-unienne.

Ce qu’il fit en étant un membre actif permanent de la branche de Detroit de la NAACP et participant à de nombreuses marches sur Washington.

En 1960 il chanta pour la « convention » du parti démocrate de John Kennedy, recruté pour l’occasion par Frank Sinatra, il fut même consulté par le président concernant les problèmes de racisme.

À partir de 1964 il commença à maigrir et lors du concert qu’il donna au Sands Hotel en septembre il s’écroula avec de grandes douleurs au dos, et se résigna enfin à consulter. On lui détecta un cancer à la gorge (pour un chanteur, c’est symboliquement assez … parlant). NCK était un grand fumeur et on lui annonça qu’il n’avait plus que quelques mois à vivre.

Contre l’avis de sa femme et de son docteur il enregistra son dernier disque les 1er et 3 décembre à San Francisco avec l’orchestre de Ralph Carmichael. L’album sortit rapidement après sa mort sous le titre L-O-V-E.

Swing, humour, élégance, virtuosité, sensation de facilité, la perfection.

HOMMAGES

Aux funérailles de NKC à la St. James Episcopal Church de Los Angeles parmi les 400 personnes présentes dans l’église, on pouvait en compter des milliers au dehors. Le jour d’après une foule considérable défila dont, Robert Kennedy, Count Basie, Frank Sinatra, Sammy Davis Jr, Johnny Mathis et beaucoup d’autres peu connus ici mais célèbres aux États-Unis. Peu de temps avant sa mort, en révélant sa maladie au public, NKC reçut à l’hôpital des millions de lettres de soutien du monde entier.

NKC était un virtuose au piano avec cette apparente facilité de jeu et une décontraction incroyable. Une classe et une élégance pour compléter le tout ainsi qu’une diction de l’anglais absolument impeccable.  Un sens du swing absolument implacable, un phrasé délié un toucher puissant un sens harmonique et des trouvailles humoristiques en firent sa marque de fabrique.

L’immense pianiste Bill Evans disait et revendiquait même, que NKC fut une de ses premières grandes influences.

Il apparaît également à partir de 1943 dans 43 courts-métrages et films, soi en tant que lui-même, soit en tant qu’acteur/chanteur.

De 1950 à 1964 il apparaît dans le Ed Sullivan show durant 14 épisodes, et ainsi chaque année dans de nombreuses émissions dont la BBC jusqu’au dernier Jack Benny Program.

Il est au « Alabama Music Hall Of Fame », a obtenu le « Grammy Lifetime Achievement Award » en 1990, au « Dow beat Jazz Hall Of Fame » en 1997 et le « Hit Parade Hall Of Fame » en 2007.

On compte environ 50 millions de disques vendus pendant sa carrière et la chanson « The Christmas Tree » arrive toujours en tête du classement pendant les fêtes de Noël, y compris en 2021 !

Discographie sélective

Avec une quarantaine d’albums à son nom de 1944 aux sorties posthumes de 1966, je vous recommande quelques galettes vraiment superbes.

Une courte sélection à voir sur la toile (en anglais seulement)

Documentaire de 45 mn par Jack Perkins, réalisé en 1998 : https://youtu.be/KdsKiSlivJs

Documentaire sur la récupération des vinyles : https://youtu.be/SEX25KaoDgA
Une interview après l’attaque de Birmingham Alabama :https://youtu.be/SEX25KaoDgA

3 Commentaires

  1. Merci MTCF, de remettre au jour la lumière que donnait mon idole NKC.
    Connais-tu le disque enregistré sous le nom de Shorty Nadine? Un passage avec Les Paul extraordinaire.
    Et un disque Capitol “wecome to the club” avec le grand orchestre de Basie (sans Basie), une perfection.
    Amitiés
    Michel Wacksmann

  2. MTCF
    Non je ne connais pas cette face, en revanche il y a les sessions du JATP avec Les Paul et NKC absolument jouissive, en live avec un public réactif. Un pur régal.
    YRM

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Yves Migdal
Yves Migdal
Yves Rodde-Migdal né le 02-11-1954 à Paris, a travaillé comme graphiste, directeur artistique, dans la presse et l’édition depuis 1975 (diplômé de l’école Estienne) et enseigné au CFPJ - Centre de Formation et de Perfectionnement des Journalistes - pendant plus d’une dizaine d’années. À la libéralisation de la bande FM au début des années 80, il a travaillé un an à RVS (Radio Vallée de la Seine), et anime depuis 2011 l’émission Jazzlib’ sur radio libertaire 89,4 FM Paris, dans laquelle il accorde une grande place à l’histoire du jazz et invite de nombreux prestigieux musiciens, preuve que le jazz est toujours vivant. Parallèlement à ces activités, il a étudié le piano classique et s’est tourné vers le jazz dès l’âge de 16 ans. Il a étudié avec le pianiste Michel Sardaby, et Marc Berkowitz de la Berklee School Of Music. Il a composé des musiques de films, génériques, pièces de théâtre, et a régulièrement tourné avec son quartet et trio dans les années 90, 2000. Il a écrit de nombreux portraits de musiciens et sur l’Histoire du jazz dans diverses revues. Il a également rédigé, dans le cadre du devoir de mémoire en tant qu’ancien élève d’Estienne, deux longs articles dans le troisième tome de l’histoire de l’école. Auteur du livre Jazz & Franc-Maçonnerie, une histoire occultée, sortie en 2017, préfacé par Philippe Foussier (ancien Grand Maître du GODF 2017-2018, et « postfacé » par Alain de Keghel, passé souverain Grand Commandeur du Suprême Conseil du REAA - GODF 2002-2008). Editions Cépaduès Toulouse. Initié au GODF en février 1990 au rite français, Vénérable Maître de 1998 à 2001, et de 2015 à 2018, Officier du Congrès de Paris 3 du GODF depuis 2014, Membre du Jury Fraternel du Congrès de Paris 3 du GODF de 2014 à 2017, puis président du JFR de 2019 à 2021, reçu dans les grades de perfection du rite français du GCG (Grand Chapitre Général du GODF Rite Français) en 2002, Chevalier d’Orient (4e Ordre du rite français des grades de sagesse). Rédacteur et rapporteur du texte final de la Commission travail au Colloque de Strasbourg du Parlement Européen en 1993 qui portant déjà la réflexion sur le « Revenu d’existence ». Membre fondateur d’un atelier à la GLMF (Grande Loge Mixte de France). Fils de déporté, il a collaboré à la rédaction et rédigé la postface du livre de son père, « Les Plages de Sable Rouge, André Migdal » éd. NM7/Jean Attias. (André Migdal fut un des 314 rescapés d’un épisode catastrophique peu connu de la fin de la 2e Guerre Mondiale : la tragédie de la Baie de Lübeck du 3 mai 1945 qui a fait plus de 8 000 morts en une heure.)

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