mer 06 novembre 2024 - 16:11

Attachez vos ceintures… la secousse va être brutale

(Le Syndrome du Pachyderme)

Pendant que chacun concentre son attention sur l’épidémie en s’interrogeant sur ses chances de survie, nous allons aborder le futur. Je ne parle pas de 2050, mais bien du choc sismique à venir pour notre économie mondialisée.

Actuellement, un terrien sur deux se met aux abris tant que ce fléau viral ne sera pas éradiqué. Pendant ce temps, l’activité économique de la moitié la plus productive de la planète est au point mort ou presque. Si tout redémarre avant fin mai, chacun mettra les bouchées doubles pour rattraper le retard afin d’éviter le chaos. Mais il ne faut pas rêver, compte tenu des courbes de croissance des contaminés à travers le monde et plus particulièrement aux Etats-Unis, nous ne sommes pas encore au bout du tunnel. Nous pouvons probablement prévoir que la machine économique sera grippée (elle aussi) au moins jusqu’à septembre.

En 2008, lors de la crise des subprimes, seules les banques furent initialement impactées, avant d’entraîner le monde entier dans la crise. Les lignes de crédits accordées par les états étaient venues prêter renfort à un système bancaire fortement vacillant. Mais cette fois, c’est l’intégralité des secteurs économiques (banques comprises) de tous les pays industrialisés qui se trouve dans la spirale infernale de la récession. Le crédit ne peut fonctionner durablement que sur la confiance d’un prêteur à un emprunteur. Or là, les deux parties sont impactées par le mal qui ronge l’économie planétaire. La dette mondiale est supérieure à 250 000 milliards de dollars, soit 320 % du PIB[1]. C’est-à-dire en tension extrême, ce qui signifie que la marge de manœuvre est limitée. Il faut s’attendre à une secousse sismique d’une amplitude encore jamais vue sur l’échelle économique. Si vous doutez de cette prévision, je vous invite à lire le propos de Kristalina Georgieva, la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) qui déclarait le 23 mars 2020 : « Une récession paraît inévitable en 2020, mais son ampleur tient à la durée de la crise. Le repli de l’activité cette année pourrait être le pire depuis les années 1930.[2] »

Avant d’aborder l’aspect analytique et d’envisager le futur proche, plongeons-nous dans l’histoire. Tel que je le rappelle dans mon dernier ouvrage[3] à paraître dès que le monde de l’édition se remettra en route, je souligne que très peu de livres d’histoire suggèrent l’idée d’une influence de la révolution française due à l’éruption du volcan « Laki », en 1783 au sud de l’Islande[4]. Pour étayer cette thèse l’historien britannique Richard H. Grove[5] affirme, preuves à l’appui, que la France connut une suite de situations météorologiques extrêmes avec une moisson exceptionnelle en 1785 provoquant une chute des prix des produits agricoles et une pauvreté dans les campagnes, suivies d’épisodes de sécheresse, de mauvais hivers ou étés, dont de très violents orages de grêle en 1788 qui détruisirent les récoltes. Ce dérèglement climatique résultant du volcan, contribua de manière significative à la pauvreté et à la famine, un des facteurs importants qui entraînèrent la Révolution française en 1789.  Ulf Büntgen est paléoclimatologue à l’Institut fédéral de recherches de Zurich. Il déclare qu’en examinant les 2 500 dernières années, on trouve des exemples où le changement climatique a affecté l’histoire de l’humanité. Il est aussi auteur d’une étude qui démontre que le changement climatique aurait contribué à la chute de l’Empire romain[6].

Il ressort de ce constat deux points cruciaux de réflexion :

  • Chaque année la grippe tue dans le monde entre 300 000 et 650 000 personnes[7]. Au 1 avril 2020, nous sommes au maximum à 10% des victimes grippales, soit 30 000 personnes. Si on analyse ces chiffres avec un œil purement statistique, ce virus n’a rien de révolutionnaire pour le moment. En revanche, il est fortement novateur du côté économique et médiatique, car il monopolise 100% de l’attention depuis des semaines et neutralise la quasi-totalité des forces productives de la planète pour quelques semaines encore. Personne n’avait encore réussi cet exploit. Un mouvement de contestation militait activement pour la préservation de l’environnement et c’est un modeste agent infectieux qui est venu mettre tout le monde au pas.
  • Nous prenons souvent comme exemple, le monde d’avant le 11 septembre 2001. Il y a fort à parier que nous allons prochainement parler du monde d’après 2020. Pour étayer cette affirmation, je vous propose de nous appuyer sur le cycle théorique d’Elisabeth Kübler-Ross[8]. Nous allons nous attarder sur ce second point afin d’envisager ce qui nous attend et comprendre comment le monde pourrait changer de paradigme et atteindre le point de bascule.

