sam 20 avril 2024 - 04:04

ESPAGNE : Pourquoi les francs-maçons espagnols sont-ils autant détestés ?

De notre confrère Espagnol elconfidencial.com

Une Marianne au bonnet phrygien et au pendentif comportant l’œil qui voit tout et une équerre surmontée d’un compas orne le principal temple de la Franc-maçonnerie en France. Ce n’est pas un hasard, si les principes de la République et de la Franc-maçonneire sont identiques : Liberté, Egalité, Fraternité. Ni que l’auteur de la Marseillaise, Rouget de Lisle, appartenait aux Frères Discrets de Charleville. Au siège de la Franc-Maçonnerie à Paris, situé au numéro 16 de la rue Cadet, d’un côté un musée expose des centaines d’objets de toutes sortes – tableaux, drapeaux, voire ustensiles de cuisine – qui arborent les symboles les plus représentatifs de l’organisation, la plupart liés à des métiers et aux sciences : comme dans la Marianne, l’équerre (signifiant la rectitude), le compas (la représentation des limites) et l’œil qui voit tout (allégorie de l’omniprésence et du Grand Architecte de l’Univers). De l’autre côté, les temples maçonniques, auxquels seuls les membres de cette organisation semi-secrète peuvent accéder qui depuis sa naissance en Angleterre entre la fin du XVIIe et le début du XVIIIe siècle – ses origines ne sont pas clairement établies – cohabitent entre mystère et controverse.

Récemment, les réseaux sociaux ont remis au premier plan les superstitions sur la Franc – maçonnerie et son rapport au pouvoir, certains journalistes proches de Vox, qualifiant les funérailles d’État des victimes du Covid de « fraude maçonnique-propagande ». Mais, qu’est-ce que la Franc-maçonnerie exactement ? Et comment est-elle arrivée en Espagne ? Ce n’est pas une religion. Ce n’est pas non plus une philosophie. C’est plutôt “un mode de socialisation typique des temps modernes”, régi par un système de valeurs dans lequel le maçon est considéré au sein de la loge comme “un frère de plus, en égalité absolue avec le reste des membres, avec droits et devoirs statutairement et constitutionnellement établis, avec le droit d’élire et d’être élu aux offices ». C’est, selon sa propre définition “une Institution universelle, éthique, philosophique et initiatique , qui poursuit un idéal réalisable fondé sur la raison, l’éducation, et un travail constant et patient”, qui croit aussi en l’existence d’un être suprême, connu comme le Grand Architecte de l’Univers. En outre, ils ont montré des positions progressiste sur des questions telles que le droit du travail ou l’avortement – en 1974, ils ont déjà statué que “ce choix appartient pour la femme”. La mystique rattache ses origines aux bâtisseurs de cathédrales du Moyen Âge, d’où sa symbolique. En Espagne, le siège de la Grande Loge est situé Calle José Lázaro Galdiano 4, près du Santiago Bernabeu, dont la porte est flanquée de deux colonnes avec les initiales “GLE” gravées sous le symbole de l’équerre et du compas imbriqués. Mais comment cette pratique a-t-elle traversé la Manche ? Comment est-elle arrivée et s’est répandue dans l’ Europe continentale? “Vecteur des lumières du XVIIIe siècle, support des idées d’avant-garde du XIXe siècle, le Grand Orient de France a joué un rôle important dans l’histoire de notre pays [en référence au voisin, bien sûr]”, le livre explique’ Deux siècles et demi d’histoire du Grand Orient de France’ (Éditions Internationales du Patrimoine). « Aujourd’hui encore, les loges demeurent un lieu d’échange et de réflexion sur les défis de notre temps. Accueillant des sensibilités politiques et philosophiques diverses, le Grand Orient de France permet aux hommes et aux femmes de bonne volonté de se rencontrer et de travailler ensemble. Car, le Grand Orient de France est la plus ancienne observance maçonnique d’Europe et comptait il y a deux ans, 53 000 membres répartis dans plus de 1 300 loges.

Lorsque la franc-maçonnerie arrive en France en 1728, elle le fait par l’intermédiaire d’immigrants anglais, qui constituent les premières loges hors du monde anglo-saxon. L’ordre se limite alors à la Grande-Bretagne et à l’Amérique du Nord : George Washington, qui rejoint la Fredericksburg Lodge en Virginie en 1752 à tout juste vingt ans, fût l’une des premières grandes figures de la franc-maçonnerie, créant de nouvelles loges au sein de la l’armée et plus tard il prêtera serment en tant que président sur la bible de la loge de Saint-Jean à New York .

Les premières années de la Franc-maçonnerie en France sont complexes et sombres, sans beaucoup de documentation et sans une structure claire séparée des ramifications anglaises. Ce désordre qui disparaît en 1799 avec l’iunification forcée par Napoléon de toutes les loges françaises du Grand Orient, qui avaient été créées en 1773, par Louis Philippe Joseph d’Orléans, duc de Chartres, élu Grand Maître. Mais « l’élite administrative et la bourgeoisie locale » sont le principal substrat de la Franc-maçonnerie après la Révolution et les principaux postes seront occupés par des personnes issues du cercle rapproché du premier consul, comme Louis Bonaparte, les maréchaux Masséna et Murat ou le chancelier du Empire Jean-Jacques Régis de Cambacérès.

