mer 04 décembre 2024 - 06:12

Negredo

En raison des mesures prophylactiques prises par notre gouvernement dues à la crise sanitaire, je n’étais pas en Loge hier soir. Les Francs-maçons sont connus pour être des gens raisonnables et disciplinés, surtout dans ma Loge qui est un modèle historique d’exemplaritéi. Me voilà donc en confinement comme pas mal de monde. Je fais partie des privilégiés, ceux que Marx désignait comme les « analystes symboliques », je peux donc me permettre d’exercer mon emploi à domicile, sous certaines réserves et conditions. Mais mon boulot s’apparentant plus à un « bullshit job », je pense que notre pays ne souffrira pas d’éventuels retards dans le traitement de mes dossiers…

Plus sérieusement, l’avantage que je vois à cette crise sanitaire, c’est que nous allons réellement prendre la mesure de ce qui est important et de ce qui ne l’est pas. Ainsi, en ces temps de crise, nous réalisons combien sont importants les métiers du soin, de l’hygiène, les missions régaliennes, bref, ce qui, par un très étrange hasard relève des missions de service public parce que non lucratif. Il est quand même dommage que les services publics (si, vous savez, les hôpitaux, les écoles, les crèches, le nettoiement, la voirie etc.) aient été si souvent vus comme des charges, des poids, des dettes, ou accusés de lester la dette de l’État. Mais pourtant, c’est souvent vers l’État qu’on se tourne en cas de crise (cf. les banques en 2008).

En fait, j’ai l’impression que notre société est terrassée par ce micro-organisme comme Mme Mim, transformée en dragon le fut par Merlin transformé en microbe dans le Merlin l’enchanteur de Walt Disney.

Il a donc suffi d’un virus pour se rappeler de ces choses fondamentales : nous sommes mortels, et les politiques d’austérité tuentii. Le nombre de lits a été dramatiquement baissé depuis une vingtaine d’années, des hôpitaux ont fermé, nous manquons de médecins dans les régions rurales, la situation des aides-soigants et infirmiers est honteuse, etc.

A l’heure à laquelle j’écris ces lignes, je ne sais rien de ce qui va se passer, à part qu’on en a pour au moins quinze jours et qu’il faudra un laisser-passer pour des courses élémentaires. La seule chose que je sais, c’est qu’il faut rester chez soi jusqu’à nouvel ordre. Non pour éviter de tomber malade, mais plutôt pour éviter de saturer des hôpitaux déjà à bout de souffle avec les complications que ce virus peut engendrer. N’infligeons pas à un praticien de devoir choisir entre la vie ou de mort sur un patient, parce que nous manquons de matériel. Ils n’ont vraiment pas besoin d’ajouter cette souffrance éthique à une situation déjà inhumaine.

A ce propos, je tiens à rappeler à mes Frères et Soeurs sur la Terre une partie de nos obligations : respecter les lois et l’autorité légitime du pays où nous vivons et nous réunissons librement (même si en ce moment, c’est un peu compromis). C’est notre devoir, à accomplir même si ça nous coûte.

Aller en Loge me manque, certes. Mais je vais utiliser ce laps de temps de repos forcé pour travailler à après la crise : rédiger mes prochaines planches et prochains billets, travailler à des projets professionnels comme des formations continues. Et bien entendu, lire, écrire, visionner les années de séries que j’ai en retard, rattraper mon retard dans mes jeux vidéo… Bref, je vais utiliser ce temps d’ermitage pour me ressourcer, j’en ai bien besoiniii.

J’espère que nous tirerons les leçons de cette crise sanitaire, qui va, je le crains en entraîner d’autres dans d’autres domaines : difficultés pour les commerçants, dont les affaires ont déjà bien été entamées par les grèves et mouvements sociaux, paniques boursières,

Dans un précédent billet, j’avais écrit en pompant honteusement Camus que la société des morts avait pris le pas sur celle des vivants. C’est plus encore aujourd’hui le cas. Mais nous autres Maçons savons aussi qu’il faut savoir mourir (symboliquement) pour renaître.

Certes, nous sommes confinés, cloîtrés. Mais nous pouvons utiliser ce temps pour penser, et réfléchir au monde que nous voulons créer. Je vous offre quelques pistes, avec mon biais d’affreux socialo-marxiste à tendance keynesiennes. Par exemple, voulons-nous continuer à dépendre de la Chine ou d’autres pays, où nous avons installé nos usines pour des raisons de coûts, nous rendant de facto dépendants d’eux pour des industries importantes, voire stratégiques (au hasard, la production de médicaments) ?
Allons-nous continuer à mettre à sac l’environnement pour produire des biens et des services finalement très futiles ?

Allons-nous continuer de surexploiter les ressources naturelles et de gaspiller impunément ?

Devons-nous conserver l’Acte Unique, ce traité européen qui impose pour tous les Etats membres la concurrence libre et non faussée pour leurs services publics non régaliens ?
Allons-nous persévérer dans cette voie du profit pour quelques uns et de la précarité pour les autres ?
Allons-nous continuer de laisser réduire nos libertés individuelles en raison des crises différentes que nous avons traversées?

Bref, allons-nous continuer dans cette voie de la mort lorsque nous reviendrons à la vie ?

J’ai dit.

iLes initiés auront décelé une antiphrase dans mes propos.

iiJ’emprunte ce parallèle à Thomas Porcher, des Economistes Atterrés

iiiRassurez-vous, j’ai quelques billets d’avance, vous pourrez toujours me lire le jeudi !

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Josselin
Josselin
Josselin Morand est ingénieur de formation et titulaire d’un diplôme de 3e cycle en sciences physiques, disciplines auxquelles il a contribué par des publications académiques. Il est également pratiquant avancé d’arts martiaux. Après une reprise d’études en 2016-2017, il obtient le diplôme d’éthique d’une université parisienne. Dans la vie profane, il occupe une place de fonctionnaire dans une collectivité territoriale. Très impliqué dans les initiatives à vocations culturelle et sociale, il a participé à différentes actions (think tank, universités populaires) et contribué à différents médias maçonniques (Critica Masonica, Franc-maçonnerie Magazine). Enfin, il est l’auteur de deux essais : L’éthique en Franc-maçonnerie (Numérilivre-Editions des Bords de Seine) et Ethique et Athéisme - Construction d'une morale sans dieux (Editions Numérilivre).

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