mer 17 avril 2024 - 00:04

Très Respectable Grand Orateur, vous avez la parole

Nous sommes très honoré du privilège qui nous a été offert de présenter devant vous le sujet n°21 qui nous a été imparti, ayant pour titre « La transmission et après ? ».

On le voit, il s’agit d’un thème à la difficulté extrême car, après que l’on a transmis, on n’a plus rien à transmettre et celui (ou celle) à qui l’on a transmis n’en est pas forcément transformé (attention ! trans-formé doit s’écrire en deux mots : trans, préfixe qui signifie d’ici à là, que l’on retrouve dans transport, en commun ou pas, et form, noyau de ce sous-syntagme qui apparaît dans formidable et dans Formose, par exemple, trans-formé signifiant ainsi, et je souligne ce segment de mot formant une unité de son en l’honneur de notre ici présent très vénérable ô combien respecté qui a dépassé le stade du form-ol.) Quant au substantif trans-mission, on y ajoute le latin missus qui signifie envoyé, et l’on retrouve le mi dans Missouri et dans mitraillette. C’est dire si le sujet est délicat !

Aussi l’aborderons-nous en toute humilité en parlant de nous-même, humble parmi les humbles, car, comme l’affirmait Montaigne, « chaque homme porte en soi la forme entière de l’humaine condition » et il n’y a pas de raison qu’il n’en aille pas de même pour votre serviteur qui porte en lui son auditoire tout entier. Chacun de nous est, en effet, le reflet d’autrui mais également de soi-même, ce qui constitue, à n’en pas douter, un avantage certain.

Après ces prolégomènes, réellement essentiels puisqu’ils s’adressent à l’essence et non à l’existence, venons-en à notre sujet.

Nous commencerons par un constat : il nous apparaît primordial de transmettre notre expérience aux jeunes générations car, et c’est là un point très novateur, elles constituent l’avenir. En contrepartie de cet héritage spirituel et moral qui manifeste notre grandeur d’âme, nous garderons les responsabilités au sein du collège. Juste réciprocité ! C’est pourquoi, au cours de cette modeste causerie, nous nous efforcerons de livrer à cette jeunesse qui cherche à donner du sens à sa vie, quelques réflexions et apophtegmes qui, nous en sommes convaincu, les accompagneront sur leur chemin de perfection.

Mais venons-en au fait : qu’est-ce que transmettre ? Nous nous hasarderons à une définition toute personnelle sur laquelle vous interrogerez votre serviteur lors de la seconde partie de cet exposé, la plus importante à nos yeux, celle des questions. Transmettre, c’est offrir à autrui un legs moral ou matériel. Certains auront sursauté devant l’audace de cette proposition qui postule que le terme de legs peut s’appliquer ante mortem, ce qui en déconcertera plus d’un. Qu’ils veuillent bien ne pas en tenir rigueur à l’orateur de ce soir et le suivre dans une pensée dont il reconnaît sans ambages la complexité.

Le premier élément à transmettre à nos yeux, est directement issu des enseignements d’Épictète, de Platon, de Kant et de Nietzche dont le précepte  « Deviens ce que tu es » doit demeurer sous le regard vigilant de notre éveil aux côtés du « Connais-toi toi-même » socratique inscrit sur le fronton du Temple de Delphes avec ce codicille dont on mesurera constamment la portée, « … et tu connaîtras l’univers et les dieux ».

Dans ce contexte et sous cette bienveillante tutelle, nous procéderons à la transmission de notre premier message : « Si le destin contraint à des détours, ne te détourne pas » ou, si l’on préfère, « Quand rien n’est droit, va de travers. » S’adapter à la réalité est le propre du Sage. À l’inverse, contraindre la réalité à s’adapter à soi, exige des connaissances alchimiques extrêmement développées pour atteindre l’Un à partir du Multiple avant d’y retourner ensuite. Car toutes les couleurs de l’Œuvre (au noir, au blanc, au rouge, sans compter l’œuvre au jaune que certains soulignent à bon escient) ne sont en réalité qu’une seule couleur qui permet le passage dans les hautes sphères de la révélation. C’est ce qu’on appelle les Grands Mystères par contraste avec les petits mystères qui, eux, sont seuls à votre portée. Inutile d’aller au-delà, nous avons été très clair sur ce point.