La psychiatre Kübler-Ross est très souvent citée dans le cadre de la résilience après un deuil. Elle a énoncé un modèle en 5 étapes : 1° déni /2° colère /3° négociation /4° dépression /5° acceptation.

Pour bien comprendre ce mécanisme, imaginons qu’un médecin vous annonce un cancer du fumeur. La première étape sera le déni. Vous allez aussitôt consulter deux autres médecins afin de contredire le premier.

Si les 3 diagnostiques médicaux concordent, vous vous résignez au verdict, mais vous refusez la situation avec colère. Ainsi, vous accusez les fabricants de tabac d’être responsables. Cette étape passée, vous allez tenter un marchandage, ou parfois un chantage, afin de créer un contrepoids ou gagner un peu de temps sur la vie. Il s’agit là de la phase de négociation. Lorsque toutes les voies auront été explorées, vous allez vous résigner et aborder ensuite la phase de dépression. Elle se caractérise par un lâcher prise et une acceptation de la réalité. C’est alors que la phase de libération peut maintenant intervenir.

Chacun comprend aisément qu’on ne peut jamais se libérer si on reste dans l’espoir d’un retour des choses passées. Il en est de même si on entre en combat contre les boucs émissaires, responsables de nos anciens malheurs.

Quel rapport avec notre expérience actuelle me direz-vous ?

Ces 5 étapes peuvent parfaitement se transposer sur la situation économique. Si nos usines et nos entreprises redémarrent en juin, tout cela n’aura été qu’un mauvais souvenir qui entrera dans les livres d’histoire. En revanche, si la machine économique restait grippée jusqu’en septembre, à l’instar d’un individu qui déclenche un AVC, le cerveau doit être oxygéné  dans les 5 minutes au risque de provoquer des dégâts structurels irréversibles. Dans ce cas, les prévisions de la présidente du FMI Kristalina Georgieva, deviendraient une réalité désastreuse.

La défaillance de groupes industriels, entraînerait immanquablement la chute des institutions financières et de tout le tissu économique. Ce scénario catastrophe nous conduirait de facto dans les 5 étapes du deuil. Etape 1°) Après avoir refusé la mutation du système économique proposé depuis de longues années par certains. Etape 2°) Après avoir enduré  la colère des gilets jaunes et autre revendications concernant les retraites des derniers mois. Etape 3°) Après avoir tenté de négocier pour éviter le naufrage, nous nous trouverions face à une grande dépression… c’est-à-dire l’étape n°4. Nous passerions alors dans la configuration d’une proposition de changement de paradigme : Etape n°5 et la boucle serait bouclée.

Cette hypothèse, aussi effrayante qu’elle puisse paraître pourrait être l’opportunité de changer de système financier. Il n’est pas question ici de remplacement des enseignes ou des propriétaires de nos banques, mais bien du système de crédit actuel dans son fondement et son organisation structurelle. Les mécanismes actuels s’appuient sur une émission de crédit émanant des banques centrales qui alimentent les organismes de crédit qui fournissent ainsi leurs clients. Dans un système rénové, le crédit serait issu des fournisseurs eux-mêmes. Cela signifie que la circulation du circuit de création monétaire ne serait plus de haut en bas, mais de bas vers le haut.  Cette gestion directe du crédit fournisseur pourrait ainsi alimenter de manière illimitée tous les besoins financiers du marché en rendant le crédit totalement gratuit. Ce sont les réels producteurs de richesse qui deviendraient alors les créateurs de monnaie (bien concrète cette fois).

Ce scénario chaotique du système bancaire a un air de déjà-vu. En effet,  en Argentine lors de la crise de 1995. Durant quelques années, le système fut soutenu par les sociétés privées de compensation interentreprises. On peut juste déplorer que cette opportunité de transmutation du système financier ne se pérennisa pas. L’histoire se répétera peut-être à l’échelle de la planète.

Seras-ce une chance pour l’humanité… tout est à écrire. Le meilleur est certainement devant nous. Il suffit d’y croire et d’appeler de nos vœux cette mutation. Que cette crise nous serve au moins à évoluer et quitter un système archaïque afin de faire notre deuil d’un vieux système sans avenir.

