Note pour les pisse-vinaigre, peine-à-jouir et puritains incultes : le titre est une citation extraite de l’excellent film de Michel Hazanavicius, la Classe Américaine. Elle constitue le point de départ de l’enquête journalistique que narre le film: pourquoi Georges Abitbol, l’homme considéré comme le plus classe du monde, a prononcé ces mots comme derniers mots.
En ce moment, je vis la pire épreuve à laquelle un homme puisse être confronté. J’attendais un heureux événement pour la fin de l’année 2021. Cet heureux événement s’est transformé en drame : ma fille Athénaïs est née sans vie un terrible jour de décembre 2021.
Mon temps, mon monde se sont arrêtés depuis, et je déploie des efforts terribles pour ne pas sombrer.
Les loges dont je suis membre, mais aussi des Frères et des Soeurs de loges que j’ai fréquentées nous ont particulièrement soutenus, et continuent de nous soutenir.
Sans le soutien de mes Loges, mais aussi de tous nos proches, camarades, collègues, copains et amis, Loges, nous aurions probablement basculé du côté sombre de nos âmes, comme Arthur Heck, Jack Napier ou Johan « Monster » Liebert. Merci à vous tous pour votre soutien en ces heures très sombres.
L’initiation maçonnique est un processus qui nous permet d’envisager la fin de notre propre existence, puisque nous mourons à nous-même pour mieux être relevés. Mais en aucun cas, nous ne sommes préparés à vivre la mort d’un proche, très proche, et encore moins celle d’un enfant. Nous craignons la mort, au point de la nier et de nous cacher derrière des illusions. Il n’y a qu’à voir les publicités pour produits anti-âge ou l’investissement dans la recherche sur la Singularité en Californie. On fuit la mort, on surveille la vie, parfois au point de l’empêcher, mais au final, nous mourons tous un jour. Tout ce que nous faisons n’est qu’un leurre pour ne pas voir l’inévitable.
En attendant, puisque nous parlons de mort, je me demande si nous ne nous dirigeons pas vers un suicide collectif sous le commandement de très Mauvais Compagnons.
Jugez-en : un chef d’État dont l’ambition est, je cite, d’emmerder les opposants à sa politique, un écrivaillon appuyé par un milliardaire conservateur dont le message se résume à « haïssez-vous les uns les autres », des ministres dont la seule apparition provoquerait une augmentation mesurable du nombre de tentatives de suicide, la guerre qui se profile sur le territoire ukrainien sans compter ce qui se trame au large de la Chine, cette folie collective qu’est la campagne présidentielle qui se profile, où le choix se résumera entre droite dure, droite extrême ou extrême droite… Les changements d’alliance, les ralliements de tel ou telle personnalité au camp susceptible de gagner et donc les trahisons induites en disent long sur la nature de nos politiques : une classe d’opportunistes méprisables sans âme et sans honneur, simplement préoccupés par leur minable petite personne et leurs intérêts personnels.
Je ne parlerai même pas de l’autre camp, la gauche auto-proclamée, dont les dirigeants, possédés par leurs démons d’ignorance, de fanatisme et d’ambition se dirigent vers une catastrophe politique, où tout le monde sera perdant.
J’ai vu aussi des journalistes et des militants se faire menacer de mort pour avoir fait leur travail et défendu des valeurs républicaines. Des voyous prônant une idéologie ennemie profitent de l’anonymat du Web pour proférer des menaces à l’endroit de leurs opposants. Et on trouve ça presque normal…
Je ne parlerai même pas du comportement woke mais de droite, qui pousse des Etats à interdire la diffusion du roman graphique Maus, d’Art Spiegelmann au motif d’images choquantes. Moins choquantes que les décisions de ces censeurs autoproclamés, mais bon…
Je reste perplexe devant des messages publicitaires de propagande écologiste (ou green washing) diffusés sur des écrans lumineux en pleine nuit dans les rues, ou dans les lieux publics. Je suis aussi effaré devant les terrasses extérieures chauffées en plein hiver, surtout au prix de l’énergie et des matériaux… On a les priorités qu’on peut, mais je reste perplexe.
