ven 22 novembre 2024 - 05:11

Ordo ab Chao : craintes pour l’avenir

Article rédigé le 5/10, des éléments ont pu changer.

J’étais en Loge hier soir, et je méditais sur la devise du Rite Ecossais Ancien et Accepté (Ordo ab Chao, pour ceux qui ne savent pas). J’ai eu alors une vision d’effroi. Et ce n’était pas à cause du Gin tonici. En fait, un Frère et moi faisions le point sur les mesures sanitaires et prophylactiques prises dans le cadre de l’épidémie. Et là, j’avoue ne plus rien comprendre à ce que nous sommes en train de vivre. Vraiment. Ainsi, les bars doivent fermer à Aix ou Marseille, mais pas à Gémenos ou La Ciotat, pourtant en banlieue très proche de ces métropoles.
Autre exemple : on nous impose des masques, mais le nombre de cas testés positifs continue d’augmenter. Bon, je regrette qu’on n’ait que l’occurrence et pas la fréquence des cas positifs. Ce serait pourtant intéressant, à moins qu’il ne s’agisse d’une volonté d’empêcher une quelconque mise en perspective… Et puis, ça aurait plus de sens que des chiffres dignes d’un tirage du Loto. Mais bon, qui suis-je pour demander des données intelligibles ?

Reprenons. A Paris, les bars doivent fermer après 22 heures, soit. Mais pas les restaurants. A condition de porter le masque quand on se déplace (car le virus ne se déplace pas quand on est à table, c’est bien connu). On ferme aussi les salles de sport, ce qui à moyen terme peut poser quelques problèmes de santé publique, mais visiblement, la santé des citoyens n’intéresse pas nos dirigeants, focalisés sur les indicateurs relatifs au virus. Bon, un Frère de ma Loge est psychiatre et s’inquiète du nombre de patients qui se présentent à son cabinet, qui souffrent de séquelles du confinement et des trop nombreuses restrictions que nous avons à subir. D’ailleurs, une question. Comme on a plus ou moins supprimé les spectacles (dont un concert d’Alice Cooper et le Ring de Wagner… Le virus m’en veut), les intermittents vont en général travailler comme serveurs (ou autres métiers utiles mais très ingrats) pour survivre. Du coup, si on supprime les spectacles et les bars, on leur dit quoi, aux intermittents du spectacle ?

Toujours dans la cohérence, on interdit les rassemblements de plus de 10 personnes, mais la ligne 13 du métro reste surchargée (il semblerait qu’on soit à 10 personnes au mètre carré à l’heure de pointe, mais je peux me tromper…). Dans ce cas, prendre le métro, est-ce toujours légal ? En même temps, la ligne 13 reliant la Seine Saint Denis à la capitale, il vaudrait mieux ne pas trop y toucher, puisqu’elle est la ligne des « premiers de corvée », ceux qui ont maintenu la possibilité de continuer à vivre pendant le Confinement…

On nous parle aussi de « responsabilité » : il faut accepter de ne plus vivre, ne plus faire ce qui rend la vie supportable à défaut d’être riche, belle ou agréable, mais seulement travailler, pour ne pas accabler le corps médical et le système hospitalier, déjà très éprouvés. Amusant d’entendre ça de la part de gouvernants qui n’ont pas hésité à envoyer les CRS charger, gazer ou tabasser les soignants en manifestation ! Les mêmes n’ont pas hésité non plus à réquisitionner des soignants grévistes, en maladie ou en congé lors des différentes grèves de 2019. Bon, les soignants auront été gâtés : on les aura applaudis à 20h et on leur aura offert un mug. Bon, je ne crois pas utile de revenir sur l’histoire des masques. Heureusement que nous avons les politiques belges, américains ou japonais pour nous rassurer sur la qualité de nos dirigeants… En fait, non, je ne me sens pas rassuré du tout, là.

Faut-il rappeler que la crise économique découlant de la crise sanitaire a plongé un certain nombre de nos concitoyens dans une précarité extrême, en plus des inégalités déjà existantes ? Ainsi, la fréquentation des ONG a explosé. Et en même temps, des ONG se voient interdire de distribuer des repas aux migrants dans le Nord de la France. En d’autres termes, en France, en 2020, des gens sont en danger de mourir de faim ou de froid.

