jeu 18 avril 2024 - 04:04

La planche à tracer

En son nom de palette, elle était l’un des attributs de Thot, dieu de l’écriture des paroles divines, les fameux hiéroglyphes.

La planche, du latin  planca, est une pièce de bois sciée, plus longue que large et nettement plus large qu’épaisse. Le travailleur de la pierre y burinait ou y gravait des lettres, des esquisses de plan, en particulier les formes de référence qui permettaient de retrouver l’angle droit.

 La planche à tracer est, également, un rectangle sur lequel sont indiqués les schémas qui constituent la clef de l’alphabet maçonnique.

Évoquant la description du tableau d’apprenti, Jules Boucher nous dit à son propos qu’elle est un rectangle sur lequel sont indiqués les schémas qui constituent la clé de l’alphabet maçonnique.  On peut en déduire que la disposition des dessins sur les tableaux de loge d’apprentis et de compagnons montre que l’écriture sur la planche à tracer, ombre de la lumière passant par les fenêtres grillagées, n’est pas celle de notre stylo ; c’est l’écriture de la lumière. À partir de cette remarque, le rôle de la planche à tracer n’est pas d’écrire un texte ou un discours, mais de découvrir les traces de la lumière autour de nous et en nous. La planche à tracer invite à apprendre à recevoir la lumière, ce qui nécessite une démarche totalement opposée à celle de l’élaboration d’un discours. Et le premier pas pour s’approcher de la lumière est le silence mental.

Dans  la Masonry Dissected[1], la Planche à tracer fait partie des bijoux immobiles (avec la pierre brute et la pierre cubique à pointe) en précisant  leurs usages : «la Planche à Tracer pour que le Maître y trace ses plans, la Pierre Cubique pour que les Compagnons éprouvent leurs outils dessus, et la Pierre dégrossie pour que les Apprentis entrés apprennent à travailler dessus.»

REAA : «Désormais, mon frère [sœur], vous travaillerez sur la planche à tracer et vous recevrez votre salaire dans la Chambre du milieu.» C’est ainsi qu’est désigné le lieu de travail du maître. Là, il modifie le plan selon lequel la construction du temple devra s’effectuer. Cette planche sert en permanence de point de repère pour l’ouvrage qui va être réalisé au fur à mesure de l’avancée des travaux. Lorsque l’ouvrage est terminé, il doit se superposer exactement au tracé qui est sur la planche. Pour éviter toute imprécision, cette planche  n’est pas dessinée au crayon, mais avec l’extrémité d’une pointe d’acier appelée pointe sèche. Cette manière de procéder n’est pas sans analogie avec la loi d’Hermès révélée dès les premières lignes du texte de la Table d’émeraude qui aurait été rédigée par Hermès Trismégiste, l’inventeur mythique ou réel de l’alchimie : «ce qui est en bas (la planche) est comme ce qui est en haut (la pièce qui est posée dessus) et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas.»

Le Rite Émulation donne une dimension sacrée à la planche à tracer en faisant un rapprochement avec le Volume de la Sainte Loi. «De même que la Planche à tracer sert au Vénérable Maître pour tracer des lignes et pour dessiner, afin de permettre aux Frères de s’instruire en Franc-Maçonnerie, de même le Volume de la Loi Sacrée peut être considéré avec juste raison comme la Planche à tracer spirituelle du Grand Architecte de l’Univers sur laquelle il a tracé Ses Lois Divines et Ses Enseignements Moraux qui, s’ils nous sont familiers et si nous les appliquons, nous conduiront vers cette Demeure céleste, qui n’est pas faite de main d’homme, Éternelle dans les cieux..»

Au plan métaphorique, comme la planche à tracer doit servir au maître pour concevoir les dessins qu’il donne pour modèle aux ouvriers, de même, le maître maçon devrait diriger sa conduite de manière qu’elle puisse servir d’exemple aux compagnons et aux apprentis.

Aujourd’hui, le papier, devenu support, est la planche à tracer et le verbe écrire est remplacé par l’expression tracer une planche. La planche est le lieu de la quête de l’esprit à partir de la matière.


[1] Samuel Prichard, Q 46 et 47 :

Q46 What are the Immoveable Jewels?

 A. Trasel Board, Rough Ashler, and Broach’d Thurnel.

Q47 What are their Uses?

A.Trasel Board for the Master to draw his Designs upon, Rough Ashler for the Fellow-
Craft to try their Jewels upon, and the Broach’d Thurnel for the Enter’d ‘Prentice to learn to work
upon.

<freemasonry.bcy.ca/ritual/prichard.pdf>

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Solange Sudarskis
Solange Sudarskis
Maître de conférences honoraire, chevalier des Palmes académiques. Initiée au Droit Humain en 1977. Auteur de plusieurs livres maçonniques dont le "Dictionnaire vagabond de la pensée maçonnique", prix littéraire de l'Institut Maçonnique de France 2017, catégorie « Essais et Symbolisme ».

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