Sa racine indo-européenne exprime l’unité, l’identité, et aussi l’idée de n’avoir qu’un seul côté, la moitié d’un tout.
Le grec en tire un sémantisme prolifique.
De *hêmi, on forme nombre de composés. *hémi-cycle, -plégie, -sphère, etc.
*heis, *henos, désigne l’ « un », un seul. D’où l’hénothéisme qui ne vénère qu’un dieu, sans exclure néanmoins les autres, comme le fait le monothéisme.
*homos exprime le même, l’égal, l’uniforme. D’où homo-logue, –nyme, -phone, -sexuel, -phobie, homéopathie, etc.
*homalos « égal » donne l’anomalie, rupture de l’unité, l’homélie est un entretien familier, sans heurt.
Le latin est non moins prolifique.
Renonçons ici à la liste exhaustive. Quelques exemples seulement. Semestre, similitude, sembler. Assimiler, assembler, vraisemblance. Ensemble. Faire semblant.
Est simple ce qui est plié une seule fois. Avec ses composés. Tout simplement.
Sempiternel, qui dure une fois pour toutes. La simulation imite trop parfaitement, en ne présentant qu’un aspect de la chose. Dissimulation. Chez Lucrèce, chacun émet et disperse un simulacre, une membrane mobile dans l’espace, simultanément.
Est sincère ce qui est pur, sans mélange, d’un seul jet.
Quant au singulier, il désigne le « un par un » séparément, comme les initiales dans un sigle, comme ce grand solitaire de sanglier.
L’apparent paradoxe de la singularité fait qu’elle ne s’exprime que par la confrontation à son double antithétique, le pluriel. Un individu est singulier parce que son originalité se manifeste en miroir déformant du groupe dont il se démarque, auquel il appartient sans en être copie conforme.
Là réside l’ambiguïté subtile d’une loge, donc sa richesse, dans un équilibre instable à préserver entre ses membres dans leur singularité respective. Sous peine d’affadissement normatif. Il en va de sa survie.
Une singulière osmose en mouvement perpétuel, au-delà de la similitude réitérée des rituels, fait de chaque loge un mur de singularités emboîtées.
Combat singulier, par ailleurs, âpre et incessant, que chacun mène contre lui-même face à son propre miroir, qui lui renvoie sa vanité, sa paresse d’esprit et les compromissions qu’elle induirait. Vaste chantier sans fin, mais un horizon de sincérité…