Evoquer la vieillesse qui affecte la plupart d’entre nous n’est pas chose facile quand on sait la place qu’elle occupe dans les obédiences maçonniques. Cela n’est possible que parce que nous ne laissons pas les jeunes maîtresses et les jeunes maîtres assumer la responsabilité de donner force et vigueur à notre bel idéal.
Le général Charles de GAULLE (1890-1970), dans le tome I, L’Appel, 1940-1942 des Mémoires de guerre, (1954) évoque le Maréchal Pétain par ces mots :
La vieillesse est un naufrage. Pour que rien ne nous fût épargné, la vieillesse du maréchal Pétain allait s’identifier avec le naufrage de la France.
Depuis lors, il est coutume de reprendre la première partie de cette citation pour évoquer la dégradation physique et intellectuelle de la dernière partie de l’existence.
Le naufrage est avant tout un terme de navigation qui désigne la diminution d’autonomie d’un navire qui aboutit à sa perte ; c’est cette perte d’autonomie qui constitue le primum movens du naufrage.
C’est vrai que la métaphore est bien choisie ; l’être humain vieillissant est d’abord concerné par cette perte d’autonomie qui l’affecte dans plusieurs domaines :
- D’un point de vue physique d’abord avec une fatigabilité, une diminution de certaines fonctions et une limitation de ses mouvements ; on a coutume de dire que la vieillesse est ponctuée de trois mots clés : Fatigue, Chute, Incontinence !
- Du point de vue intellectuel aussi avec entre autres, une curiosité diminuée, une difficulté à concevoir d’autres imaginaires, une baisse progressive de la mémoire des faits récents et une diminution de la capacité de concentration ;
- Et également une plus grande sensibilité émotive avec une inquiétude sous jacente plus perceptible et une crainte de l’insécurité qui obère de nombreuses situations.
Cette perte d’autonomie expose à une « navigation » risquée et le naufrage se concrétise lorsque celle-ci n’est plus possible : de la perte progressive d’autonomie on aboutit à la dépendance et chacun sait que l’Ehpad n’et plus très loin !
Les progrès de la médecine et des conditions de vie permettent de tempérer cette évolution en offrant des « adaptations » possibles afin de rendre moins affligeante la réalité physiologique ! Mais cette « adaptation » n’élude pas l’essentiel : la vieillesse est un naufrage et plus que jamais nos vies se résument à attendre la mort !
Si on considère que l’âge de 65 ans constitue l’entrée dans cette tranche de vie, en France, on devrait passer de 15% de la population en 1950 à près de 42 % en 2050.
En loge, aujourd’hui, si on en croît les statistiques du GODF nous en sommes à plus de 30% de membres âgés de 65 ans ou plus pour un âge moyen d’environ 59 ans.
La vieillesse est donc une réalité de la vie en loge et bien souvent la Franc-Maçonnerie est présentée comme une activité de vieux !
Mais ne s’agit-il pas d’un sujet tabou que l’on n’aborde pas pour ne fâcher personne ?
C’est vrai que nous avons dans nos rituels la notion mythique du Vénérable, vieux sage à la barbe blanche qui est censé connaître la vie et savoir ce que les autres ne savent pas encore !
Aujourd’hui, pour certaines vieilles maçonnes et certains vieux maçons, l’objectif c’est d’arriver au 33ème degré, bâton de Maréchal d’une « carrière » maçonnique bien remplie : n’est-ce pas dur d’en arriver là ? La Franc-Maçonnerie ne mérite-t-elle pas mieux !
Les grands maîtres et les grandes maîtresses ont raison de faire des appels au rajeunissement dans le recrutement mais encore faudrait-il simplifier le fonctionnement des loges qui aujourd’hui souffrent d’une surabondance de réunions de toutes sortes que seuls les retraités peuvent assumer ! Car, il faut le dire, ces réunions sont bien souvent inutiles, contre-productives et se résument à du bavardage !
Comment concilier ce rajeunissement avec le ronflement, la surdité, la difficulté de concentration, le papotage des papys et mamys et les leçons de morale du genre « de mon temps .. » ? Une vraie quadrature du cercle !
Nous, les vieux, ne sommes-nous pas surtout des « Has been ! » !
Collectivement nous n’avons pas beaucoup de gloire à revendiquer et individuellement de quelle réussite pouvons-nous nous gausser ?
Le bon sens voudrait que les vieilles et les vieux dans la loge restent en retrait, n’occupent des fonctions d’officier-e qu’exceptionnellement, ne phagocytent pas les postes à responsabilité comme ceux des conseils de l’ordre, et laissent les jeunes maîtres prendre « leur envol ».
Car cette vieillesse est belle quand elle sait rester à sa place, être disponible mais ne pas trop en faire et ne parler qu’à bon escient !
La vieillesse est bonne pour la vitalité de la loge si elle est minoritaire, si elle s’accepte comme un témoignage et qu’elle fait l’effort de savoir tenir un rôle de recours et non pas d’interventionnisme outrancier !
En conclusion, oui la vieillesse en elle-même est un naufrage, sans parler de toutes les pathologies qui l’aggravent, et en avoir conscience autorise de ne pas vouloir se donner en spectacle mais cette vieillesse, si elle sait s’exposer intelligemment, est aussi une belle mélancolie qui mérite le respect !
Bonjour,
Excellent article !
BBB.
Merci MTCF Jérôme ! J’espère que tout se passe bien pour toi ! Fraternité !