Le déploiement coûteux de la fameuse 5G pour que nos cafetières communiquent avec nos congélateurs me rend sceptique sur le bien-fondé du scientisme, surtout quand le véritable enjeu est de pouvoir accéder aux chaînes de vidéo à la demande plus rapidement ou d’améliorer ses performances à Angry Birds.
J’aurais aimé développer le comportement de ceux qui « emmerdent », qui, bien que se prenant pour des hommes d’État ne sont jamais que de minables voyous en col blanc, qui partagent un point commun avec la racaille minable des territoires perdus de la République : la lâcheté. Lâcheté appuyée par une absence de volonté de lutter contre les propagandistes de désinformation, prêcheurs de haine et autres charlatans faisant gagner du terrain à des idéologies complotistes aux relents haineux et incitant davantage aux passages à l’acte. Dois-je rappeler les récentes dégradations de temples maçonniques, tagués de slogans tirés des délires de Qanon ?
Quant au passe vaccinal, produit de la lâcheté et de l’inconséquence de nos dirigeants, il reste une grave entrave au droit à l’anonymat et au maintien du secret médical. Mais il a été voté par une large majorité de députés – présents, ce qui est assez rare pour être souligné !
Les catastrophes environnementales continuent, alors que d’autres se préparent.
Les dividendes versés aux actionnaires atteignent des records pharamineux, auxquels l’apport d’argent public n’est pas étranger, vous apprécierez l’euphémisme. Pas d’argent magique pour l’hôpital, hein ? En même temps, que peut-on attendre d’un exécutif devenu exécuteur de services publics ? Et rappelons que dans la psyché des sociopathes au pouvoir, les pauvres sont pauvres parce qu’ils ne savent pas gérer leur argent, qu’ils ne veulent pas travailler et qu’au fond, ils méritent bien leur sort.
D’ailleurs, des très riches patrons tentent de dicter leurs propres règles à des Etats ou des collectivités pour des buts bien dérisoires, comme faire passer un bateau sous un pont…
Malgré des chiffres économiques étonnamment hauts, les inégalités se creusent encore plus, poussant la classe naissante du précariat à se tourner vers les seuls qui l’écoutent : les démagogues populistes.
Le contexte me rappelle une citation de La guerre de Troie n’aura pas lieu, de Giraudoux : « le privilège des grands, c’est de voir les catastrophes d’une terrasse ». Tous ces braves gens se croient à l’abri, protégés par leur tas d’or virtuel et leurs mercenaires dans leurs ghettos du gotha. Peut-être ont-ils oublié qu’ils vivent aussi sur cette planète que leurs décisions et leur soif inextinguible de profits rendent chaque jour plus sale et plus invivable. Qui leur rappellera « qu’on ne fait pas d’économies sur une planète morte » ?
En résumé, notre monde va mal, très mal, au point que l’association des savants atomistes a maintenu son heure sur l’Horloge de la Fin du Monde. Nous sommes restés à cent secondes avant l’apocalypse.
Toutefois, quand je vois la laideur du monde à venir, quand je vois ce que nous laissons s’installer, quand je vois l’incurie de nos dirigeants plus au service du capital que du peuple qui les a pourtant choisis, quand je vois partout la haine qui s’installe, quand je vois que les rares personnes incarnant des idées progressistes sont contraintes au silence par des média et des banques dans l’indifférence générale, quand j’entends nos dirigeants qui refusent d’admettre les errements de leurs séides et traiter leurs concitoyens comme moins que de l’excrément (montrant de facto leur incapacité à diriger), quand des Etats autorisent la construction de complexes hôteliers de luxe impliquant la destruction d’un récif corallien, quand je vois que nous nous dirigeons aveuglément vers une fin violente et que nous sommes impuissants à endiguer la catastrophe à venir, en fait, je suis presque rassuré que ma fille n’ait pas à contempler ce spectacle désastreux.
Ma petite Athénaïs me manque terriblement. J’ai un vide terrible et effrayant au fond de moi. Mais pour sa mémoire, pour mes autres enfants à venir, pour l’avenir, je continuerai à me battre. Car c’est là le devoir de l’Initié : accomplir son devoir parce qu’il est le Devoir.
Je vous embrasse.