Après avoir examiné le fondement même de la sagesse, abordons celui de la vérité. Ce sera notre deuxième enseignement. « La pensée se cache toujours derrière les mots et la débusquer exige de passer de la portance à l’importance », le préfixe « im », inclusif, soulignant l’évanescence de l’intelligible à la fois que son intemporalité. Nous n’insisterons jamais assez sur ce point. Prudence toutefois : pas de doctrine sotériologique ici. En l’occurrence, il convient de développer l’aptitude au discernement par une ascèse continue de la conscience pour retrouver l’éternité qui est en soi,  ce qui constitue à l’évidence un processus dirimant pour un esprit coruscant. Nous laisserons à chacun le soin d’approfondir cette piste fertile.

Après le Vrai et le Bien, nous traiterons du troisième et dernier élément de cette triade de la transmission, le ternaire étant un nombre divin qui nous concerne particulièrement. Il s’agit du Beau qui est le reflet de l’âme simple qui a trouvé en elle la Voie de l’Intelligence avec un grand « i ». Nous sollicitons sur ce point une extrême attention. L’Intelligence ne concerne pas le quotient intellectuel que certains ont plus développé que d’autres, ce qui, en toute modestie, est notre cas, mais la compréhension de l’Univers dans sa globalité, en ayant conscience d’être partie prenante du Tout. Mais prudence, prudence ! La dimension cosmogonique ne saurait l’emporter sur des relations théogoniques et anthropogéniques. Rassembler ce qui est épars et se fondre dans l’Alma Mundi, tel est le but du mystique, du poète, du savant et du sage qu’il convient d’appeler Maître car il détient les clefs de la Transcendance et de la Mémoire perpétuelle. Celui qui a percé le Mystère rayonne de Lumière. Il vous suffit d’observer le modeste orateur que nous sommes avec l’acuité spirituelle de la réminiscence platonicienne.

« … et après ? », questionne notre sujet. Eh bien après, cheminez !, à présent que vous voilà pourvus du viatique et du bourdon qui vous soutiendront dans ce grand pèlerinage qu’est la vie ! Que les portes de la transmission, qui vous sont désormais entrouvertes, vous procurent la paix, la joie et l’amour, et que l’Infini protège les finis que vous êtes … que nous sommes.

Chères auditrices, chers auditeurs, bien aimés frères et sœurs en devenir, chers admirateurs publics et privés, j’ai dit.

*          *          *

1 COMMENTAIRE

  1. “Connais toi toi même, et tu connaîtras l’univers et les dieux”….
    …la deuxième partie de la citation est une invention maçonnique.

    La véritable citation inscrite au fronton du Temple de Delphes, serait après traduction :

    “Connais toi toi même, sache que tu n’es pas un dieu et conduis toi en conséquence”

    A vérifier!

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Jean François Maury
Jean François Maury
Agrégé d'Espagnol, concours externe (1969). Inspecteur d'Académie (depuis le 01/06/1977), hors-classe.Inspection Générale de l’Éducation Nationale. Parcours maçonnique sommaire : 5e Ordre du Rite Français, 33e Degré du REAA Initié à la GLNF en 1985 au Rite Français (R⸫L⸫ Charles d’Orléans N°250 à l’O⸫ d’Orléans). - 33e degré du R⸫E⸫A⸫A⸫ - Grand Orateur Provincial de 3 Provinces de la GLNF : Val-de-Loire, Grande Couronne, Paris. Rédacteur en Chef : Cahiers de Villard de Honnecourt ; Initiations Magazine ; Points de vue Initiatiques (P.V.I). conférences en France (Cercle Condorcet-Brossolette, Royaumont, Lyon, Lille, Grenoble, etc.) et à l’étranger (2 en Suisse invité par le Groupe de Recherche Alpina). Membre de la GLCS (Grande Loge des Cultures et de la Spiritualité), Obédience Mixte, Laïque et Théiste qui travaille au REAA du 1er au 33e degrés, et qui se caractérise par son esprit de bienveillance.

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