La suite de cette palpitante aventure dans le « Syndrome du Pachyderme »
aux Editions ECE-D  – Avril 2020 – ISBN 978-2-37939018-0 – 25 € –  www.lesyndromedupachyderme.com

[1] Source : Les Echos du 17 nov. 2019 – https://tinyurl.com/dettemondiale

[2] Source : Le Revenu du 28/03/2020 – Crise économique : https://tinyurl.com/lerevenumars2020 – le spectre de 2009, voire de 1929.

[3] « Le syndrome du pachyderme » (Editions ECE-D – mai 2020) www.lesyndromedupachyderme.com

[4] Le Point « Les mystères de l’histoire – Le volcan de la Révolution » 9/07/2013 http://tinyurl.com/PLG-volcanlaki

[5] Richard Hugh Grove est un historien britannique né en 1955 à Cambridge, en Angleterre. Spécialiste de l’histoire de l’environnement.

[6] Source : Le point du 19 janvier 2011 https://tinyurl.com/chuteempireromain

[7] Source : Organisation mondiale de la santé (OMS).

[8] Psychiatre helvético-américaine née le 8/07/26 à Zurich et morte le 24/08/04.

1 COMMENTAIRE

  1. Cher Franck,
    Ton article est intéressant, comme toujours.
    Tu écris : Pendant la pandémie « l’activité économique de la moitié la plus productive de la planète (à entendre : l’Europe et l’Amérique du Nord, les plus touchées par le COVID19) est au point mort ou presque. Si tout redémarre avant fin mai, chacun mettra les bouchées doubles pour rattraper le retard afin d’éviter le chaos. »
    Est-ce vraiment « la moitié la plus productive » ? La plus vorace sûrement…
    Est-ce que tout ce que cette « moitié » produit est indispensable, ou simplement réaliste ?
    Pour les raisons évidentes, nous devrions repenser d’urgence notre civilisation. Cesser de fabriquer une grande partie de ce que nous produisons, restreindre notre consommation, réduire considérablement le temps de travail « contraint » (l’explication est dans le livre d’Adret « Travailler deux heures par jour »), payer un minimum vital à tout un chacun, en incitant les gens à compléter ce revenu par un complément versé pour un travail socialement utile, remettre les tranches supérieures d’impôt à 70 – 90% comme c’était le cas de 1930 à 1970 aux États-Unis et en Europe.
    Les projets des économistes et des politiciens qui vont dans ce sens sont abondants. Il serait temps de les discuter sérieusement. Nous, les francs-maçons, devrions réfléchir sur ce que nous sommes prêts à abandonner et au profit de quoi. Cela indiquerait aux politiciens ce que la société souhaite et accepte.
    Si je l’en crois ce qui suit, nous aurons peu d’autres occasions de faire ce bond : “Regardons les choses en face : la pandémie est un avant-goût des scènes d’apocalypse qui se multiplieront si nous franchissons les seuils d’emballement climatique. Nous pouvons mettre à profit ce moment rare de décélération pour changer la trajectoire du Titanic.” Voir le dossier https://www.amisdelaterre.org/crise-du-coronavirus-sortir-du-deni-et-tout-reconstruire/
    A part cela, le métier de prophète est difficile. Trois semaines après la date de la publication de ton article, le nombre de morts du COVID19 est passé de 30000 (que tu cites) à 200000.
    “La pandémie de nouveau coronavirus a fait plus de 200.000 morts dans le monde, dont près de 90% en Europe et aux Etats-Unis, depuis son apparition en Chine en décembre, selon un bilan établi par l’AFP à partir de sources officielles samedi à 19 heures.” https://www.20minutes.fr/monde/2767619-20200425-coronavirus-direct-onu-oms-annoncent-initiative-decouverte-remede-covid-19

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Franck Fouqueray
Franck Fouqueray
Fondateur du Journal 450.fm - Président des Éditions LOL - Auteur de nombreux ouvrages maçonniques. Parmi ses nombreuses activités, on peut noter qu'il est fondateur du réseau social maçonnique On Va Rentrer qui regroupe plusieurs milliers de Frères et Soeurs. Il est aussi le créateur du premier Festival d'humour maçonnique de Paris. Il a présidé de 2017 à 2022, la Fraternelle des écrivains maçonniques.

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