Il n’y a pas d’argent magique pour les services publics, mais on va plutôt renflouer des industries déjà mal en point, qui vont licencier à tour de bras, ne nous leurrons pas. Les subventions débloquées ne serviront probablement qu’à verser de juteux dividendes aux actionnaires, qui contrairement à ce que l’on croit, ont des noms et des visagesii. Peut-être eût-il été mieux de maintenir un système hospitalier en bon état de fonctionnement plutôt que de le démembrer, provoquant ainsi la crise sanitaire que nous connaissons ?

Bon, pour l’environnement, je ne crois pas utile de rappeler la volte-face de certains défenseurs d’une idée de l’agriculture limitée en cochonneries subitement passés aux idées des lobbies divers. Bon, faire courir des risques de cancer à des enfants n’empêche pas nos dirigeants de dormir, visiblement.

Par ailleurs, on a trop souvent l’impression dans la communication relative à l’épidémie que, comme on n’a pas été sage, on est privé de sortie. Un peu comme un parent s’adresse à un ado… Le problème est qu’à force d’être pris pour des gosses ou des ados, on finit par se comporter comme tels. Je serais curieux de voir le potentiel de destruction d’une nation d’adolescents révoltés contre l’autorité gouvernementale qui a adopté les oripeaux d’une parentalité déplacée.

En gros, j’ai l’impression de relire la version 2020 de l’Etrange défaite de l’historien Marc Bloch, témoignage impitoyable d’un soldat, qui a vu et compris les dysfonctionnements du commandement français. Si sur le terrain, les français sont les meilleurs, au niveau des commandements, ce n’est pas du tout la même histoire : interventionnisme des politiques, chefs désireux de plaire au pouvoir en place en dépit de l’intérêt général, problème d’ego, parties se prenant pour le tout etc. Nous n’aurons donc rien appris de la deuxième Guerre mondiale.

En fait, dans ce fatras incohérent, orchestré par une bande de guignols incompétents que nous avons placés au pouvoir, il s’est créé un chaos apparent. Mais je redoute quelque chose de plus noir. Les décisions politiques prises au nom de la santé publique sont très incohérentes, sans réelle connaissance du terrain. Des informations importantes ne sont pas montrées. Des décisions sont prises arbitrairement, causant plus de problème qu’elles ne doivent en résoudre, fragilisant ainsi la légitimité de nos dirigeants. Résultat, si la supposée intelligence nous amène au chaos, autant tenter la bêtise et les réponses simplistes aux problèmes complexesiii… Toujours est-il que nous en avons tous assez des guignols qui nous mènent à la catastrophe ou au chaos, et que nous aimerions retrouver un peu de paix, faire des projets à court ou long terme, être sûrs de pouvoir continuer à vivre dignement et retrouver un semblant d’ordre. Et la tentation est grande d’en appeler à l’ordre qui doit venir du chaos. Et dans notre désespoir, nous risquons de confondre ordre avec autorité.

Le problème qui se pose, c’est que ce genre d’appel dans ces crises se transmue irrémédiablement en bruit de bottes.

Plus que jamais, gardons-nous de nos passions.

J’ai dit.

iAbus d’alcool dangereux, modération etc.

iiIl suffira de lire le nouveau Manière de Voir consacré à la dette.

iii Ah, on me dit que ç’a déjà été fait, en Allemagne dans les années 30.

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Josselin
Josselin
Josselin Morand est ingénieur de formation et titulaire d’un diplôme de 3e cycle en sciences physiques, disciplines auxquelles il a contribué par des publications académiques. Il est également pratiquant avancé d’arts martiaux. Après une reprise d’études en 2016-2017, il obtient le diplôme d’éthique d’une université parisienne. Dans la vie profane, il occupe une place de fonctionnaire dans une collectivité territoriale. Très impliqué dans les initiatives à vocations culturelle et sociale, il a participé à différentes actions (think tank, universités populaires) et contribué à différents médias maçonniques (Critica Masonica, Franc-maçonnerie Magazine). Enfin, il est l’auteur de deux essais : L’éthique en Franc-maçonnerie (Numérilivre-Editions des Bords de Seine) et Ethique et Athéisme - Construction d'une morale sans dieux (Editions Numérilivre).
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