Au cours de ces deux siècles et demi, il est difficile d’énumérer tous les artistes, cinéastes et hommes politiques qui ont appartenu à une loge du Grand Orient de France : de Stendhal et Casanova à Ignace Joseph Guillotin, médecin, député et promoteur de l’usage des la guillotine et l’architecte et sculpteur Auguste Bartholdi, père de la Statue de la Liberté. Et aussi Jean Gris, qui a débuté dans la Loge Voltaire du Grand Orient, et est resté actif jusqu’à sa mort. Et, bien sûr, José Bonaparte , qui fut nommé Grand Maître du Grand Orient en 1804 et fondateur de la Grande Loge Nationale d’Espagne en 1809. Il est clair que l’histoire de l’Europe occidentale moderne a été intimement liée à la Franc-Maçonnerie. La Franc-maçonnerie était déjà apparue en Espagne au début du XVIIIe siècle, mais de la même manière désordonnée que lors de ses premiers pas en France: des immigrants anglais à Madrid fondèrent une petite loge appelée « La Matritense », rattachée à l’Angleterre, mais peu dynamique . La persécution par l’Église et la monarchie – en 1751, Ferdinand VI a publié un arrêté royal qui l’interdisait – et la précarité ont fait que les loges primitives ont une vie courte et sans importance. Ce n’est qu’à l’arrivée de Bonaparte que la Franc-maçonnerie s’implante réellement dans notre pays.

“J’ai constaté qu’avant 1809, l’époque où les Français ont formellement établi la Franc-Maçonnerie, en Espagne être maçon et être rien était la même chose . Et ne me dites pas que Carlos III, le comte d’Aranda, le comte de Campomanes et d’autres personnages célèbres étaient des francs-maçons, car comme je ne les ai jamais considérés comme des imbéciles, je présume que cette déclaration est née du zèle excessif de quelques chercheurs prosélytes qui, ne les trouvant pas dans l’histoire, réinventent dcelle-ci, ils iraient jusqu’à s’emparer du d’ Adam lui-même, s’ils le pouvaient », a écrit Galdósdans dans son quatrième roman de la deuxième série de ses Épisodes nationaux, intitulé précisément « El Grande Oriente ». Avec la chute de Bonaparte en 1814 et la Restauration, la Franc-Maçonnerie retourne aux ténèbres d’où, pendant quelques années, elle avait réussi à sortir et l’Inquisition déclenche une persécution comme jamais connue auparavant : la plupart des Francs-Maçons ont dû s’exiler du pays. Premièrement, pour avoir pris parti pour un gouvernement étranger, Et deuxièmement, pour avoir prôné l’existence d’un dieu, le Grand Architecte de l’Univers, qui n’était pas du goût de l’Église catholique. Pour cette raison, le Grand Orient National d’Espagne dut naître en exil, à Lisbonne, en 1834, et toute activité en Espagne continua à être totalement clandestine. Les Francs-maçons ont dû attendre plus de trois décennies jusqu’à ce que, en 1868, la révolution de Septembrina fasse tomber Isabelle II du trône et que la Franc-maçonnerie obtienne la légalisation. Mais jamais sans controverse et sans rapports de force entre certaines observances et d’autres. Comme s’il s’agissait d’un « croquis » des Monty Python, les nouvelles organisations qui ont émergé, la Gran Oriente de España et la Gran Oriente Nacional de España, se sont opposées jusqu’à ce qu’en 1889 le journaliste et historien Miguel Morayta frappe sur la table et les fusionne dans ce qui est aujourd’hui l’héritier de ce Grand Orient Français :le Grand Orient espagnol, la seule obédience historique qui continue de fonctionner aujourd’hui, après la parenthèse pendant le régime franquiste. Car, pendant la dictature, le discours officiel du régime vilipendait la Franc-maçonnerie, la qualifiant de nid de rouges vouée en permanence à conspirer contre l’Espagne.

Il était peu connu que Franco, fils et frère de francs-maçons, avait été rejeté à deux reprises comme candidat. Une fois, en tant que lieutenant-colonel, dans la loge ‘Lukus’ à Larache”, écrit le journaliste Antonio Casado dans ce même journal . “Et une autre, déjà à l’époque de la République, par le veto de son propre père, Nicolás Franco. Cela explique sa haine épidermique de la Franc-maçonnerie et l’une de ses premières décisions en tant que commandant de toutes les forces rebelles en 1936 fût : ‘La Franc-maçonnerie et autres associations clandestines sont déclarées contraires à la loi. Tout militant qui y restera après la publication de cet édit sera considéré comme coupable du crime de rébellion. “Mieux connue est la loi pour la répression de la Franc-maçonnerie et du communisme, promulguée en mars 1940 “. Aujourd’hui, le Grand Orient Espagnol ne se cache pas. Son secret supposé l’est tellement qu’il dispose d’une page web dans laquelle il rend compte périodiquement de ses activités, explique ses différents rites et liste les conditions requises pour devenir membre de la loge qui est ouverte à toute personne qui le demande et qui est libre et de bonnes moeurs et croyant en un principe supérieur, c’est-à-dire en un Dieu, qui répond au nom du Grand Architecte de l’Univers. Les journaux couvrent leurs sommets mondiaux (en 2016, ils se sont rencontrés à Madrid) et les Grands Maîtres posent avec des visages ouverts et de larges sourires. Sont loin derrière nous, les persécutions et le mysticisme d’une association, dont il ne reste plus guère de mystère ni de légende, peu importe. Bien que sur les réseaux sociaux certains s’attachent à rechercher les rituels maçonniques et les codes secrets même sous les pierres.

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