mar 03 décembre 2024 - 10:12

ALLIANCE

Un champ lexical extrêmement prolifique se déploie à partir d’un sémantisme latin *ligare, « lier, attacher », au sens physique et moral. Tout y est affaire de lien. Que ce soient la liane qui enchevêtre les branches, la liasse qui enserre billets et feuillets, le licteur qui devance les magistrats, porteur de la hache enfermée dans un faisceau de verges, symbole de sa fonction. Ou encore le chien limier chargé de repérer le gibier, retenu par son licol par les veneurs.

La liaison nomme une relation amoureuse, le plus souvent clandestine, ou la prononciation entre deux mots, parfois impropre d’ailleurs. Les ligaments ont fâcheuse tendance à se décroiser chez les athlètes, les ligatures sont volages quand on ligote à la va-vite…

Sans parler des ligues fragiles à la réputation souvent ambiguë.

Avec préfixe, le verbe latin *adligare ouvre le champ de l’alliance, voire de la mésalliance sociale ou politique, quand il s’agit de rallier des opportunistes, dans le rallye préélectoral.

L’aloi, bon ou mauvais, définit la qualité de l’alliage constitutif d’un métal, avant de qualifier un individu ou une relation. Difficile à délier, quand on sait que *deligare signifiait « suspendre au pilori »…

Mais revenons à l’obligation, que chaque impétrant prête lors de son entrée en Maçonnerie. À la fois morale, mais aussi concrète quand on se réfère à son sens premier de « lien autour, bandage ». Dans l’Antiquité romaine, l’obligation envers une divinité comportait le port d’un lien matériel qui la symbolisait, interdisant visiblement de se montrer désobligeant.

Relier, reliance, reliure, autant de marques du lien contraignant, que l’on retrouve, même si on en a perdu l’origine, dans la religion. En latin, cemot, toujours au pluriel *religiones, désigneles nœuds de paille qui maintenaient les poutres du moindre édifice, concrétisant l’allégeance portée aux dieux, le scrupule religieux, le lien de piété qui relie l’homme aux divinités tutélaires.

À noter que cette étymologie n’est pas en contradiction, loin s’en faut, avec la seconde que l’on attribue aussi à la religion, celle de « cueillir et rassembler », *relegere, préciser un nouveau choix et la démarche qui l’atteste.

Annick DROGOU

Quand on dit alliance, on voit se dessiner une union qui se met en marche. L’alliance manifeste une dynamique, une promesse d’unité et d’idéal créée par ceux qui s’allient dans une commune volonté. Pour cela, elle est le plus bel ensemble que peuvent constituer les hommes. L’alliance est toujours un engagement solidaire pour une cause plus grande que soi, un arrimage indéfectible qui trouve sa force dans le plus pur alliage de ceux que la fondent.

C’est pourquoi ce mot d’alliance est associé aux unions les plus sacrées. Alliance entre Dieu et ses fidèles dans le judaïsme et le christianisme, alliance dans l’anneau qui symbolise la célébration de l’union de vie des mariés. Dans l’alliance se manifeste la perfection du lien, la complétude de l’anneau.

L’Alliance est forte des liens qui libèrent ceux qu’elle unit dans son commun idéal. Permettez à un membre de la Grande Loge de l’Alliance Maçonnique Française de remercier les frères fondateurs de son obédience qui ont choisi ce mot rassembleur pour leur projet. Mais au-delà de l’alliance de ses membres, l’authentique alliance est celle qui allie sagesse, force et beauté, celle qui réunit l’amour, la paix et la joie. Là est la seule alliance qui vaille, l’alliage solide des métaux dans lequel est fondue la chaîne. Au-delà des êtres qui la composent.

Jean DUMONTEIL

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Annick Drogou
Annick Drogou
- études de Langues Anciennes, agrégation de Grammaire incluse. - professeur, surtout de Grec. - goût immodéré pour les mots. - curiosité inassouvie pour tous les savoirs. - écritures variées, Grammaire, sectes, Croqueurs de pommes, ateliers d’écriture, théâtre, poésie en lien avec la peinture et la sculpture. - beaucoup d’articles et quelques livres publiés. - vingt-trois années de Maçonnerie au Droit Humain. - une inaptitude incurable pour le conformisme.

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